10.8.15

Catatonies malignes



Les catatonies malignes en urgence neurologique



Commençons par une info : si vous en voyez une un jour, vous faites partie d'un ensemble de praticiens aussi peu nombreux que ceux qui ont vu de leurs yeux vu le monstre du Loch Ness. Ce n'est pas une entité rare, c'est pire. Il n'y a même pas de statiques d'incidence. Alors pourquoi en parler ? Parce que justement si ça vous tombe dessus vous aurez au moins quelques infos.

DE QUOI PARLE-T-ON ?

D'une variante aigue et brutale d'une entité en elle-même moins rare : la catatonie. La catatonie est un ensemble de symptômes et syndromes (les vieux nosologistes se retournent dans leur tombe quand on invoque ce concept) principalement psychiatriques SAUF, sauf, sauf, qu'un certain nombre de ces signes sont neurologiques purs. La catatonie est un rare exemple survivant de pathologie neuro-psychiatrique.


La catatonie associe, selon le DSM V au moins trois signes parmi (1) :
  • Catalepsie (induction passive d'une posture contre la gravité) 
  • Flexibilité cireuse (en neuro on parle de spasticité extrapyramidale…chacun sa sémio) 
  • Stupeur (absence d'activité psychomotrice ou d'activé en lien avec l'environnement) 
  • Agitation (indépendamment d'un stimuli externe) 
  • Mutisme (peu ou pas d'activité verbale… en peu on peut donc être mutique et parler…) 
  • Négativisme (opposition ou absence de réponse au stimuli externe) 
  • "Posturing" : je ne sais pas le traduire - Prise de posture ? (maintien spontanée d'un posture contre gravité - en neuro on parle de dystonie psychogène) 
  • Maniérisme (geste caricaturant une action normale) 
  • Stéréotypie (action répétitive non orientée vers un but) 
  • Grimace 
  • Echolalie (répétions en écho d'une discours) 
  • Echopraxie (imitation en des mouvements d'autrui). 
Tous ces symptômes ont un parfum psychiatrique avancé, sauf qu'ils peuvent s'associer à :
  • Des ondes lentes frontales en EEG et parfois véritables crises comitiales 
  • Un syndrome pyramidal avec des réflexes vifs et des cutanés plantaire en extension 
  • Une hyperthermie 
  • Un hypersudation 
  • Une hyperlymphocytose à la PL 
  • Une cytolyse. 
Et reconnaissons ensemble qu'un hyper lymphocytose dans le liquide céphalo-rachidien est difficilement assimilable à un trouble inorganique.

Histoire de compliquer encore un peu les choses, cliniquement, la catatonie peut certes se voir dans l'évolution de pathologies psy (Les syndrome conversifs, bipolaires, les schizophrénie…) mais aussi dans :
  • Les effets secondaires de certaines substances (alcool, antiépileptiques, corticoïdes, neuroleptiques, baclofene, aspirine, azithromycine…) 
  • Les intoxications (intox au CO, organiques fluorés, plomb, gaz inflammables…) 
  • Les pathologies neurovasculaires (toutes) 
  • Les néoplasie cérébrales 
  • Les pathologies infectieuses (paludisme, mononucléose, tuberculose, typhoïde, et toutes les encéphalites…) 
  • Les pathologies métaboliques (toutes les hyper et hypo pathologie hormonales, les myélinolyse centropontines, les carence en B12…) 
  • Et toutes les pathologies dégénératives cérébrales. 
Bref, tous ces éléments convergent pour dire que la catatonie est une pathologie d'expression comportementale et motrice secondaire à une lésion organique d'une boucle cortico-basale. Quelques études en imagerie viennent étayer cette hypothèse sans l'expliquer vraiment (en imagerie fonctionnelle il existe des anomalie de métabolisme des noyaux gris centraux et du cortex orbito frontal sans que l'on ne sache si c'est à cause ou la conséquence).

Re-bref : c'est une pathologie psychiatrique organique (cette définition est purement personnelle histoire de taquiner psychiatres et neurologues).

QUAND FAUT-IL Y PENSER ?

Tout ce qui précède est très intéressant pour la culture générale, mais quel rapport avec les urgence neurologique et la pathologies du mouvement ? Le rapport vient des formes suraigües ou catatonies "malignes".

Ce sont des formes d'apparition brutales pouvant simuler un syndrome malin des neuroleptiques chez un patient n'ayant pas reçu de neuroleptique et sans antécédents ou troubles extrapyramidaux.

En l'absence de traitement ces épisodes peuvent durer jusqu'à huit jour, associé à une hyperthermie au-delà de 39°C, et sont suivis par un syndrome parkinsonien L-Dopa résistant, une stupeur et parfois le décès.

COMMENT LA CONFIRMER ?

Impossible à confirmer, c'est un diagnostic d'élimination des confusions fébriles. Vous ne pourrez donc pas éviter une biologie large avec la recherche de toxiques et de virus, une ponction lombaire et une IRM. Le diagnostic est à évoquer devant une confusion fébrile nue où les signes psychiatriques sont au premier plan.

COMMENT LA TRAITER ?

Paradoxalement, la gravité du tableau clinique est totalement disproportionnée par rapport à la légèreté du traitement médicamenteux. D'ailleurs, une bonne réponse au traitement est considéré par certains comme un test* diagnostic puisque celui-ci consiste en l'administration de faible doses de benzodiazépines (2) ou de ZOLPIDEM (STILNOX) (hypnotique sédatif assimilé aux BZD mais n'en partageant pas la structure chimique)(3)(4) .

En fait, le nombre de confusions améliorées par les BZD est important, mais des confusions FEBRILES améliorées par des BZD, avouez que c'est plus rare.

Toujours aussi paradoxalement, les neuroleptiques, même atypiques ne sont d'aucune aide et peuvent aggraver les signes.

BONUS POUR FRIMER EN SOCIETE

*Les BENZODIAZEPINES et le ZOLPIDEM ont comme point commun d'agir sur les récepteur GABA-A ergique. Le GABA est le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux. En se liant à ce récepteur, ces molécules favorisent l'entrée du chlore dans le neurone ce qui le rend moins excitable. Si vous êtes perdus sur une ile déserte et que vous avez besoin d'un produit anxiolytique, sédatif, myorelaxant, vous pouvez toujours vous diriger (à vos risques et périls pour le dosage) vers le stimulateur GABA A ergique le plus répandu : l'alcool.

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Parkinson et Pathologies du mouvement

et dans la collection
Urgences.




REFERENCES

(1) catatonie in DMS- . Tandon et al. / Schizophrenia Research 150 (2013) 26–30
(2) Rosebush, PI, Hildebrand, AM, Furlong, BG, and Mazurek, MF. Catatonic syndrome in a general psychiatric inpatient population: frequency, clinical presentation and response to lorazepam. J Clin Psychiatry. 1990; 51: 357–362
(3) Mastain, B, Vaiva, G, Guerouaou, D, Pommery, J, and Thomas, P. Dramatic improvement of catatonia with zolpidem. Rev Neurol. 1995; 151: 52–56
(4) Pierre Thomas , Claire Rascle, Bruno Mastain, Michel Maron, Guillaume Vaiva. Test for Catatonia with zolpidem. Lancet. 1997; 349 : 702.