8.7.21

#UnLapinUnThread | NeuroCOVID (juillet 2021)

Pour ne pas faire perdre du temps aux gens pressés 
Il n'est même pas certain que cela existe
Pour les autres, un long texte.


Alors puisqu'on s'est débarrassé des pressés, prenons notre temps. 

Petit rappel des forces en présence.  

Pour faire un NEUROCOVID il faut une atteinte NEUROLOGIQUE + UN COVID.

Une atteinte neurologique signifie qu'au moins un des trois systèmes nerveux (central, périphérique, autonome) dysfonctionne de façon temporaire ou définitive...et COVID signifie que ce dysfonctionnement soit directement provoqué par le COVID. 

Tous les mots comptent. Parce que par exemple, si vous attrapez le COVID et qu'une tortue vous explose le cerveau en tombant du ciel, vous avez bien une dysfonction permanente (voir définitive) du système nerveux central et un COVID, sans qu'il n'y ait de lien entre les deux. 

On a donc besoin d'un dysfonctionnement d'un système nerveux, d'une infection à COVID, d'un lien entre les deux.

Mais comme on est en neuro, il faut un truc en plus. Il faut une temporalité compatible. Et là c'est pas du tout ce que vous croyez donc on va détailler plus tard.

Maintenant qu'on a les bases du concept avançons un peu. Un COVID tout le monde voit à peu près ce que c'est. Mais une atteinte neurologique c'est quoi ?

Ça à l'air débile comme question parce qu'à priori elle est dans la définition du concept (une dysfonction d'un des trois systèmes etc...) . Mais en fait ce n'est pas aussi simple.

Il existe très très peu de dysfonctionnement intrinsèques du système nerveux :

-> les AVC ? C'est un manque d'apport en oxygène lié à une pathologie des vaisseaux. 

-> les pathologies inflammatoires comme la SEP ? C'est un pétage de plomb du système immunitaire.

-> les maladies neuro dégénératives ? On sait pas trop mais c'est un problème de protéines intracellulaires, pas des réseaux en eux-mêmes.

-> les épilepsies ? Oui bon ok ça c'est purement neuro

-> les troubles psy ? Oui ça aussi c'est neuro mais c'est le problème des psychiatres

Si j'insiste sur ce qui peut apparaître comme une sorte de jeux de l'esprit, ce n'est pas pour ne pas répondre à la question, mais parce que ça change complètement la prise en charge. Pour être plus clair, si vous avez une hernie discale lombaire, il est probable que vous ayez atrocement mal, voir qu'un de vos membres inférieurs soit tout ou partiellement paralysé. Pourtant, même si ces deux symptômes (douleurs et paralysie) sont liés à un dysfonctionnement du système nerveux (le nerf sciatique par exemple), ce dernier n'y est pour rien. Votre problème est mécanique et la solution à votre problème passe pas une traitement qui agit directement (chirurgie) ou indirectement (kinésithérapie) sur votre hernie. Je ne sais pas si j'ai été suffisamment clair, mais je suis à court d'exemples pour illustrer ce point. 

On va donc passer à la suite. Et la suite, ce n'est pas encore (pas tout de suite) ce qu'on sait du/des NEUROCOVID en juillet 2021, mais une deuxième digression : la temporalité des problèmes neurologiques.

Les systèmes nerveux, comme leurs nom l'indique sont des systèmes et pas un organe ou un ensemble spécifique de cellules. Cela signifie que son fonctionnement global n'est pas la simple somme du fonctionnement de ses constituants.

Chez un patient parkinsonien, il faut environ 80% de neurones de la substance noire en moins avant les premiers symptômes soient perceptibles.

Une patiente victime d'un AVC peut avoir un fonctionnement neurologique quasi normal avec un bon quart de cerveau en moins.

Etc...

À l'inverse, un patient épileptique est bien victime d'un dysfonctionnement de son système nerveux alors que la structure anatomique de ce dernier est intacte.

Cette particularité est due au fait que si le système nerveux n'est pas la somme de ses constituants, il est la somme de la communication entre ses constituants. Pour le dire autrement, peu importe la quantité d'organes nerveux tant qu'ils communiquent correctement entre eux. Mais quel rapport avec le temps me demanderez-vous ? (Enfin ceux d'entre vous qui ont réussi à lire ce thread jusqu'ici).

Le rapport avec le temps vient du fait qu'une infection (COVID ou autre) peut altérer la structure organique (bousiller veut dire la même chose en plus simple) du système nerveux, sans que cela le soit visible. Et cette invisibilité peut être permanente (asymptomatique) ou différée dans le temps (on parle alors de troubles secondaires).

Là encore prenons deux exemples simples pour bien comprendre.

  • Si vous faites un AVC bref (quelques minutes) et peu intense, vous n'allez vous apercevoir de rien. D'ailleurs on ne parle même pas d'AVC. Cet événement va par contre laisser une trace dans votre cerveau. En IRM on le voit très bien, et on appelle ça des lacunes (oui je sais c'est bizzare mais c'est comme ça). Bref vous allez bien avoir une lésion d'un organe du système nerveux MAIS pas d'atteinte du système nerveux.
  • Deuxième exemple, la sclérose en plaque. La SEP est TOUJOURS (!) asymptomatique au début (c'est une notion assez nouvelle). MAIS puisque on ne sait pas qu'elle est là, elle évolue à bas bruit, avec une accumulation de lésions qui finissent par se voir. Quand ça finit par se voir, il y a une dysfonction du système nerveux. Sauf que du coup il y a déjà pas mal de mal de fait. Ce qui signifie que même si on donne un traitement, que ce traitement est bien supporté, et qu'en plus il fonctionne (ça fait plusieurs si)... Il faut beaucoup de temps pour restaurer le fonctionnement du système nerveux. Pourquoi ? Parce que la cicatrisation est très lente, voir quasi absente. Pourquoi ? Parce que les composantes du système nerveux ont des capacités de réparation minables. Donc dans ce cas (celui de la SEP bien traitée) on a paradoxalement une personne qui n'avait aucun symptôme quand elle était malade, et une personne qui en a un certain nombre depuis qu'elle ne l'est plus, et ce en attendant une éventuelle réparation des dégâts.

Si vous êtes toujours là, BONNE NOUVELLE on a terminé les préliminaires.

Maintenant parlons du NEUROCOVID. ce que l'on sait : 

  1. il n'y a aucune forme d'atteinte spécifique symptomatique aiguë d'un des trois systèmes nerveux attribuable au COVID.
  2. après presque deux ans, il n'y pas d'atteinte spécifique symptomatique secondaire non plus (mais on a vu que les délais peuvent être parfois très long).
  3. il n'y a pas d'atteinte indirecte aiguë du système nerveux. Pas plus d'AVC (il y a des AVC avec du COVID mais pas d'AVC liés au COVID)
  4. il existe un doute sur des atteintes indirectes 2nd avec notamment des syndromes de Guillain Barré (mais bizarrement moins qu'attendu).
  5. il y a, et c'est bien documenté, des phénomènes d'inflammations  multiviscérales qui peuvent toucher entre autre un des systèmes nerveux. Il y'a des encéphalites au cours des atteintes systémiques.

Et...et le COVID long alors ? 

Que fait-on de ces symptômes associant fatigue, douleurs, troubles de la concentration, céphalées, etc... ? Parce que pour le coup ça existe, et que le nombre de personnes qui en souffre augmente. Et bien...il existe, il est réel (je dis ça pour ceux qui en douteraient) mais il n'a rien de nouveau. Et il n'est pas spécifique au COVID. Ce phénomène est présent dans un nombre très important d'infection virales. Le mécanisme n'est pas connu (faute de mieux on le classe dans les machins auto-immuns). On le classe aussi dans les syndromes de fatigue chronique post viraux. Ce qui est spécifique à cette entité, est d'une part l'absence de traces de virus et... L'absence de traces anticorps. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a rien. Cela veut dire qu'on n'est pas capable de l'expliquer. 

Et là différence est importante parce qu'elle évite deux écueils :

  1. nier la réalité de ceux qui en souffrent
  2. leur proposer des traitements inutiles