15.12.21

#UnLapinUnThread | petit handicap, grandes conséquences l'APROSODIE.

Un petit handicap qui a de grandes conséquences, et qui redevient médiatique pour une mauvaise (le COVID) et une très mauvaise (les troubles du spectre autistique) raison. On
va donc discuter de l'APROSODIE.

L'aprosodie c'est un truc que vous connaissez parfaitement, et que vous vivez en ce moment même en lisant ceci : @gnieh_ a tort.

C'est à dire que sans entendre le son de ma voix, vous ne savez pas si c'est une affirmation factuelle, ironique, cynique, hésitante, volontairement erronée...

Bref vous êtes contraints de faire appel à d'autres indices contextuels ainsi qu'à voire mémoire pour déduire mon ton. Et si votre déduction est erronée, vous allez vous tromper sur le sens de mon affirmation, et potentiellement réagir de façon inappropriée (en défendant @gnieh_ par exemple). 

Bref, sans le son, vous perdez une bonne part de la sémantique de mon propos. Sauf que là c'est un texte de blog et qu'on s'en tape (au pire ça fait du clash rigolo). 

Mais dans la vraie vie, comprendre le sens littéral d'une phrase sans percevoir les nuances apportées par le son (on parle de mélodie) peut être un handicap lourd. Ce handicap se nomme A (privatif) PROSODIE (chant). 

Et on en parle parce que d'une part il est associé aux troubles du spectre autistique à raison...et à tort. On le verra, on le confond avec d'autres troubles proches mais qui sont plutôt en lien avec la capacité de jugement. Et on en parle parce que cet handicap serait une séquelle possible des COVID longs.

Avant d'aller plus loin il faut savoir qu'il existe des gens dans notre vaste univers pour s'écharper à coups d'articles assassins publiés dans des fanzines scientifiques sur la définition exacte de l'aprosodie. Pour ce qui nous intéresse, on va se limiter à deux fonctions différentes. La prosodie (sans le a) permet d'une part dans les langues occidentales, de connaître le mode d'une phrase (indicatif, interrogatif etc...). C'est l'aspect non affectif. Elle permet d'autre part de connaître l'état émotionnel ou la volonté émotionnelle de l'elocuteur. Son aspect affectif. 

Gardez ça en mémoire, on en cause plus tard.

En pratique puisqu'il s'agit d'une perception puis du décryptage d'un contenu sémantique, cela signifie qu'il existe quelque part dans le cerveau une où des zones qui perçoivent, et une ou des zones qui "comprennent". Longtemps on a cru que les zones en charge de la prosodie étaient les mêmes que celle qui sont en charge du langage.

Pas de bol c'est faux.

En pratique, même si on voit à peu près où ça se passe, ça reste encore un peu flou en 2021. On pense que même si les deux hémisphères sont impliqués, l'hémisphère cérébral non dominant (donc le droit chez les droitiers) et plus impliqué que le gauche. Mais comme c'est encore plus compliqué que ça, je vais vous donner des exemples typiques de sous-types (selon la classification de 2021, qui semblera sans doute débile en 2031 et incroyablement stupide en 2041).

  • On a donc les aprosodies motrices où les gens parlent comme des robots. Ils ne sont pas capables de mettre de l'émotion dans leur voix.
  • On a les aprosodies sensorielles où  les gens ne perçoivent pas la prosodie des autres, mais restent capables d'en mettre dans leur expression (c'est la pire forme puisqu'elle est invisible pour les autres et souvent méconnue des victimes)
  • On a les aprosodies globales où y'a rien qui va.
  • On a les aprosodies de conduction où les gens comprennent, peuvent émettre, mais sont incapable de répéter la prosodie d'autrui.
  • On a la forme "inverse" de la précédente, appelé aprosodie transcorticale où les gens ne perçoivent pas, mais sont capables de répéter sans comprendre (un peu comme des perroquets émotionnels)
  • Et enfin, même s'il en existe d'autres, une forme frontière avec d'autres troubles : la prosodie anomique, où les gens ne comprennent pas l'émotion gestuelle (très handicapant dans les pays latins et, contrairement aux clichés culturels, handicapant dans certains pays asiatiques)

Les principales étiologies des aprosodies sont lésionnelles (AVC dans la très grande majorité des cas), et dégénératives (démences parkinsoniennes, Alzheimer, etc...).

Pourtant dans ces situations qui représentent 820% des cas, tout le monde s'en tape. Et quand je dis "s'en tape" c'est plus qu'une expression. Il est quasiment impossible de faire reconnaître ce handicap, alors que les victimes galèrent très sérieusement.

Parce que dans la vraie vie, surtout en français où il est naturel d'employer des sous-entendus,

Ne pas comprendre ce qui est dit au-delà des mots, peut conduire à la perte d'emploi, à l'exclusion sociale, au divorce, à la dépression.

Les victimes d'aprosodie sont également victimes de violences et de discriminations, y compris de la part des administrations. NB les pays où l'aprosodie est la plus handicapante sont la France, l'Angleterre (ie pas les États-Unis, le Canada, l'Australie ou l'Écosse) la Chine, le Japon, la Corée. 

Ceux où elle l'est le moins sont l'Allemagne, la Suisse y compris romande et les Pays-Bas.

Mais comme je l'ai dit et redit, tout le monde s'en tape avec une intensité rare.

Par contre on s'en soucie dans le cas des COVID longs et des troubles du spectre autistique.

Commençons par les COVID longs. À ce cour (15 décembre 2021) il existe très exactement UN CAS UNIQUE d'aprosodie post COVID totalement documentée. Décrite par une seule équipe italienne de Brescia, en Lombardie.

Oui je sais c'est une cohorte énorme qui permet de faire des stats.

Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir d'aprosodie post COVID, mais dans la mesure où 840022014% des cas sont post vasculaires ou dégénératifs, ce n'est pas l'hypothèse la plus probable.

Passons ensuite, et c'est beaucoup plus intéressant, aux troubles du spectre autistique. C'est plus intéressant mais pas forcément plus long.

Par définition LES troubles du SPECTRE autistique, décrivent un ensemble vaste et non borné de situations pouvant concerner un ensemble tout aussi vaste et non borné d'individus. Un des ces troubles est la difficulté à percevoir les éléments de communication non explicites. Cela concerne le langage verbal, non verbal, mais aussi toute la communication environnementale, culturel etc...

En pratique, selon les individus et la nature de leurs troubles, certains ne perçoivent pas le contenu affectif du langage et/ou gestuel de leur interlocuteur mais aussi des choses aussi "simples" que la dangerosité d'un parvis de gare à 2h du matin avec des toxicos en manque. 

Ni même le code culturel en occident du rouge qui signifie plutôt un danger ou du vert qui signifie une sécurité.

Ceci va donc bien au-delà de l'aprosodie.

Et là vous allez me demander l'intérêt de faire la distinction.

(C'est une formulation rhétorique).

L'intérêt est que l'aprosodie en elle-même peut être rééduquée si elle est correctement diagnostiquée.

Sans entrer dans les détails, on est assez proche des techniques utilisées pour les troubles phasiques et l'apprentissage du langage verbal chez les sourds.

Alors que dans les troubles du spectre autistique c'est beaucoup plus compliqué pour deux raisons.

1/ il existe une anosognosie. Dire à quelqu'un qu'il ne comprend pas toute une partie de la communication inter humaine...  c'est comme dire à un daltonien qu'il ne perçoit pas le rouge. Il veut bien vous croire, mais il ne le percevra pas plus, et ne pourra pas y faire grand chose pour se corriger (il va développer des stratégies d'adaptation, mais ne verra toujours pas le rouge).

2/ et ça c'est encore plus compliqué que l'anosognosie, c'est l'agnosie sociale. Là on parle de nous tous (les autres). De la même façon que les personnes atteintes ne perçoivent pas leur handicap, nous ne le percevons pas non plus.

Bah oui c'est pas écrit sur leur front.

Du coup on se comporte comme si les conséquences de leur handicap, c'est à dire un comportement A-normal... Était juste une excentricité. Voir pire, on les encourage dans cette anormalité parce qu'elle peut servir des intérêts politiques ou philosophiques. Ça c'est un truc assez mal connu, mais les associations de patients s'en plaignent pas mal. 

L'exemple typique est la personne qui par exemple est en difficulté pour hiérarchiser le degré d'importance et d'urgence des évènements qui surviennent. Je connais plusieurs personnes qui sont victimes de ça.

Concrètement par exemple, un matin la cafetière coule à côté et du café coule au sol. Au même moment le téléphone sonne et au bout du file vous avez Greenpeace qui veut de la thune pour les pingouins albinos à poils verts. Bah les personnes dont je parle ne savent pas si elle doivent d'abord éteindre la cafetière ou décrocher le téléphone, et si elles décrochent, si elles doivent tout quitter pour sauver les pingouins vertbinos ou raccrocher pour éponger le sol. En pratique, leur handicap n'étant pas visibles, ils sont très souvent les plus militants de toutes les associations militantes, s'exposant comme je l'ai dit précédemment à toutes sortes de violences et d'instrumentalisations. Ils ont très souvent des troubles de la prosodie, mais pas uniquement. 

En pratique, ça reste quelque chose à dépister puisque, même si cela reste imparfait, cela peut se rééduquer.