27.7.19

Pharmacologie des Antipsychotiques - version du potard.

Après un article intitulé : "Pharmacologie des Antipsychotiques", @PotardDechaine a pris le temps d'en rédiger un autre (avec une rapidité déconcertante ! Il est bluffant) qui donne une version pharma sur ce sujet. La voici ci dessous. Un très grand merci à lui. 



Le point de vue du Potard. 

Il est vendredi, vous être seul dans votre officine et vous vous préparez à passer un agréable week-end avec votre mari / femme, amant(e), famille ou autres quand soudain, un patient entre dans votre pharmacie et vous tend le document fatidique … Vous vous trouvez devant une ordonnance de neuroleptique prescrite par @qffwffq !!! Que faire ? En supposant que vous n’avez ni un abonnement à Prescrire, ni le temps de réviser votre cours de neuropharmacologie de 4ème année et que vous avez balancé la classification de Delay et Denicker  ; quelles sont les questions qui doivent vous venir à l’esprit du point du vue du pharmacien ? 






Les neuroleptiques sont une classe de médicaments difficiles à dispenser pour plusieurs raisons : les médicaments agissant sur le système nerveux central sont largement prescrits et sont responsables d’une importante iatrogénie médicamenteuse. Je vous conseille donc de lire le rapport publié par l’ANSM sur la prévention de la iatrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé (1). Le profil d’effets indésirables des neuroleptiques est particulièrement difficile à maîtriser et de nature multiple, à la fois pharmacologiques (liés aux propriétés antidopaminergiques, parasympatholytiques et sérotoninergiques de ces produits) mais aussi idiosyncrasiques. Voici donc les quelques questions, simples que je garde en mémoire quand je suis confronté à une ordonnance contenant (ou dans mon cas plus vraisemblablement quand je suis confronté à un patient traité par) un neuroleptique.

1 – Vérifier à qui est destiné la prescription afin de détecter une éventuelle contre-indication au traitement. Vérifier la dose. 

De nombreux neuroleptiques sont contre-indiqués chez les enfants ou chez les patients ayant une pathologie qui contre-indique l’utilisation de produits ayant des propriétés anticholnergiques par exemple.

2 – Interroger les patients sur leur mode de vie et rechercher la prise d’autres médicaments pris sans prescription médicale. 

En particulier, il semble important de rechercher la prise de millepertuis (en raison de ses capacités à induire le métabolisme des neuroleptiques), la prise de neuroleptiques « cachés » quelquefois contenus dans les médicaments vendus en vente libre et bien entendu la prise d’alcool, le tabagisme et le mode de vie (conduite automobile).

3 – Rechercher la prise d’autres médicaments sur prescription qui pourraient interagir avec les neuroleptiques. Pensez aux effets indésirables graves comme les torsades de pointe. 

Interactions pharmacodynamiques
Ici les choses se compliquent beaucoup car quasiment tous les médicaments ou produits qui ont une action centrale vont interagir avec les neuroleptiques mais il est important de garder en mémoire les interactions pharmacologiques potentielles suivantes :

  • Addition d’effets antidopaminergiques : syndrome parkinsonien. Faites gaffe aux neuroleptiques cachés (flunarizine, métoclopramide) !!! 
  • Addition d’effets anticholinergiques.
  • Interaction au niveau sérotoninergique : syndrome sérotoninergique (lithium). 

D’autres interactions pharmacodynamiques peuvent aussi entrer en ligne de compte en particulier avec les neuroleptiques qui augmentent l’intervalle QT et susceptibles d’entraîner des torsades de pointe (amisulpride, chlorpromazine, cyamemazine, droperidol, flupentixol, fluphenazine, haloperidol, levomepromazine, pimozide, pipamperone, pipotiazine, sulpiride, tiapride, zuclopenthixol) quand ils sont associés à des médicaments qui prolongent l’intervalle QT ou qui peuvent entraîner une bradycardie (moins de 50 bpm), une hypokaliémie ou une hypomagnésémie (diurétiques, utilisation prolongée d’inhibiteurs de la pompe à protons).

Les neuroleptiques qui peuvent entraîner des torsades de pointe sont contre-indiqués en particulier avec citalopram, la dompéridone, l'escitalopram, l'hydroxyzine et la pipéraquine mais aussi d’autres produits plus obscurs comme l’arsenic trioxide, l’erythromycine par voie parentérale, etc …

Enfin, les neuroleptiques peuvent aussi interagir avec tous les produits responsables d’hypotensions orthostatiques : attention aux sujets âgés !!!!

Interactions pharmacocinétiques
Enfin, certaines interactions pharmacocinétiques doivent parfois aussi être prises en compte. Beaucoup de neuroleptiques sont métabolisés par les isoenzymes 2D6 et/ou 1A2 du CYP450 et dont doivent être associés avec précaution avec des inducteurs enzymatiques non spécifiques (par exemple millepertuis, carbamazépine, rifampicine). L’association des neuroleptiques métabolisés par l’isoenzyme 1A2 avec les inhibiteurs ou les inducteurs de cette isoenzyme sont aussi à prendre en compte (fluvoxamine, ciprofloxacine) et bien entendu la même chose s’applique pour l’isoenzyme 2D6 (fluoxétine, bupriopion, paroxétine, quinidine, cinacalcet). Il existe un tableau relativement exhaustif des substrats, inducteurs et inhibiteurs des isoenzymes du CYP450 que je consulte régulièrement sur le site du département de pharmacologie clinique de l’indiana (2). Le seul problème de ce tableau est qu’il n’est pas forcément mis à jour et contient peu de produits nouvellement autorisés et pourtant impliqués dans des interactions médicamenteuses (prenez l’exemple du sorafénib).

Il est toujours important de se référer au RCP officiel du produit concerné (3) ainsi qu’au livret interaction médicamenteuse publié par l’ANSM (4).

4 – Se méfier de la toxicité spécifique de certains neuroleptiques.

Certains neuroleptiques sont responsables de certains effets indésirables non centraux graves, parfois mortels.

Toute fièvre soudaine, élevée doit faire suspecter la survenue d’un syndrome malin des neuroleptiques. 

Certains neuroleptiques augmentent le risque d’accident vasculaire cérébral et d’accident ischémique transitoire. Attention aux fortes chaleurs …

Toxicité hématologique de la clozapine. La clozapine peut entraîner des agranulocytoses et des myocardites. Il est donc important de délivrer le Léponex en vérifiant si le patient a réalisé un bilan hématologique (neutrophiles, éosinophiles).

Il convient de rappeler aux patients traités par LEPONEX qu'ils doivent contacter immédiatement leur médecin traitant si une infection quelle qu'elle soit, commence à se développer. Une attention particulière doit être accordée aux symptômes pseudo-grippaux, comme une fièvre ou une angine, et aux autres signes d'infection, qui peuvent être révélateurs d'une neutropénie.

Phototoxicité des phénothiazines. Par ces moments de forte chaleur et de soleil il est important de rappeler aux patients présentant des effets indésirables anticholinergiques associés aux neuroleptiques de bien s’hydrater. De nombreux neuroleptiques sont phototoxiques, il est donc important de leur rappeler de faire très attention à l’exposition directe au soleil.

Bien entendu, ces quelques conseils ne remplacent pas une documentation exhaustive et bien entendu, en cas de doute, n’hésitez pas à appeler le médecin traitant.

Je remercie @qffwffq de m’avoir accueilli sur son blog. Faites nous savoir si cet échange de vue entre un médecin et un pharmacien vous a été utile.

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Pharmacologie et thérapeutique



(1) Prévenir la iatrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé. https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/9641eb3f4a1e67ba18a6b8aecd3f1985.pdf
(2) Tableau des substrats, inducteurs et inhibiteurs des isoenzymes du CYP450 https://drug-interactions.medicine.iu.edu/Main-Table.aspx
(3) Base de donnée publique des médicaments. http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/
(4) Livret interaction médicamenteuses de l’ANSM. https://www.ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/a90a7e83a649086c46aa73ea1f9e1b56.pdf