Peu de neurologues le reconnaîtront, mais c’est le truc qui est pénible en consultation car les patients ont vraiment la vie gâchée sans pour autant qu’il ne soit nécessaire de systématiquement voir un spécialiste. Je vous propose donc un petit guide partiellement subjectif (vous verrez pourquoi après) de la prise en charge.
Peu de neurologues le reconnaîtront, mais la migraine est un truc potentiellement pénible en consultation car les patients ont vraiment la vie gâchée sans pour autant qu’il ne soit nécessaire de systématiquement voir un spécialiste. Je vous propose donc un petit guide de prise en charge partiellement subjectif (vous verrez pourquoi après).
Pour se simplifier les choses, il faut distinguer trois types de traitements : les immédiats simples, les immédiats complexes et les préventifs.
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Les immédiats simples sont les AINS… et C’EST TOUT ! (pas de paracétamol ni de tramadol car ces deux-là favorisent les céphalées chroniques quotidiennes ou de façon abrégée : CCQ).
Si comme moi vous êtes de gros fainéants et ne voulez pas retenir tous les « me too » parmi les AINS, retenez 1/ kétoprofène et 2/ ibuprofène.
Pour le kétoprofène, la bonne dose était de 150 mg. La galénique a été modifiée pour une forme à 100 mg « pour éviter les intoxications » (on ne rigole pas). Et comme on s’est aperçu que c’était moins bien et que du coup, les migraineux en prenaient deux (…), on a tenté de le réinventer sous la forme du Profemigr® 150 (quasi introuvable).
Pour que l’AINS marche il faut le prendre dans les 30 minutes.
Maintenant attention : Warning On Sort des Recommandations Françaises [= WOSRF]
Normalement, le patient doit attendre une heure pour passer à la suite. À mon avis, c’est idiot parce que souvent les migraineux se connaissent très bien et savent si la crise en cours sera répondeuse à un simple AINS ou si c’est une crise qui nécessite d’emblée le traitement suivant. Mais bon je ne suis pas supposé vous le dire.
[fin du WOSRF]
Donc après une heure de souffrance il est autorisé par les recos de passer aux immédiats complexes, merci. Et là bim bam badaboum on arrive dans le monde merveilleux des triptans et de leur (au singulier) étude comparative que tous les labos vous sortent. Alors on se calme bien, voilà, on range l’étude à la verticale dans la poubelle, et on en retient deux plus un.
Mais avant toute chose souvenez-vous que les triptans sont vasoconstricteurs, donc ne faites jamais l’impasse sur les contre-indications cardiologiques ET (très très important) souvenez-vous aussi que pendant la phase d’aura de la migraine il existe une vasoconstriction physiologique (je simplifie beaucoup) qui les contre-indique pendant toute cette période. C’est parce que les experts français ont pensé que cette notion sémiologique était trop compliquée pour nous autres simples prescripteurs qu’ils ont prévu ce délai d’une heure entre le début des signes et la prise d’un triptan.
Attention nouveau [WOSRF]
Donc dans la vraie vie, si le patient ne présente pas d’aura, il faut prendre le triptan tout de suite car en plus ça potentialise l’AINS.
[Fin du WOSRF]
Un triptan d’accord (parce que c’est uniquement quand il y en a beaucoup que ça pose problème), un triptan d’accord donc, mais lequel ?
À mon avis l’élétriptan (Relpax®) et l’almotriptan (Almogran®) donnent les meilleurs résultats en termes d’efficacité immédiate et de prévention de la récidive ultérieure ; alors que le zolmitriptan et le naratriptan sont les plus mauvais (mais les plus vendus, le visiteur médical avait ramené des croissants). Toutefois même bonnes, ces molécules perdent de leur efficacité au bout d’un ou deux ans, il ne faut alors pas hésiter à les intervertir.
Et là au fond de la salle, caché derrière un fraisier, j’entends quelqu’un protester : « Ah oui mais moi mon Zomigoro® m’a changé la vie. » Et bien tant mieux ! Il y a toujours des patients dont le métabolisme n’est pas de notre galaxie.
On reprend et on passe au « plus un » : le frovatriptan. Il est moins bon en aigu, moins bon pour la tolérance, moins bon pour la récidive immédiate MAIS pas mal pour la récidive à 24h. Ça vaut donc le coup de l’essayer pour les femmes victimes de migraines cataméniales.
Enfin n’oubliez pas que quel que soit le triptan, JAMAIS plus de 2 prises par jour !
Et si tout ça ne marche pas ? Pétales de roses et bruits de trompettes : on peut proposer un traitement de fond.
Alors là je vais simplifier beaucoup beaucoup.
Normalement les médicaments prescrits en prévention de la crise migraineuse sont plutôt du ressort du neurologue, mais ce ne sont pas des prescriptions réservées alors pas de panique. Retenez-en trois, et laissez tous les autres à votre neurologue préféré (qui je vous assure n’en demande pas tant) : 1/ propranolol, 2/ topiramate, 3/amitriptyline.
Le bêta-bloquant est une bonne molécule sauf chez les sujets jeunes (limitation à l’exercice et troubles sexuels, reconnaissez que ça a son importance) et sauf chez les sujets âgés (hypotension, voire défaillance cardiaque). Donc mise à part sa relative incompatibilité avec la plupart des âges de la vie, il est plutôt pas mal.
Le Topiramate (Epitomax®) est à la base un antiépileptique tout pourri très moyen (tolérance médiocre, perte de poids, etc.), qui marche sur la migraine… parce que (presque) TOUS les antiépileptiques marchent sur la migraine ! Mais plus malin, le labo en question a été le seul à demander une AMM dans cette indication. Evidemment, il est tout aussi mal toléré chez l’épileptique que chez le migraineux, il faut donc y aller par paliers de 25 mg tous les 15 jours jusqu’à 75 mg environ. Astuce qui fait complice : les effets secondaires sont partiellement antagonisés par les bananes (une pour 25 mg).
Un neurologue qui a plus de facilités pour sortir de l’AMM prescrira de la dépakine à la place (comme partout dans le monde), mais pour le coup je ne vous le conseille pas si vous n’êtes pas officiellement autorisé à porter un marteau réflexe.
Enfin l’Amitryptyline (Laroxyl®) qui a ma préférence, qui n’a pas l’AMM « migraine » mais l’a pour les douleurs neurogènes et les troubles dépressifs, or ça tombe bien la migraine est pourvoyeuse des deux ! De plus, il existe en gouttes, ce qui permet de moduler au mieux les posologies.
Reste une question : à partir de quand mettre un traitement de fond ?
Attention dernier [WORSF]
… quand le patient se sent prêt après que vous lui ayez expliqué tous les effets secondaires !
[Fin du WOSRF]
Sinon les recos (sachant qu’en France nos recos sont aussi nombreuses que le nombre d’experts auto-déclarés) disent : à partir d’un épisode par mois.
Si vous vous demandez, et j’espère que vous le faites, si tout ce que je viens de dire est étayé scientifiquement ou si cela sort d’un esprit malade, voici une mini-biblio commentée par… moi (oui, on n’en sort pas) :
1/ Document officiel de l’HAS qui fait toujours référence sauf qu’il date de 2002 et qu’il parle des dérives ergotés retirés du marché ainsi que de l’indoramine (Vidora®) également retirée du marché.
2/ L’étude de Ferrari qui compare tous les triptans : « Oral triptans (serotonin 5-HT1B/1D agonists) in acute migraine treatment: a meta-analysis of 53 trials » ; The Lancet, Volume 358, Issue 9294, Pages 1668 – 1675, November 17, 2001. Elle date de 2001 et fait plaisir à tous les labos car chaque molécule est mise en avant sur un paramètre précis (genre, cette molécule est la meilleure pour la pousse des feuilles de bananiers en zone intertropicale).
3/ Une version actualisée de ce qui se fait dans le monde (mais pas chez nous parce que bon en anglais les mots sont pas comme les nôtres) : « Current practice and future directions in the prevention and acute management of migraine » ; The Lancet Neurology, Volume 9, Issue 3, Pages 285 – 298, March 2010.
je vous recommande également une version illustrée de la migraine ophtalmique en suivant ce lien
Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
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