9.9.21

#UnLapinUnThread| troubles du sommeil chez les femmes

Question qui peut paraître incongrue.
sauf que les a priori sont souvent trompeurs 
et on va regarder ça de plus près.


Alors on est d'accord que la question du sommeil des femmes peut paraître incongrue.

D'une part parce que le sommeil est un des phénomènes les comparables chez les mammifères.

D'autre part parce qu'a priori les différences hommes/femmes en terme d'hormones et de reproduction sont responsables de presque toutes les différences observées. 

Sauf que les a priori sont souvent trompeurs et on va regarder ça de plus près.

Commençons par un flot de données épidémiologiques. C'est bien, ça fait savant, et ça permet de faire la malin en discutant avec les caisses automatiques du parking. es femmes dorment mieux que les hommes quand on prend des paramètres cliniques (durée et qualité du sommeil profond en polysomnographie). Cependant le ressenti est mauvais :

  •  60% disent dormir mal
  • 46% disent dormir mal toutes les nuits

Et cette mauvaise qualité est perçue à tous les âges.

Avec parfois des choses mal enseignées, donc mal expliquées, donc sources d'inquiétudes, de stress et de consultation totalement inutile. On a par exemple les troubles lors des premières règles, avec alternance insomnies/hypersomnies pendant plusieurs mois et une somnolence diurne éliminée par la prise de contraceptifs oraux (ce qui illustre le rôle des hormones sans que cela ne soit une indication de prescription). On a aussi la grossesse avec
  •  30% de femmes qui ont de très mauvaises nuit
  •  84% de femmes qui ont au moins quelques mauvaise nuit par mois
  •  40% de femmes présentant des ronflements, d'apnée du sommeil ou un syndrome des jambes sans repos
Et certaines études corrélent un mauvais score sur l'échelle d'Epworth (échelle de qualité du sommeil) avec le risque de diabète gestationnel. En post partum, et indépendamment de l'activité nocturne de l'enfant :
  •  52% dorment mal
  •  19% ont une dépression du post partum avec des insomnies sévères
  •  et presque toutes ont des anomalies électrophysiologiques
Lors de la ménopause 
  • le nb de femmes qui se plaignent d'un mauvais sommeil passe de 35% à 60% 
  • en l'absence d'hormonothérapie substitutive la prévalence de l'apnée du sommeil rejoint celle des hommes
  •  les bouffées de chaleur provoquent des insomnies chez 60% d'entre elles
Et pour ceux qui ne le savent pas, l'apnée du sommeil est un facteur de risque indépendant d'accident vasculaires cérébraux avec une augmentation de ce risque de 1,6 à 2 fois. Il existe également d'autres corrélation entre apnée du sommeil et sexe féminin comme par exemple plus de céphalées matinales que les hommes en particulier si elles sont par ailleurs migraineuses (les hommes eux se viandent plus souvent en bagnole à cause de la somnolence). Petit focus (ça fait très présentation DRH ça) sur le syndrome des jambes sans repos (SJSR)  (un truc vraiment encore plus pénibles que le vrombissement aigu des moustiques en plein été quand il fait 43° dans le chambre) :
  • Le SJSR touche 5 à 10% de la population générale. Mais il est jusqu'à 3 fois plus fréquent chez les femmes, âgées, ou lors du 3e trimestre de la grossesse.
  • Le SJSR est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant avec 1,45 fois de décès par une de ces pathologies.
Autre focus (là on est dans de l'hubris de DRH) l'insomnie en elle-même est un facteur de risque de douleurs chroniques, de dépression, et de troubles du comportement alimentaire. Elle est également responsable d'une augmentation des anomalies inflammatoires.

Dernier focus sur les troubles alimentaires nocturnes liés à un mauvais sommeil :
  •  ils touchent à 80% les femmes
  •  représentent un surpoids de 12,6 kg en moyenne
  •  sont particulièrement présents vers 40 ans.
Bon là vous êtes gavés de chiffres, donc faites une pause, pour que je puisse vous en redonner d'autre.

Pour vous aider à vous embrouiller, en voici une autre série assez curieuse : On a vu qu'un mauvais sommeil pouvait provoquer tout un tas de trucs graves, en dehors de la baisse de la qualité de vie.

Mais dormir plus (en temps et qualité) est-il meilleur ?

Une seule étude (qui est pas mal faite, mais qui reste à confirmer) montre que les cancers associés aux hormones féminines (seins, ovaires, utérus) sont légèrement plus fréquents chez les femmes qui dorment le plus. 

Bon mais une fois qu'a pulvérisé des chiffres partout dans la pièce au point de saturer l'atmosphère, est-ce qu'on une explication logique ?

La réponse est : bof.
  • Les œstrogènes réduisant la durée et la qualité du sommeil REM 
  • La progestérone augmente la latence et réduit la durée du sommeil REM
  • Mais il y a sans doute plein d'autres facteurs qui jouent.
Et du coup peut-on y faire quelque chose ?

Bah pas vraiment (mais un peu plus qu'en neurologie pure quand même). En dehors des conseils habituels sur l'hygiène du sommeil on peut :
  • proposer d'adapter les traitements hormonaux (instauration, modification, arrêt, selon la situation, ce qui signifie qu'il est des situations où un traitement peut être proposé non pas à visée contraceptive, mais pour permettre un meilleur sommeil).
  • proposer des IRS, non pas pour leur effet antidépresseurs, mais pour leur effet régulateur du sommeil (qu'on oublie toujours)