Ceci est le premier d'une série d'articles qui à terme ré intégrerons le blog consacré à l'ECN. Ce n'est pas une réécriture d'un point du programme, mais une aide à comprendre ce que le texte officiel et le collège des enseignants en neuro ont écrits. Ce texte intéressera donc moyennement ceux pour qui l'ECN est loin dans le futur ou le passé, ou qui n'auront pas à les subir.
Histoire de commencer sur de bonnes bases, ce premier sujet a plein de qualités :
- il est plutôt inintéressant en soi (du point de vue du neurologue).
- il n'est pas présent explicitement dans le texte officiel du ministère mais uniquement sur le site du collège des engainants de neuro.
- il est une espèce de vaste fourre tout dont même moi j'ai du mal à trouver la cohérence.
- bref, il est pénible.
Du coup, c'est un très bon candidat pour critiquer sa forme et son fond et faire en sorte que les suivants soient meilleurs.
Addiction à l’alcool – Complications neurologiques de l’alcoolisme
Repérer, diagnostiquer, évaluer le retentissement d’une addiction à l’alcool.
Expliquer les indications et principes du sevrage thérapeutique. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Avant de commencer :
Premier d’une longue série de fourre-tout, ce chapitre n’existe qu’en raison de préoccupations de santé publiques. Il n’a pas réellement sa place en neurologie et il énumère des entités qui n’ont aucun lien entre elles.
A mon avis, la façon la plus intelligente d'aborder ce chapitre, c’est de le laisser pour la fin. Une fois familiarisé avec les autres pathologies neurologiques, vous n’aurez qu’à compléter la case des étiologies toxiques avec les données citées ici.
Ce qu’il faut comprendre c’est que la molécule d’alcool a trois conséquences sur le système nerveux.
1- Lors d’une intoxication aiguë, elle perturbe son fonctionnement en modifiant le niveau d’activation :
- des structures corticales de cognition (tout le cortex est touché mais en raison de sa taille, le cortex frontal l’est majoritairement, d’où les erreurs du jugement, la désinhibition avec ou sans agressivité, et les troubles mnésiques).
- des structures de régulation corticale de régulation des seuils épileptogènes (d’où le risque de crise comitiale).
- des structures pontiques de veille et de vigilance (la réticulée ascendante dans le tronc, d’où la perte des réflexes, la somnolence, voir le coma)
- des structures de maintien de l’équilibre (cervelet et vestibules d’où les vertiges et la marche ébrieuse qui est en fait une marche cérébelleuse que rien ne distingue d’une ataxie cérébelleuse, et la dysarthrie cérébelleuse)
- et sans qu’il n’y a de logique nosologique, c’est aussi ici qu'on cite les rarissime myopathie aiguë (avec rhabdomyolyse, myalgie et insuffisance rénale).
2 - Lors d’une intoxication chronique, l’alcool endommage via des mécanisme complexes les gaines de myéline et les neurones, et modifie la neurotransmission GABA (inhibitrice). Ceci a quatre conséquences :
- d’une part part une atrophie cérébrale (qui prédomine sur les région frontales et temporales) et cérébelleuse, d'où la démence dégénératives de type frontales (à ne pas confondre avec les démences carentielles cités ci dessous), l’épilepsie par modification chronique du seuil épileptogènes (à ne pas confondre avec l'épilepsie de l'intoxication aiguë, ni celle induite par sevrage). De façon un peu artificielle, on classe ci la maladie de Marchiafava-Bignami qui est une démyélinisation du corps calleux qui est rare, pas forcément liée à l'alcool, se manifeste par l’association d’une démence avec mutisme, troubles de la marche et hypertonie, et qui ne se soigne pas.
- d’autre part une l’atrophie cérébelleuse (associant tremblements, et ataxie cérébelleuse, en plus de l'ataxie périphérique citée plus haut).
- l'apparition d'une neuropathie périphérique (axonale et myélinique, sensitivo motrice, typiquement longueur dépendante, c’est à dire commençant par les pieds, avec un trajet ascendant qui touche les mains lorsque les genoux sont atteints, et touchant la région peri-ombilicale lorsque les avant bras sont atteints). Dans cette neuropathie les troubles sensitifs sont au premier plan avec une ataxie sensitive (périphérique).
- l'apparition d’une addiction et de troubles induits par le sevrage dont, en plus du syndrome de manque, une comitialité (par perte de l’inhibition GABA exercée par l’alcool) et le delirium tremens (syndrome confuso onirique avec des hallucinations à type de zoopsies et de signes de dysautonomie se manifestant par une hyperthermie, une sudation abondante, des tremblements, un tachycardie, des troubles tensionnels et une insomnie).
- Les encéphalopathies carentielles par carence en vitamine B1, au début réversibles (encéphalopathie de Gayet Wernicke associant nystagmus et troubles du jugement), puis irréversibles (syndrome de Korsakoff associant amnésie antérograde et fausses reconnaissances) .
- Les encéphalopathies carentielles par carence en vitamine PP. C’est la seul fois où vous entendrez parler de Pellagre à l’ECN. C’est un truc rarissime mais qui réapparaît dans les populations précaires et qui se manifeste par un pseudo syndrome extrapyramidal et des troubles des phanères.
- Les encéphalopathies toxiques secondaires comme l'encéphalopathie hépatique de la cirrhose. Le point important à comprendre ici c’est la présence de myoclonies négatives, ou perte brusque et transitoires du tonus musculaire (c’est ça lastérixis ou flapping tremor) qui sont fortement évocatrices (plus du ralentissement psycho moteur).
- La myélinolyse centro pontine par troubles du métabolisme du sodium (correction trop rapide des hyponatrémie) et qui se manifeste par une tétraplégie, une confusion et des ignes pseudo-bulbaires.
- Les AVC emboliques par troubles du rythme cardiaques induits par l'alcool (alors là franchement on commence à taper dans les complications de l’alcoolisme que l'auteur du texte a cité après avoir perdu un paris avec un pote).
- Les traumas crâniens (quand t’es saoul tu tombes) , les infections (quand t’es alcoolique et que tu te soignes pas, ben t’es malade) et...la neuropathie au disulfirame. Alors ce truc, si vous arrivez à le citer, vous êtes exceptionnels, je comprends pas ce que ça vient faire là à part imaginer que l'auteur n’aime pas le labo qui produit cette molécule).
En résumé ça donne ça :
structure
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intoxication aiguë
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intoxication chronique directe
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intoxication chronique indirecte
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cortex
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troubles du jugement, désinhibition, agressivité, trouble mnésique antérograde et rétrograde.
abaissement toxique du seuil épileptogène.
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atrophie avec démence frontale
Marchiafava Bignami (démyélinisation corps calleux)
abaissement dégénératif du seuil épileptogène.
addiction et syndrome de sevrage avec épilepsie de sevrage.
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encéphalopathie carentielle en B réversible de Gayet Wernicke) et irréversible de Korsakoff
encéphalopathie carentielle en PP (Pellagre)
encéphalopathie hépatique
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pont
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somnolence, coma par atteinte toxique de la réticulée ascendante
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myélinolyse centropontine
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cervelet
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ataxie cérébelleuse toxique (marche ébrieuse, dysarthrie)
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atrophie cérébelleuse avec ataxie cérébelleuse.
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SN périphérique
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diminution des réflexes
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neuropathie périphérique longueur dépendante et ataxie sensitive.
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