19.10.14

IRM II - T1 et T2 : des culbutos et de comment montrer à votre chef que lui aussi dit n'importe quoi.



Deuxième partie sur l'IRM simple en neuro.



Si vous avez lu le premier chapitre sur l’IRM, vous avez dû être déçu de ne pas voir apparaître les mots résonnance, relaxation et toutes ces choses que de toute façon vous n’avez jamais réellement compris. Rassurez-vous, il n’y a aucune honte, et ce d’autant moins que même ceux qui croient comprendre se trompent ! Je m’explique : lorsque les physiciens décrivent ce qui se passe au niveau des atomes, ils constatent des choses qui sont totalement contre intuitives. Par exemple, le photon, qui nous a été décrit comme une « petite boule de lumière » à l’école, n’a pas de dimension, n’est pas rond, n’est pas lumineux, et, pour être complet, n’est pas réellement « un » au sens où nous l’entendons, parce qu’il peut passer par deux endroits à la fois. Et un photon, est un des trucs les plus simples. Alors un atome, un neutron, un proton ou un électron, n’essayez même pas, ce sont des choses inconcevables autrement que sous forme d’abstractions mathématiques. Et pourtant, dans la vie de tous les jours, on voit la lumière, on touche des choses et on a mal si on touche des fils électriques. Alors comme nous ne sommes pas tous des docteurs en physique, les physiciens, pour tenter de communiquer avec nous, ont simplifié les choses, avec des mots qui parlent à tout le monde. Sauf que les physiciens ne sont pas comme tout le monde, et les mots qu’ils utilisent ne signifient pas la même chose pour eux et pour nous.

Résumons-nous : les physiciens voient des choses inconcevables autrement que sous forme d’équations mathématiques abstraites, ils essaient de nous les décrire avec des mots, et ces mots sont utilisés dans un sens qui est diffèrent du sens usuel. En bref, il n’y a pas de honte à utiliser des images qui n’ont rien avoir avec la réalité, les physiciens font pareil.

Commençons par le plus simple, les fameuses images en T1 et T2







Pour que ça reste simple, on va reprendre un exemple très simple et macroscopique. Connaissez-vous le culbuto ? C’est un jouet (Wikipédia en fait une bonne description) en forme d’œuf, légèrement lesté à sa base. Au repos, il… repose sur sa base, la partie affutée étant en haut. Si vous le poussez, le renversez, le basculez, bref, si vous le déséquilibrez, il va osciller et reprendre après un temps, sa position d’origine. Si vous le faites tourner sur lui-même comme une toupie, il va rouler, mais ça ne l’empêchera pas de reprendre sa position droite d’origine. 





Si le culbuto se comporte de la sorte, c’est parce qu’il est sur terre, donc dans le champ gravitationnel terrestre (un culbuto en apesanteur dans l’espace, se comporte différemment). Comme on l’a vu dans le chapitre précédent, dans le champ gravitationnel terrestre, la gravité exerce une force sur tout ce qui a une masse, et cette force… force les objets à pointer vers le centre de la terre. L’axe du culbuto, est donc perpendiculaire au sol. Si vous le poussez, vous exercez dessus une force qui est perpendiculaire à celle qu’exerce la gravité, ce qui vous permet de le déstabiliser. Mais dès que vous arrêtez de le pousser, la gravité seule reprend le dessus, et le culbuto revient à sa position d’origine.

Dans l’espace, on aime bien mettre des axes. L’axe qui va de bas en haut est souvent appelé l’axe Z. Les axes perpendiculaire entre eux et à Z sont souvent appelés l’axe X et Y.

Si on reprend le culbuto, au repos il est orienté sur l’axe Z. Si vous le basculez sans le faire tourner, il va osciller autour de l’axe Z avant de se re immobiliser. Si vous le basculez et le faites tourner, il va tourner autour de l’axe Z. Le sommet du culbuto va faire des cercles dans le plan XY. Au début ces cercles seront larges, et plus il va se redresser, plus le diamètre de ces cercles va être petit. Et quand il aura repris sa position verticale initiale, il tournera encore un peu sur lui-même avant de s’arrêter.




Mais comme vous êtes joueurs, vous allez faire plein d’expériences pour traumatiser ce jouet ! Vous allez par exemple lester le culbuto. Si vous faites cela, lorsque vous le basculez, il reviendra beaucoup plus vite à sa position verticale d’origine. D'ailleurs si vous mettez un très gros leste, il se peut que vous n’arriviez même pas à le basculer. A l’inverse, si vous enlevez du leste, il lui faudra beaucoup de temps pour se redresser. Si vous enlevez tout le leste, il se peut même qu’il reste en position basculée (comme un œuf, qui au repos, reste sur le flanc).

Comme vous êtes joueurs et scientifique, vous allez mesurer le temps qu’il faut à ces différents culbutos pour se redresser. Disons que le culbuto standard se redresse en 10 secondes. Le culbuto un peu lesté en 5 secondes, le culbuto très lesté ne bascule même pas, vous notez donc 0 secondes. A l’inverse le culbuto un peu allégé va se redresser en 15 secondes, et le culbuto sans leste ne va pas se redresser. Vous notez donc un temps infini.

Si vous étiez un vrai scientifique, ces résultats vous suffiraient. Sauf que vous êtes médecin, et les chiffres vous n’aimez pas çà. Pas de problème, on va vous mettre des couleurs pour vous donner vos résultats (ou plutôt du gris) : on va partir du principe que plus le temps est long, plus on utilise du noir, et plus le temps est court, plus on utilise du blanc. Le culbuto qui ne bouge pas aura un score blanc, celui qui revient vite (5 secondes), un score gris clair, le normal (10 secondes), gris médian, celui qui met du temps (15 secondes) gris foncé, et celui qui ne vient jamais à la position d’équilibre, un score noir. Reconnaissez que c’est moins facile de comprendre qu’avec des chiffres, et qu’il vous faut ne légende, mais bon, c’est vous qui l’avez voulu.





En imagerie, l’exemple ci-dessus correspond aux images T1. Les radiologues méticuleux, genre chef de service acariâtre, vous reprendront en disant « pondérées en T1 », ce à quoi vous leur répondrez : « pour être correcte il faudrait dire pondérées en temps de relaxation spin treillis ou spin lattice, mais j’accepte votre raccourci ». Le T1 est également temps de relaxation longitudinal.

Vous demandez sans doute comme on passe d’un culbuto à du T1, mais vous allez voir c’est facile.

Les atomes d’hydrogène sont constitués d’un proton et d’un electron. Le proton est électriquement positif l'electron négatif. Et comme à l’école, on va dire que l'électron tourne gentiment autour du poton. Et… souvenez-vous, toute particule chargée qui bouge est un aimant. On peut considérer que l’atome d’hydrogène est un aimant. Et un aimant ça a un pôle positif et un pôle négatif. L’atome d’hydrogène, c’est le culbuto.

Le culbuto se tient droit parce qu’il est orienté par le champ gravitationnel terrestre. Dans une IRM, l’atome d’hydrogène, va s’orienter dans le champ magnétiques induit par la machine que l’on nomme par convention B0. Toujours par convention, l’axe magnétique induit par l’aimant de l’IRM et sur lequel s’aligne celui de l’atome, est l’axe Z.

Le culbuto peut basculer si vous le poussez perpendiculairement à la gravité. Pour l’atome d’hydrogène c’est pareil mais un peu plus compliqué. Pour le pousser, il faut une autre force. Comme nous sommes dans le monde du magnétisme, il vous faut une force magnétique, perpendiculaire à celle exercée par l’aimant de l’IRM. Pour cela il vous faut créer, à l’aide d’une bobine electrique, un nouvel aimant (en l’occurrence un electro aimant). Cet electroaimant va exercer une force perpendiculaire à l’axe Z grâce à une onde electromagnétique que par convention on appelle B1. Et toujours par convention, on ne dira pas que vous avez poussé l’atome pour le basculer, mais on dira que vous avez basculé l’atome par une impulsion radio fréquence qui a créé une RESONANCE.

Le culbuto, lorsque vous arrêtez de le pousser, revient à sa position d’équilibre. Dans une IRM, l’atome d’hydrogène, quand vous arrêtez le champ B1, va revenir à sa position d’équilibre. Ce phénomène se nomme RELAXATION. Et en se relaxant, l'atome libère une de l'energie. Cette perte se matérialise par une onde radio fréquence qu'enregistre l'IRM. Comme me l'a suggéré @topcao : tu fais fais résonner les spins et tu écoutes l’écho.

Le culbuto revient à sa position d’équilibre plus ou moins vite selon la quantité de lest. L’atome d’hydrogène se relaxe plus ou moins vite selon… ce à quoi il est lié et qui le lest. Plus l’atome est dans une molécule complexe, moins il est libre de ses mouvements et plus il se relaxe lentement. Plus l’atome est l’libre, plus il bouge facilement plus il se relaxe vite. Dans l’eau (H20), l’atome d’hydrogène est très peu lesté, il se relaxe vite. Si on applique le même code de gris que tout à l’heure, les atomes d’hydrogène situes dans l’eau (le LCR par exemple) vont apparaitre en gris très foncé. A l’inverse, dans l’os, les atomes d’hydrogène sont dans des molécules massives avec du calcium et du carbone. Ils se relaxent lentement et vont apparaitre avec du blanc. La substance grise, est vascularisée (c’est plein de neurones). Dans les vaisseaux il y a du sang. Le sang, c’est moins fluide que l’eau. Les atomes d’hydrogènes de la substance grise vont donc se relaxer plus lentement que dans l’eau mais plus vite que dans l’os. Ils vont donc apparaître en gris. La substance blanche est moins vascularisée, et est plus riche en gras. Les atomes d’hydrogène vont donc se relaxer plus lentement que ceux de la substance grise, mais toujours plus vite que ceux situés dans les os. Ils vont donc apparaître en gris clair.
  • Résumons-nous pour le T1.
  • Le T1 est une image où chaque teinte de gris représente un temps.
  • Ce temps, est celui qu’il faut à un atome d’hydrogène pour revenir dans l’axe de l’aimant de l’IRM (B0), après avoir été basculé (mis en résonnance), dans un axe perpendiculaire (90°) à celui de B0, par un champ magnétique B1, générée par une impulsion radiofréquence dans une bobine électrique. 
  • Ce temps dépend de l’environnement de l’atome d’hydrogène. Plus l’atome est dans une molécule complexe, plus ce temps est long. 
  • Par convention, en imagerie pondérée T1, plus le temps de relaxation est long, plus on utilise une teinte de gris clair (et vice versa).
  • En T1, le LCR est noir, la substance grise est gris foncé, la substance blanche est gris clair et l’os est blanc.
  • Bonus : et le spin et le treillis de l’expression « relaxation spin treillis » ça vient d’où ? Le spin, c’est ce qui décrit le fait que l’atome sur lui-même. En T1 ce n’est pas très important, vous comprendrez mieux avec le T2.Le treillis, c’est la traduction du mot anglais Lattice, qui veut dire… treillis, et qui est utilisé pour décrire le fait les atomes sont dans un environnent qui entrave leur mouvement. L’expression « image pondérées en temps de relaxation spin treillis » signifie donc que ce sont des images codée (pondérée) selon le temps de retour à l’équilibre (relaxation) des atomes qui tournent sur eux même (spin) selon les contrainte qu’exerce dessus leur environnement (treillis).

Vous avez mérité une pause longue devant un économiseur d’écran en écoutant le bruit des vagues, avant de passer au T2 qui est plus facile).

C’est bon ? Vous avec fini la pause, prix un choco BN et un café ? On passe au T2

On a vu que le culbuto peut tourner sur lui-même si vous lui donnez l’impulsion nécessaire et se comporter comme une toupie. Cependant comme ça reste un culbuto, il va progressivement se redresser au fur et à mesure que la force centrifuge devient mon forte que la gravité. Dans le plan XY, si vous suivez ce que fait sa pointe, vous allez voir des cercles dont le diamètre diminue au fur et à mesure que la pointe se redresse. Et même une fois redressée, il se peut que le culbuto continue de tourner un peu sur lui-même.

Comme vous êtes joueur, il se peut que vous vouliez voir ce qui se passe si vous mettes plusieurs culbutos les uns à côtés des autres. Au repos il ne se passera rien. Par contre si vous les basculez en les faisant tourner, les culbutos peuvent s’entrechoquer si vous n’avez pas laissé suffisamment d’espace entre eux. Le résultat de ces chocs, c’est que la force centrifuge va diminuer beaucoup plus rapidement, votre culbuto va se redresser plus vite, il va décrire des cercles plus petits et va s’arrêter (en position debout) plus rapidement.

Comme vous êtes joueurs et scientifique, vous allez mesurer le temps qu’il lui faut pour s’arrêter de tourner, ou, pour le dire différemment, vous allez mesurer la diminution de la vitesse de rotation. Un culbuto qui s’arrête de tourner vite va vous donner un temps court que vous allez coder avec du blanc, un culbuto qui s’arrête de tourner lentement va vous donner un temps long que vous allez coder avec du noir.

En imagerie, l’exemple ci-dessus correspond aux images T2. Les mêmes radiologues méticuleux, que précédemment, vous reprendront en disant « pondérées en T2 », ce à quoi vous leur répondrez : « pour être correcte il faudrait dire pondérées en temps de relaxation spin spin, mais j’accepte une nouvelle fois votre raccourci ».

Par contre pour comprendre l’analogie vous allez devoir faire un tout petit effort. L’atome d’hydrogène est formé d’un proton et d’un électron qui « tourne » autour et qui crée son champ magnétique. Mais en même temps, cet ensemble, c’est-à-dire l’atome tout entier tourne aussi sur lui-même. C’est le spin. Si vous avez du mal à conceptualiser, pensez à une toupie, elle tourne très vit sur elle-même, et en même temps, sa pointe décrit des cercles plus lents sur sols. Le spin c’est un peu ça.

Donc votre culbuto tourne en décrivant des cercles de plus en plus petits jusqu’à s’arrêter. Plus le culbuto sera freiné dans sa rotation par les autres culbutos, plus cette vitesse va diminuer rapidement. L’atome d’hydrogène va faire pareil. Le T2 représente cette diminution de vitesse de rotation. Si on code avec du blanc les diminution de vitesse les plus rapide, les atomes de l’eau (LCR) qui sont proches les uns des autres et s’entrechoquent beaucoup vont apparaitre en blanc. Ceux de l’os qui sont éloignés vont peu s’entrechoquer et apparaitre en noir. Ceux de la substance blanche (plus dense que la substance grise) vont apparaitre dans un gris plus foncé que ceux de la substance grise.
Résumons-nous pour le T2
  • Le T2 est une image où chaque teinte d gris représente un temps
  • Ce temps est celui qu’il faut aux atomes d’hydrogène pour cesser de tourner sur eux même dans le plan XY (avec la notion un peu complexe de la double rotation).
  • Plus il y a d’atomes dans l’environnement, plus cette vitesse de rotation va diminuer rapidement.
  • Par convention, en imagerie pondérée T2, plus la diminution de la vitesse est importante, plus elle est codée en noir.
  • En T2, le LCR est blanc, la substance grise est gris clair, la substance blanche est grise foncée et l’os est noir.
Bonus : si vous avez bien compris le T2, vous avez remarqué qu'il y a du T1 dedans... non ? Mais si : le culbuto tourne de moins en moins vite (et c'est ce que vous avec vu avec le T2) mais il se redresse également, et ce redressement c'est le T1. Il n'y a donc pas de signal purement T2. Si le T2 était pur, c'est à dire sans que le culbuto ne se redresse, il faudrait que le culbuto  tourne à l'infini dans le plan xy. Il n'y aurait donc pas de décroissance du diamètre  des cercles, et le temps serait infini.

Vous avez survécu ? C’est vrai ? Vous allez frimer devant votre chef de radio en lui montrant qui lui aussi utilise des approximations qui feraient hurle de rire un physicien ? Alors bravo, vous êtes prêt pour les séquences suivantes.

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Explorations et outils diagnostiques





Merci à :
- @topcao pour son aide pour que la simplification reste physiquement exacte
- @ICH8412 (hemgé du sud) pour ses corrections de texte
- @gFadrelle pour sa remaruqe sur l'atome