En fonction de celui qui demande ça donne deux types de situations différentes :
Cas 1 - l'interlocuteur est du monde médical :
-"... Je suis neurologue..."
-"...Ah ok..."
Reprenons la scène au ralenti, car il s'est passé plein de choses :
-ok, ma soirée est à mettre à la poubelle, je vais perdre mon étiquette de gars sympa et gagner celle du : geek nerd autiste spécialiste en trucs incompréhensibles, qui fait des examens tout aussi opaques, pour aboutir à des diagnostics avec pleins de noms allemands dedans qui de toute façon débouchement jamais sur rien - "...Je suis neurologue...".
-"...Ah ok..." - je me suis bien fait avoir, il avait l'air sympa, mais c'est Sheldon Cooper - comment vais-je pouvoir fuir avant qu'il découvre que je ne comprends rien à ce qu'il fait vraiment.
Cas 2 - l'interlocuteur n'est pas du monde médical :
-"... Je suis neurologue..."
-[bruit de cigales en Provence au mois d'août] - tu... Opères des cerveaux ?.."
-"non"
-[bruits de buissons roulant dans le vent dans une ruelle déserte d'une ville de western] - Ah... tu t'occupes des fous alors ?..."
-"non"
-[bruits du balancier de le pendule dans le salon d'une E.H.P.A.D. pendant la sieste" - Ben, tu fais quoi alors ?.."
-"je m'occupe des gens qui ont une maladie de Parkinson, des scléroses en plaques ou des A.V.C."
-[bruit du brouillard à minuit sur un pont reliant Berlin ouest à Berlin est en 1972] - Mais tu es médecin ?"
-"oui oui, je suis NEU.RO.LO.GUE"
-"ah...ok...... C'est super..... Mais, ça n'a rien à voir, excuse moi trente secondes faut que je vérifie le cours du sorgho au Malawi, bouge pas je reviens..."
Comme cette situation dure depuis des années, j'y suis devenu relativement insensible, j'en ai même fait une arme pour me débarrasser des gens gluants qui ne te lâchent pas de la soirée.
Mais, parce qu'il y a un mais, j'ai récemment dû expliquer ce qu'est un neurologue à des lycéens de terminale dans un truc sur les métiers. J'avoue que, n'y étant allé que parce que j'avais perdu au chifoumi, je m'attendais à des questions semi-débiles sur "...C'est quoi l'école pour la neurologie ?..." ou "..Est-ce que ça gagne ?..." ou encore "...c'est niveau Licence ou Maîtrise ?..."
Et en fait pas du tout, je suis tombé sur des lycéens super attentifs, qui m'ont obligé à réfléchir (le comble pour un neurologue).
Alors c'est quoi un neurologue ?
Se définir comme les autres spécialistes d'organe n'a pas de sens. Un ortho répare les os, une dermato soigne les boutons, une pneumologue soigne la toux. Dans l'imaginaire populaire, chaque spécialité est associée à un symptôme (fracture, bouton, toux), parfois un organe (les yeux), rarement une maladie (les cancers) mais dans tous les cas, c'est quelque chose qui arrive à quelqu'un.
Dit autrement, un médecin soigne quelque chose (la maladie) qui vient altérer de façon plus ou moins importante le fonctionnement du corps d'un individu (le patient). Pour ce faire, le médecin va examiner, analyser, et proposer au dit individu un traitement, pour que le quelque chose, soit cesse de perturber le fonctionnement de son corps, soit le perturbe de façon tolérable.
Oui, mais moi, ce n'est pas ça du tout, c'est même le contraire. Moi, je soigne... Vous (il n'y pas de faute grammaticale). Vous, vous êtes la sommes de vos souvenirs + perceptions + réflexions + processus cognitifs + vos actions et réactions en fonction de tous ces paramètres, à votre environnement. Cette somme, n'est pas le "moi" des psychanalystes, car cette somme ne se définit pas par des valeurs morales ou philosophiques. Ce n'est pas "l'âme", ce terme étant métaphysique. Ça pourrait être "la pensée" des psychiatres sauf que cette notion n'a pas de substrat organique (pour l'instant). Donc ce que moi je soigne, n'a pas de nom. C'est vous, votre persona au sens latin du terme.
Ouais ok, et avec tes interrogations de comptoir tu veux en venir où ?
Je veux en venir à : ce que je soigne n'a peut-être pas de nom, mais en pratique, ça a pas mal de conséquences.
Un jour, je ferais peut-être un billet sur "comment se comporter face à un patient qui présente un trouble neurologique". Mais pas tout de suite, j'ai déjà du mal à vous expliquer à quoi je sers...
-"... Je suis neurologue..."
-"...Ah ok..."
Reprenons la scène au ralenti, car il s'est passé plein de choses :
-ok, ma soirée est à mettre à la poubelle, je vais perdre mon étiquette de gars sympa et gagner celle du : geek nerd autiste spécialiste en trucs incompréhensibles, qui fait des examens tout aussi opaques, pour aboutir à des diagnostics avec pleins de noms allemands dedans qui de toute façon débouchement jamais sur rien - "...Je suis neurologue...".
-"...Ah ok..." - je me suis bien fait avoir, il avait l'air sympa, mais c'est Sheldon Cooper - comment vais-je pouvoir fuir avant qu'il découvre que je ne comprends rien à ce qu'il fait vraiment.
Cas 2 - l'interlocuteur n'est pas du monde médical :
-"... Je suis neurologue..."
-[bruit de cigales en Provence au mois d'août] - tu... Opères des cerveaux ?.."
-"non"
-[bruits de buissons roulant dans le vent dans une ruelle déserte d'une ville de western] - Ah... tu t'occupes des fous alors ?..."
-"non"
-[bruits du balancier de le pendule dans le salon d'une E.H.P.A.D. pendant la sieste" - Ben, tu fais quoi alors ?.."
-"je m'occupe des gens qui ont une maladie de Parkinson, des scléroses en plaques ou des A.V.C."
-[bruit du brouillard à minuit sur un pont reliant Berlin ouest à Berlin est en 1972] - Mais tu es médecin ?"
-"oui oui, je suis NEU.RO.LO.GUE"
-"ah...ok...... C'est super..... Mais, ça n'a rien à voir, excuse moi trente secondes faut que je vérifie le cours du sorgho au Malawi, bouge pas je reviens..."
Comme cette situation dure depuis des années, j'y suis devenu relativement insensible, j'en ai même fait une arme pour me débarrasser des gens gluants qui ne te lâchent pas de la soirée.
Mais, parce qu'il y a un mais, j'ai récemment dû expliquer ce qu'est un neurologue à des lycéens de terminale dans un truc sur les métiers. J'avoue que, n'y étant allé que parce que j'avais perdu au chifoumi, je m'attendais à des questions semi-débiles sur "...C'est quoi l'école pour la neurologie ?..." ou "..Est-ce que ça gagne ?..." ou encore "...c'est niveau Licence ou Maîtrise ?..."
Et en fait pas du tout, je suis tombé sur des lycéens super attentifs, qui m'ont obligé à réfléchir (le comble pour un neurologue).
Alors c'est quoi un neurologue ?
Se définir comme les autres spécialistes d'organe n'a pas de sens. Un ortho répare les os, une dermato soigne les boutons, une pneumologue soigne la toux. Dans l'imaginaire populaire, chaque spécialité est associée à un symptôme (fracture, bouton, toux), parfois un organe (les yeux), rarement une maladie (les cancers) mais dans tous les cas, c'est quelque chose qui arrive à quelqu'un.
Dit autrement, un médecin soigne quelque chose (la maladie) qui vient altérer de façon plus ou moins importante le fonctionnement du corps d'un individu (le patient). Pour ce faire, le médecin va examiner, analyser, et proposer au dit individu un traitement, pour que le quelque chose, soit cesse de perturber le fonctionnement de son corps, soit le perturbe de façon tolérable.
Oui, mais moi, ce n'est pas ça du tout, c'est même le contraire. Moi, je soigne... Vous (il n'y pas de faute grammaticale). Vous, vous êtes la sommes de vos souvenirs + perceptions + réflexions + processus cognitifs + vos actions et réactions en fonction de tous ces paramètres, à votre environnement. Cette somme, n'est pas le "moi" des psychanalystes, car cette somme ne se définit pas par des valeurs morales ou philosophiques. Ce n'est pas "l'âme", ce terme étant métaphysique. Ça pourrait être "la pensée" des psychiatres sauf que cette notion n'a pas de substrat organique (pour l'instant). Donc ce que moi je soigne, n'a pas de nom. C'est vous, votre persona au sens latin du terme.
Ouais ok, et avec tes interrogations de comptoir tu veux en venir où ?
Je veux en venir à : ce que je soigne n'a peut-être pas de nom, mais en pratique, ça a pas mal de conséquences.
- Ça a comme conséquence que lorsque je vois un patient, il faut que je devine, quelle part de sa personnalité est le "lui" d'avant et quelle part est le "lui" lié à la maladie : un patient frontal désinhibé qui fait des blagues à deux balles, peut toujours avoir été comme ça, sans que le syndrome frontal n'y soit pour quelque chose.
- Ça a comme conséquence, que lorsque je demande à un patient s'il accepte un traitement, je dois faire la part des choses entre quel "lui" me répond. Prenons l'exemple d'un patient qui a un A.V.C. qui le rend anosognosique et qui refuse un traitement par thrombolyse parce qu'il ne se rend pas compte qu'il est hémiplégique : est-ce qu'il refuse parce qu'il a compris les risques et préfère rester comme ça ou est-ce qu'il refuse parce que, tout en ayant compris ce qu'il lui arrive, sa personnalité (anormale par rapport à sa norme) refuse le traitement ?
- Ça a des conséquences, parce que parfois, la nouvelle personnalité est mieux que l'ancienne : prenons l'exemple d'un patient parkinsonien surdosé en L-Dopa. Il va avoir des dyskinésies, se taper et se blesser parfois gravement du fait de mouvements incontrôlés, mais cet état va s'accompagner d'un état de bien être (effet cocaïne like de la L-Dopa). Quand on lui propose de revenir à un dosage médicamenteux normal, il va refuser, en toute conscience, parce que la L-Dopa a profondément changé sa personnalité, sans que cette nouvelle personnalité ne soit plus insensée que l'ancienne.
- Ça a des conséquences, parce que parfois, le contact peut ne pas du tout refléter l'intérieur : prenons cette fois-ci l'exemple du parkinsonien non Dopa sensible. Il est là, sur son fauteuil roulant, tremblant, incapable de prononcer des sons articulés à part quelques sifflements noyés dans la salive (phénomène de drooling). Quand don lui pose une question, il ne répond pas, le regard dans le vague, le visage déformé par des rictus qui fait penser qu'il est ailleurs. Sauf que tout ça ce n'est que la coquille. C'est son corps qui ne répond plus. Mais à l'intérieur, sa persona est intact. Il est toujours la même personne, avec ses souvenirs, ses convictions, ses projets et... l'impossibilité de les partager.
Un jour, je ferais peut-être un billet sur "comment se comporter face à un patient qui présente un trouble neurologique". Mais pas tout de suite, j'ai déjà du mal à vous expliquer à quoi je sers...