21.2.22

#UnLapinUnThread | neuro, maladie cœliaque et intolérance au gluten.

Disclaimer : ici on n'est pas chez votre naturopathe, 
on parle des personnes réellement atteintes, 
pas de votre maladie imaginaire diagnostiquée avec un bol reiki



Tout d'abord quelques généralités pour bien cadrer le sujet :

1 - Les (au pluriel) maladies liées à l'ingestion de gluten forment un ensemble de pathologies auto-immunes qui n'ont pas nécessairement un versant digestif.

2 - La (au singulier) maladie la plus connue est la maladie cœliaque, qui  se manifeste classiquement par des douleurs digestives accompagnées de saignements, de perte de poids et de signes de malabsorption. 67% des personnes atteintes de maladie cœliaque ont des troubles neuros.

3 - on estime a 1% de la population mondiale la prévalence de la maladie cœliaque avec une fréquence plus importante chez les blancs que chez les noirs ou les hispaniques (vous l'aurez deviné, on utilise ici des données épidémiologiques américaines). Les formes non digestives touchent 6 fois plus souvent les femmes que les hommes.

4 - il n'existe pas d'examen paracliniques qui permettent d'affirmer la maladie, mais il existe des examens qui permettent de l'exclure. Le diagnostic est éliminé chez les personnes qui n'ont pas un haplotype DQ2 et DQ8. Par contre il existe des vraies formes où la recherche d'anticorps anti gliadine est négatif. Et dans les formes neurologiques, avec ou sans signes digestifs, on aime bien avoir des anticorps anti transglutaminase 6 ou 2 ou des anticorps anti endomysium positifs.

Bon ok tout ça c'est super intéressant si vous vous passionnez pour les anticorps ou si vous voulez convaincre des personnes persuadées d'être atteintes qu'elle devraient juste manger normalement et arrêter d'incriminer le gluten pour leurs problèmes sociaux... mais ça ne vous dit pas quelles sont les pathologies neuro liées au gluten, auxquelles on ne pense pas, alors que pour le coup un régime alimentaire adapté et parfois des immunoglobulines font des miracles (bah oui, en neuro, quand un traitement marche on appelle ça un miracle).

Il y'en a 3.

1- l'ataxie liée au gluten

2- la neuropathie liée au gluten

3- l'encéphalopathie liée au gluten

Et...parce qu'on est en neuro, tout un tas d'autres trucs plus rares. Avant de les décrire plus en détails, on va essayer de comprendre comment l'ingestion de gluten peut donner des maladies auto-immunes du système nerveux. Quand on mange du gluten celui-ci est transformé en glutamine, un acide aminé non essentiel puisque le corps humain arrive très bien à la synthétiser lui-même comme un grand s'il le faut.

Notons au passage qu'il existe un business de la glutamine qui est purement une escroquerie.

Cette transformation de gluten en glutamine, provoque chez les personnes génétiquement prédisposées, le développement de lymphocytes qui au lieu de sécréter des anticorps dirigés contre ce n'est pas du nous, vont sécréter des anticorps contre du nous. Bref des auto-anticorps. Et la cible des ces auto-anticorps dans le système nerveux sont :

Soit de magnifiques cellules que l'on nomme cellules de Purkinje, qui sont des neurones du cervelet.

Soit les cellules de support des neurones du cortex, ou encore celles des neurones sensitifs périphériques.

Bon dans tous les cas c'est mauvais parce que les neurones se voient privés de support, et comme vous le savez, un neurone est incapable de se supporter tout seul. Donc sans assistance il crève assez rapidement dans d'atroces souffrances silencieuses.

Du coup ça donne quoi cliniquement ?

L'Ataxie au gluten est une Ataxia, c'est à dire un trouble de l'équilibre.

L'ataxie au gluten représente 20% de toutes les ataxies, et 40% des ataxies sporadiques (c'est à dire celles qui semblent tomber de nulle part).

Il existe plusieurs sortes de mécanismes qui provoquent un ataxie (quand vous êtes soûl c'est une ataxie cérébelleuse toxique par exemple).

Dans ce cas précis, c'est une ataxie inflammatoire en raison de l'atteinte des cellules de Purkinje dont on a parlé plus haut.

En pratique c'est une ataxie vicieuse. Elle peut s'installer très progressivement pendant des années sans que les victimes ne s'en rendent compte, comme elle peut apparaître d'un coup d'un seul comme dans certains cancers. Histoire de compliquer les choses, seules 10% des personnes atteintes ont des troubles digestifs. Pour le dire autrement, 90% des gens ne font pas le lien entre leurs état ébrieux et leur alimentation. Et histoire d'encore plus compliquer les choses, vu qu'on est sur un phénomène auto-immun du système nerveux (je vous passe les détails, mais le système nerveux bénéficie d'un privilège d'organe qui normalement le met à l'abri de ces phénomènes...mais si ça se produit quand même. Ça se passe mal parce qu'il n'existe pas d'autre mécanisme de sécurité).

Donc histoire d'encore plus compliquer les choses, une fois qu'on a de l'auto-immun anti système nerveux, le régime alimentaire ne marche plus ou pas où mal. On a donc des gens qui ont un trouble de l'équilibre d'installation sournoise, sans aucun signe digestif, et chez lesquels l'exclusion du gluten n'a pas d'effet....

C'est pas les conditions les plus favorables pour faire le bon diagnostic et proposer le bon traitement. Qui en l'occurrence est basé sur des immunosuppresseurs ou des immuno-modulateurs de type anticorps monoclonaux. (On combat un bordel immunitaire en créant un bordel immunitaire encore plus gros. Le neurologie c'est toujours un peu bordélique quand on aborde la thérapeutique).

On a ensuite les neuropathies (sensitives) au gluten. Alors question sournoiserie on est sur un degré de vice encore plus élevé, parce que ça ressemble comme deux gouttes d'eau à une neuropathie diabétique. Donc pour peu que les gens soient également diabétiques, on passe à côté. Idem d'ailleurs s'ils fument et ont une neuropathie vasculaire.. Ou une syphilis.. Ou un alcoolisme.. Ou s'ils sont vieux... Ou s'ils sont intoxiqués... Ou s'ils ont eu des chimiothérapies neurotoxiques... Bref, le point le plus spécifique des cette neuropathie, c'est qu'elle n'a absolument rien de spécifique. 

Par contre le régime marche pas mal, et sinon les immunoglobulines IV sont efficaces (quand on y pense c'est à dire jamais).

On a ensuite l'encéphalopathie au gluten.

ALORS LÀ ON EST SUR LE BOSS DE FIN DE NIVEAU DU N'IMPORTE QUOI en terme de sémiologie.

Et en plus c'est même pas une encéphalopathie.

Cela se manifeste par des céphalées très fluctuantes associées à la sensation d'avoir la tête dans le coton/brouillard/brume. Et là si vous vous dites :"hey mais c'est moi ça !", Dites vous que c'est une forme rare, le plus probable étant que vous ayez la gueule de bois ou un Syndrome d'apnée du sommeil.

Ça touche environ 2% des patients qui ont une pathologie liée au gluten sans signes digestifs soit pas grand monde. Et là encore le vice est total parce qu'une fois que le trouble est là, seuls 25% des personnes sont améliorées par un régime sans gluten.

Pour les autres, contrairement aux cas précédent, on peut rien faire.

Ah si...le mettre en garde contre un risque de démence augmenté.

Enfin je vous ai dit que parfois les maladies au gluten pouvaient prendre des formes atypiques et rares.

On a ainsi certaines formes d'épilepsie, de myopathie, de chorée etc...

En pratique, si on y pense la démarche consiste à regarder si les patients ont un haplotype DQ2 ou DQ8. Si c'est pas le cas, on peut s'arrêter là (vous voyez que la CAT diagnostique est différente de celle de la maladie cœliaque). Si il y a des signes digestifs, alors il est utile de faire une biopsie.

Mais pour la partie neuro, l'absence d'anticorps anti gliadine et autres trucs classique n'élimine pas le diagnostic. Donc si vraiment on n'a aucune autre piste, on peut proposer un régime.

Et là vous le direz, mais pourquoi pas commencer par le régime ?

Parce que si vous avez bien lu, la plupart du temps, en cas d'atteinte neuro le régime ne sert plus à rien. D'autre part, on parle ici de formes vraies et graves et pas comme je l'ai écrit en introduction de caprice naturopathe. Ce qui implique des régimes strictes, sans aucune entorse, au très long cours. Ceux qui les connaissent parce qu'ils n'ont pas le choix, savent que c'est autrement plus difficile que d'acheter du pain au maïs pour faire des toasts avec des tomates cerises. Et ce régime strict peut lui même provoquer des troubles neurologiques. Donc on joue pas avec.