18.5.15

Les temps et le cerveau




Aujourd'hui est un jour entre deux, un non temps, et c'est la troisième fois ce mois de mai 2015. Le moment est donc idéal pour causer du TEMPS en neurologie.

Je vais tenter de vous décrire brièvement la façon dont on (pronom neutre qui n'inclut pas le narrateur) pense que le cerveau se débrouille pour percevoir le temps qui passe.



Mais tout d'abord, comme il est plus facile de réfléchir en musique, voici un air d'opéra connu :




Cet air italien est intitulé :"Coro a bocca chiusa", soit en français :"chœur à bouche à fermée" ou encore :"humming chorus" en anglais (notons entre parenthèses, d’où les parenthèses, l'esprit pragmatique des anglais).

Cet air vient de madame Butterfly. Pour comprendre son rapport avec le temps, il faut le situer dans la pièce (ou œuvre, d’où "opera" en italien). Madame Butterfly est une jeune femme japonaise qui pense avoir trouvé (au XIXe siècle), le grand amour avec un marin américain (et sans se droguer…). Le marin en question va lui faire deux gosses et se barrer dans l'acte I et II. Il reviendra dans l'acte III et l'histoire finira mal (madame Butterfly est un opéra tragique).

D'habitude dans les opéra, la séparation entre les actes est nette. Sauf que là, Puccini (l'auteur) s'est dit :"bon, machine elle attend Dom John, c''est long, comment traduire ça en musique ?"

L'idée géniale (en vrai je n'en sais rien, je ne suis pas spécialiste en opéra mais en neurologie) de Puccini, est de remplacer le silence séparant deux actes par cet air sans paroles. Il représente le temps qui passe alors que tout le monde se moque de Butterfly qui, seule, croit que son amour et père de ses enfants va revenir. Cet air est donc une personnification du TEMPS absolu et incompressible.

Quel rapport avec la neurologie ? Puccini ignorait tout des neurosciences (…) mais sans le vouloir, son air résume les deux façons dont on pense que le cerveau perçoit le temps.

Analysons cet air avec l'oreille du neurologue : il est constitué de deux élément distincts : des Hmmmmmmmmmmmmmmmmms ininterrompus et lents, sans début ni fin ET des Tzoing brefs répétitifs régulier.

Revenons au cerveau : la perception du temps a lieu (de façon très très schématique) dans deux zones différentes :

  • Des zones archaïques qui perçoivent nos variations internes. Ces structures ne perçoivent pas le TEMPS, mais des variations de besoins. Ainsi entre deux moment où j'ai sommeil, il s'est écoulé un temps long. Entre deux moments où j'ai faim, il s'est écoulé un temps court.
  • Des régions plus récentes (dans l'évolution) sensibles aux variations externes. Là encore ces structures ne perçoivent pas le TEMPS mais des variations d'environnement.

Dans la grotte de Cro-Magnon ces structures étaient synchrones : une journée = période entre deux nuits (extérieur) et deux sommeils (intérieur). Tout était hmmmmmmmmmmmm. Le temps était long.

Cependant quelques siècles plus tard (environ 2000), on a inventé les horloges. Le temps extérieur est devenu rapide régulier répétitif. Et nous avons dû nous désynchroniser. Sauf que l'adaptation n'est pas parfaite. Nous sommes donc souvent dans la gestion de l'asynchronie. Je sais c'est flou alors passons aux exemples :

Vous jouez avec votre téléphone en lisant vos tweets. Vous en lisez mêmes pas, disons, 42. Sauf que pour les lire vous êtes concentré et donc isolé dans votre bulle. Dans cette bulle, le hmmmmmmmmmmm est Roi. Et quand vous levez la tête pour voir l'heure, vous avez perdu 30 minutes là ou vous pensiez en avoir passé 5.

Deuxième exemple : vous êtes en retard en voiture. De façon idiote (si si) sous fixez l'horloge de bord plutôt que la route dès fois qu'elle prenne peur et ralentisse. En le faisant vous vous mettez en mode Tzoing (bref ,régulier, etc…). Le temps externe s'impose à vous et comme pendant ce… temps vous besoins n'ont pas fondamentalement variés, vos structures internes vous disent qu'aucun temps ne s'est écoulé. Résultat, vous avez l'horrible sensation que vous n'avancez pas alors que vous roulez à 130 dans une ruelle étroite de Paris

Alors dites-vous bien que votre perception du temps est un immense (en unité pognon) enjeu pour les neuro-marketteurs.

Et oui, si vous appelez ORANGE déjà énervé en raison des limites de votre forfait illimité, il est idiot d'augmenter vote nervosité. Et pour ça le mieux est de ne pas vous faire subir le temps d'attente de votre conseiller disponible dans [KARENTEUX DEUX MINUTEUX]. L'astuce consiste donc à vous coller une musique d'attente qui favorise le hmmm, d’où une musique monotone au sens propre : MONO TONE.

Les hôpitaux qui vous passent les quatre saisons de Vivald... de Clayderman montrent ainsi quotidiennement leur manque de moyens financiers pour se payer un bon conseiller.

Evidemment en neuro-market l'inverse marche aussi. Chez SFR (histoire de changer), quand vous voulez passer à un forfait plus cher pour repousser les limites de l'illimité, vous allez tomber sur une pub Tsoing. L'idée est de vous faire sentir le temps qui vous échappe et le fait que vous devez vous décider vite pour accepter une offre à 40 euros avec engagement qui propose la mêmes chose que votre offre actuelle à 35 euros sans engagement.

Pour conclure rapidement, neurosciences ou pas, les grecs (anciens) avaient résumé ce que je vis d'écrire avec trois concepts de temps différents : CHRONOS, le temps mesuré, fini, rythmé. AION, le temps infini, sans début ni rythme ni fin. C'est en lui que CHRONOS peut exister. KAIROS, le moment. Le temps présent instantané avant lequel il est trop tôt et parés lequel il est trop tard (les neurochir sont des KAIROS, les neuros des AION).

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Mécanismes de cognition