11.1.22

#UnLapinUnThread | anosmie et la rééducation de l'odorat en cas de COVID

Pour vous éviter de tout lire pour rien : 
les solutions sont rares 
et la plupart de celles que vous avez lu sont au mieux nulles, au pire aggravantes.


Mais avant de vous expliquer pourquoi la plupart des protocoles sont nuls (y compris celui proposé par certains ORL et leur société savante... désolé), voir dangereux (ouais les naturopathes c'est de vos protocoles dont on parle), il faut comprendre ce qu'est l'odorat.

En version longue vous pouvez lire ça (oui c'est de moi et c'est de la pub mais je fais ce que je veux). http://etunpeudeneurologie.blogspot.com/2018/01/neurologie-et-odorat.html

En version courte... l'odorat est un sens très à part.

Pas à part comme dans "tous les sens sont à part", mais à part comme dans "c'est un reliquat de l'évolution qui fonctionne de façon aberrante par rapport aux autres". Pour que ce soit plus clair, là en ce moment, votre sens de la vision voit ce texte. Si vous avez les yeux ouverts, de bonnes lunettes et que vous regardez ce texte, vous ne pouvez pas ne pas le voir (pour ce qui est de le comprendre c'est une autre histoire). De la même façon vous ne pouvez pas ne pas entendre. Vous pouvez ne pas faire attention à ce que vous entendez, vous pouvez ne pas comprendre ce que vous entendez, mais si vous n'êtes pas dans une chambre anéchoïque et que vous ne portez pas de réducteur de bruit, vous entendez. Les personnes qui me feront remarquer que les aveugles ou les sourds contredisent mon propos peuvent sortir immédiatement.

Par contre, toujours là pendant que vous lisez, il est très fortement probable, que COVID ou pas, vous ne sentiez rien. Par défaut, et sans effort de volonté, votre odorat ne fonctionne presque pas. 

D'ailleurs cela se traduit dans la langue française pas l'absence de verbe dédié à ce sens.

On voit, on entend, mais on "odore" pas.

À la place on utilise sentir, verbe vague qui va.... des odeurs, au tact (sentir un truc sur la peau), à l'homéostasie (ne pas se sentir bien) ou à la cognition (ne pas sentir cette affaire).

Bref, c'est un sens qui déjà de base, n'est pas très utilisé chez l'homme. Et c'est d'autant plus curieux, que de tous les sens, absolument tous, c'est le plus ancien.

Les premiers machins vivants qui ont développé des sens, ont commencé par développer la capacité de détecter leur environnement chimique pour aller vers la nourriture. Ce proto "odorat" s'est ensuite (c'est une hypothèse, mais personne n'était là pour le voir) développé pour détecter ce qui était dangereux. De cette lointaine époque on a gardé certaines traces. Les bonnes odeurs de nourriture peuvent nous provoquer des sensations de faim ET de plaisir. Les odeurs de produits dangereux peuvent nous provoquer du dégoût ET nous faire fuir. C'est un peu caricatural mais ce qu'il faut comprendre, c'est que l'odorat est à la fois un sens qui nous permet de réaliser (mal) une analyse chimique de notre environnement, et un sens qui a des relations très étroites avec des réactions très primitives de faim, désir, peur... 

Et pour faire tout ça, le système de l'odorat utilise un processus complexe.

La première consiste à détecter les particules chimiques qui constituent les odeurs.

Là on est dans de la chimie pure. Pour ceux qui s'en souviennent, une réaction chimique ne fonctionne pas par une intervention divine, mais se déroule correctement uniquement si certains paramètres physiques sont réunis. Pour sentir les odeurs, il faut que les récepteurs de votre nez soient dans un milieu à la bonne température (on sent rien par temps froid), à la bonne humidité (on ne sent rien par temps sec) et surtout qu'il soient accessibles (on ne sent rien quand on a le nez bouché). Puis ces récepteurs vont transmettre ce qu'il ont détecté non pas par un vrai nerf crâniens, mais par un nerf particulier qui est en réalité une extension du cerveau lui-même. Le nerf olfactif, c'est du cerveau. Et contrairement à un vrai nerf, qui a des capacités de régénération, le cerveau n'en a presque pas (vous me voyez venir j'imagine). Donc le nerf olfactif n'en a presque pas non plus.

Et puis, l'information arrive sur le cortex olfactif, qui a la particularité d'être très archaïque. C'est un cortex très fortement relié aux zones impliquées dans les émotions archaïques. (On parle pas ici des délires de développement personnel, mais de réaction très primaires).

Maintenant qu'on a vu tout ça...

...que vient faire le covid là-dedans ?

Pour ce qu'on en sait en janvier 2022, la perte d'odorat dans les infections à COVID vient d'une réaction inflammatoire des gaines qui entourent la partie initial du nerf olfactif. Quand cette inflammation est peu intense et brève, elle provoque l'équivalent olfactif d'une anesthésie et paralysie quand vous dormez dans une mauvaise position : au début vous sentez plus votre bras et ne pouvez pas le bouger.... puis vous percevez n'importe quoi (des fourmis imaginaires) et vous bougez mal (c'est là en général qu'on se casse la gueule quand ça touche une jambe), puis tout redevient normal.

Bah là c'est pareil, vous ne sentez aucune odeur, puis vous sentez des odeurs bizarres, incomplète et imaginaires, et enfin ça revient. Par contre, si l'inflammation est importante et de longue durée, elle peut détruire le nerf olfactif et là.. bah comment dire.. c'est pas top.

D'où la question suivante, que peut-on faire, et pourquoi ça sert presque à rien.

Reprenons l'exemple de l'anesthésie quand vous dormez dans une mauvaise position. Un des réflexes est de masser le membre atteint pour faire "revenir le sang".

Notons que massage ou pas le sang revient tout seul comme un grand mais vous frotter ne vous fait pas de mal.

Dans le nez, aller se frotter le bulbe olfactif est impossible à moins de se peter le nez. 

Et puis le problème et celui d'une inflammation et donc d'un œdème.

Donc en théorie, pour réduire cette inflammation, il faudrait des anti-inflammatoires et plus particulièrement des corticoïdes. Malheureusement vous savez qu'au début de l'épidémie de COVID on a craint que la cortisone n'aggrave l'infection. Depuis on s'est défendu... mais pas encore au point de proposer de la cortisone systématique en cas d'atteinte de l'odorat. 

Et de toute façon, pour que ce soit efficace, ce genre de corticothérapie doit être prescrite dans les 48h...sauf que personne ne connait le début exact des troubles. Donc oublions la corticothérapie.

Passons du coup à la rééducation.

Dit comme ça, ça a l'air malin. 

Si je reprends l'analogie du bras paralysé ou anesthésié mais cette fois ci par une AVC... la motricité revient parfois toute seule, mais elle revient mieux et plus vite avec une bonne prise en charge en rééducation par les kinés. Donc dans le cas de la perte d'odorat en raison du COVID, pourquoi ça ne marcherait pas, et surtout, comment au pire cela pourrait aggraver les choses ? C'est pas logique. Alors pour comprendre, continuons avec l'analogie de la rééducation par les kinés.

Vous connaissez la principale différence entre vous (ou moi) et un ou une Kiné ? C'est qu'ils ou elles ont fait des études de kiné.

Ce qui veut dire que lorsque des kinés rééduquent un membre paralysé, ils le bougent pas au pif en le secouant comme le premier coach sportif venu. Ils mobilisent le membre selon certaines techniques de complexité croissante pour vous permettre d'en récupérer le contrôle. Et quand c'est mal fait, non seulement il ne se passe rien, mais vous pouvez aggraver la paralysie et induire des spasticité qui freinent la rééducation, voir qui provoquent de posture vicieuses et douloureuses.

Bah pour l'odorat c'est pareil.

Si vous faites n'importe quoi, en vous plongeant la truffe dans je ne sais qui huile essentielle ou bouillon de légume Knorr, à la mauvaise température, avec le mauvais taux d'humidité, sur un nez mal débouché.... Non seulement vous ne rééduquez rien, mais en plus vous pouvez provoquer des irritations locales qui retardent la récupération, ou au pire, induire des réactions paradoxales dans votre cortex olfactif, qui vont favoriser l'apparition de perceptions fantômes ou erronées. Et ça, sans vouloir vous faire peur, une fois que c'est installé, c'est un peu comme les bâtiments de Le Corbusier, ça a beau être moche, ça reste.

Du coup ne peut-on vraiment rien faire ?

Mes anciens profs disaient que la seule chose qu'il ne faut jamais enlever à des patients, c'était l'espoir (et c'était des neurologues, c'est dire le niveau d'hypocrisie). 

Plus sérieusement, cela veut dire que déjà si vous ne torturez pas votre nez c'est pas mal. Ensuite, plutôt que d'utiliser des trucs qui ont des odeurs fortes je sais pas combien de fois par jour (deux fois pour l'HAS) mieux vaut essayer d'utiliser votre rétro olfaction. Les amateurs de vin savent ce que c'est, les autres l'ont peut-être oublié...mais quand vous sentez une odeur elle vous parvient par les narines ET aussi, plus tard par les choanes.

Les choanes c'est les narines de l'autre côté, au fond de votre nez vers votre bouche.

L'avantage de cette rétro olfaction est que d'une part les molécules odorante sont à la bonne température et à la bonne humidité pour une détection optimale puisqu'elles sont passé par la bouche. D'autre part, en revenant par l'arrière, on évite le problème du nez bouché.

Et enfin, toujours en revenant par l'arrière, vous pouvez stimuler un nombre bien plus important de récepteurs olfactifs. Bon bref, la moins mauvaise chose que vous pouvez faire en cas d'anosmie (c'est le mot savant) post COVID, est de manger. 

Manger des produits savoureux.

Et les manger lentement, pour que votre rétro olfaction puisse les sentir.

Tout le reste est au mieux inutile (désolé pour le business plan des vendeurs de thym) ou dangereux (désolé pour les vendeurs d'huile essentielle de lavande).

 ET SURTOUT tant que vous n'avez pas retrouvé votre odorat, évitez les irritants :

- tabac

- machin nasaux vasoconstricteurs

- sécheresse 

- froid