5.8.15

Les akinésies aiguës dans la maladie de Parkinson



Akinésie aiguës en urgence neurologique chez le patient Parkinsonien.




DE QUOI PARLE-T-ON ?

Deux urgences neurologiques en une. La patient dont la maladie de Parkinson est connue et dont le traitement a été brutalement interrompu, et le patient Parkinsonien qui prend toujours son traitement.

CAS 1 : LE SEVRAGE BRUTAL.

QUE FAUT-IL COMPRENDRE.


La maladie de Parkinson est une carence d'origine dégénérative en un neuromédiateur : la dopamine. Intellectuellement c'est la même chose que le diabète avec la carence en insuline. Arrêter l'insuline chez un patient diabétique c'est prendre le risque d'un décès rapide par acidocétose. Arrêter le traitement dopaminergique chez un patient parkinsonien c'est la certitude d’entraîner son décès par akinésie.

En cas de sevrage, le tableau clinique évolue vers ce que les anglo-saxons nomment le syndrome d'hyper-pyrexie parkinsonienne. En français on parle d'équivalent de syndrome malin des neuroleptiques parce que ça tombe bien c'est exactement la même chose.

Mais, me direz-vous, quel lien puisqu'on ne donne pas de neuroleptiques aux Parkinsoniens…jamais… sauf la CLOZAPINE (les points de suspensions doivent permettre à ceux qui ont un doute de réfléchir : si vous prescrivez une NLP à un Parkinsonien c'est une faute médical). Quel lien donc ? Rappelez-vous les cours de pharmacologie que vous n'avez jamais eu : la Dopa est l'antagoniste des neuroleptiques et vice versa. Quand un patient est carencé en DOPAMINE, il est dans le même état qu'un sujet normal surdosé en neuroleptiques. C'est pour ça qu'on parle de syndrome extra pyramidal (c’est-à-dire parkinsonien) sous neuroleptiques.

QUAND FAUT-IL Y PENSER ?

Chez toute patient(e) Parkinsonien(ne) avec une dégradation rapide de son état neurologique, qui est raide et fébrile.

COMMENT LE CONFIRMER ?

A priori ça semble facile car il suffit de demander au patient ou son entourage, ou ses soignants, s'il prend ses traitements. Sauf que pas de bol, sauf cas particulier et rare, ils vous répondront sans mentir : mais oui docteur.

Pourquoi ce mensonge ? Parce qu'énormément de gens ne comprennent pas, y compris dans les hôpitaux, y compris les soignants et les médecins, qu'un traitement Parkinsonien n'est pas simplement la prise du médicament, mais la somme de sa prise + son heure de prise + son ingestion. Comme je vous sent hésiter : précisons :

Les traitements antiparkinsoniens sont tout sauf maniables et le cerveau est tout sauf tolérant. La demi-vie est brève (rarement au-delà de 4 heures), l'effet thérapeutique est souvent d'apparition et de cessation brutale et la Dopa ne fonctionne que si elle est digérée.

On peut donc vous répondre oui à la question "le traitement est-il bien pris" en oubliant de vous dire que :
  • La prise de 10h a été donnée à 11h heures parce que l'infirmière n'avait pas le temps 
  • La prise de 10h n'a pas été donnée parce qu'il partait en examen 
  • La prise de 10h n'a pas été donnée parce que le patient était à jeun avant une intervention 
  • La prise de 10h lui a été donnée mais le comprimé est resté dans la bouche 
  • La prise de 10h lui a été donnée sur la table de chevet mais il n'a pas voulu la prendre 
  • La prise de 10h lui a été donnée mais comme il été anxieux on lui a donné une peu d'Haldol 
  • La prise de 10h lui a été donnée mais à cause des nausées on lui a donné du METOCLOPRAMIDE 
  • Etc… 
Maintenant histoire de vous faire vraiment flipper, sachez que chacun de ces exemples est issu de cas réels qui ont donnée lui à des poursuites devant le CRCI avec des condamnations systématiques.

Mais alors comment faire pour l'éviter ?
  • En veillant au respect strict des horaires : dans un service ou un/une IDE doit distribuer le traitement à 30 patients, il faut commence par celui qui est Parkinsonien. 
  • En informant le service qui réalise les examens de l'heure de prise. Il peut vous envoyer voir ailleurs si il y'est mais c'est sa responsabilité. 
  • En donnant le traitement même chez les paient à jeun. En cas d'impossibilité (dans le cas de fractures ORL par exemple) en prévenant un neurologue pour un switch transitoire sous Apomorphine. 
  • En s'assurant que la patient prend et avale son traitement. Il est parkinsonien, il se peut qu'il soit trop bloqué pour porter le comprimé à la bouche, voir trop bloqué pour déglutir. 
  • En évitant tous les neuroleptiques mêmes les cachés. En cas d'agitation penser à la CLOZAPINE, en cas d'agitation très aiguës avec auto ou hétéro-agressivité, discuter les benzodiazépines IM. 
COMMENT LE TRAITER ?

Pas de chance, malgré toutes les précaution du monde, le patient est bloqué. Que faire ?
  • Se rappeler que c'est une urgence thérapeutique avec engagement du pronostic vital. 
  • Essayer dans l'ordre  :
  1. Si le patient peut encore avaler de lui-donner deux comprimés de MODOPAR 125 mg oro-dispersible per os, et renouveler la prise toutes les 2 heures jusqu'au déblocage moteur (quel que soit votre avis sur la prescription en DCI, que par ailleurs je soutiens, on est ici dans l’urgence. Il n' y a pas le temps de discuter de  LEVODOPA + CARBIDOPA [SINEMET] ou de LEVODOPA + CHLORHYDRATE DE BENSERAZIDE [MODOPAR] car vous avez toutes les chances de vous tromper ou d'obtenir une forme non dispersible).
  2. Si le patient ne peut pas déglutir et que vous avez de l'APOMORPHINE (APOKINON), lui injecter 3 milligrammes SC toutes les 15 minutes jusqu'au déblocage moteur. Attention, l'APOMORPHINE est un hypotenseur, si le patient n'en a jamais eu, l'injection doit se faire en décubitus dorsal avec un scope. 
  3. En l'absence d'apomorphine, poser une SNG et administrer la DOPA comme au point a. Attention, la Dopa s'oxyde rapidement à l'air et à la lumière, et forme un composé noirâtre qui se solidifie. Si la SNG n'est pas rincée après chaque administration, elle peut se boucher en quelques heures. 
  4. Faire chuter la température avec du PARACETAMOL et de la glace à la racine des membres. 
  5. SI besoin, rajouter un anti spastique comme de la BROMOCRIPTINE 5 à 10 mg 3 fois par jour ou du DANTROLENE 2,5 mg/kg 4 fois par jour. 
  6. Hydrater selon la fonction rénale 

Même dans ces conditions, la mortalité est de presque 4%.

CAS 2 : L'AGGRAVATION CHEZ UN PATIENT SOUS TRAITEMENT.

On part du principe que là le traitement est réellement bien pris mais que les choses s'aggravent quand même.

Cela arrive, comme pour le diabète où les besoins en insuline augmentent en cas de pathologie intercurrente, lorsque justement il y'a une pathologie intercurrente  (attention à l'enfoncement des portes ouvertes).

La prise en charge est identique sauf qu'en plus il vous faut trouver et traiter la cause. Méfiance, quand on dit que tout et n'importe quoi peut entraîner une décompensation, ça veut dire que cela peut aller de la pathologie systémique évidente (le gros sepsis, les hémorragies etc…) aux trucs à priori bénins et insignifiants comme un abcès dentaire, une phase post opératoire, un virose simple (je ne parle même pas de la grippe, juste du rhume).

Et comme précédemment pas la iatrogénie avec le neuroleptiques qui se cachent partout.

BONUS POUR FRIMER EN SOCIÉTÉ

* L'apomorphine est une molécule qui a une vie bien à elle. Sans revenir sur son rôle historique dans le roman Sad Cypress (je ne suis pas coupable) d'Agatha Christie, l'apomorphine a été au cours de son histoire utilisée pour plein d'autres troubles qui n'ont rien à voir avec la maladie de Parkinson. Mais tout d'abord une précision, l'apomorphine n'est pas de la morphine. Elle n'a ni la structure chimique de morphiniques, ni aucune affinité pour les récepteurs opioïdes. Le suffixe morphine vient du fait que sa synthèse peut être obtenue par dégradation de la morphine. L'apomorphine est historiquement une des premiers émétisants (et est encore utilisée dans cette indication par les vetos) et un des premiers pro-érectiles (des décennies avant le VIAGRA). Elle a également été proposée dans le sevrage à l'héroïne et la maladie d'Alzheimer (et pour l'instant ça ne marche pas du tout).


Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Parkinson et Pathologies du mouvement

et dans la collection
Urgences.