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15.10.16

Violence et agressivité.




Ces deux états émotionnels sont complexes, d'autant plus qu'un nombre incalculable d'auteurs n'ayant aucune culture médicale ont des avis bien tranchés sur la question. Je n'ai rien contre les psychanalystes (en fait contre eux, si), les philosophes (eux c'est plutôt un conseil : la drogue c'est mal), les sociologues, les ethnologues ou les coachs en management du conflit, mais soyons honnêtes, ce n'est pas parce que j'aime les sushis que ça me qualifie pour discuter de l'art de la poésie dans la région d'Okinawa au XIIe siècle.
Alors pour ne pas laisser dire tout et n'importe quoi par n'importe qui, voyons les bases.



Un état comportemental résulte de l'état d'activation des lobes frontaux, et plus particulièrement de la partie la plus antérieure. C'est là qu'est effectuée dans le cerveau, en temps réel, la synthèse entre les besoins et les contraintes… Et que la décision d'action est prise..

Même si en 2016 il peut sembler étonnant de le rappeler, il n'y a pas pour un cerveau, de contrainte morale : ben non, vous n'êtes ni intrinsèquement bon, ni méchant, ni rien…à part vous.

Et vous c'est :
  1. Des besoins. 
  2. Des contraintes 
  3. De l'expérience 

et un seuil but (mais on y reviendra après).

Les besoins sont multiples.

Mais il existe cependant une hiérarchie. Une hiérarchie signifie que plus un besoin est essentiel, plus il sera assouvi avant les autres. Par exemple, respirer prime sur brûlure qui prime sur douleur qui prime sur soif qui prime sur Wifi qui prime sur faim.

Tant que chacun de ces besoins n'atteint pas un seuil critique, les lobes frontaux peuvent inhiber leur assouvissement. C'est ça qu'en neurologie on nomme l'asservissement des centres inférieurs par les centres supérieurs.

Si par exemple vous saisissez une tasse brûlante… En deçà d'une certaine température vous allez pouvoir la poser sans la renverser (en hurlant comme un sanglier), mais au delà d'une température seuil, volonté ou pas, bonne éducation ou pas, vous aller la lâcher, même si votre avenir en dépend.

Un truc est essentiel à comprendre ici : chez l'humain, quand on fait la liste de ces besoins, il y a une catégorie à part. Cette catégorie c'est la sensation de plaisir. Elle est à part, parce que pour augmenter ce plaisir, le cerveau est capable d'inhiber des besoins essentiels. Vous pouvez par exemple restreindre votre alimentation et votre chauffage pour économiser des sous pour vous payer au mieux un bon jeu, au pire de la drogue (les toxicomanes ne sont absolument pas masochistes).

Et c'est là qu'interviennent les deux notions suivantes : les contraintes et l'expérience.

L'expérience est la somme des connaissances conscientes et inconscientes
sur…Les conséquences de ses propres actes. Par exemple, vous savez consciemment que si vous prenez le temps de faire cuire une pomme de terre, elle est meilleur à manger que crue. Et inconsciemment, vous savez quelle force vous devez appliquer à vos doigts pour attraper un œuf sans l'écrabouiller.

Les contraintes découlent en partie de l'expérience.
Vous savez que selon la société dans laquelle vous vivez, certains actions peuvent vous valoir une punition (et donc du déplaisir) et inversement. Il est par exemple très mal vu de frapper autrui (risque de punition) sauf si en frappant autrui vous défendez la veuve et l'orphelin (probabilité de récompense).

Bon bref, vous avez compris le principe.

Biologiquement, tout ce qu'on vient de voir se traduit par des variations de fréquence de stimulation électrique dans réseaux neuronaux, variations modulées par la quantité de neurotransmetteurs disponibles dans les synapses.

Prenons un cas simple : Je me jette d'un pont pour faire un saut à l'élastique. Mon expérience me dit que c'est sympa, mais que je peux me faire mal. Comme je suis bien attaché, mon expérience me dit que la probabilité d'éprouver du plaisir et supérieure au risque de mourir. Quand je saute, mes centre archaïques de défense m'informent du danger pur lié à la chute non contrôlée. Ils secrètent en urgence une grande quantité d'adrénaline qui me donne une sensation d'hyper conscience (prêt à trouver une solution). Simultanément, mes centres les plus supérieures, sécrètent plein de dopamine liée aux sensations agréables de chute. Résultat : je me sens bien ET tout puissant. Maintenant imaginons la même choses, mais sans être accroché parce que j'ai glissé par-dessus le parapet. Je tombe et je sais que rien ne peut me sauver. Je secrète autant d'adrénaline que précédemment mais pas de dopamine. Je suis donc hyper conscient que ça va mal se passer et j'angoisse… pas longtemps. Au total dans les deux cas j'ai eu de l'adrénaline en excès. Maos dans le premier cas mon expérience m'a appris que c'était sans danger et j'ai de la dopamine donc du plaisir, dans le deuxième cas, mon expérience m'a appris que ça sentait mauvais et j'ai eu un (bref) déplaisir.
Venons-en maintenant aux faits : violence et agressivité.

L'anticipation de diminution du taux de dopa est pour le cerveau, une certitude de déplaisir (demandez à un toxicomane en manque). L'expérience aidant, un cerveau est capable de mesurer assez finement cette quantité de déplaisir. Par exemple, si vous avez une écharde dans le doigt, vous savez que l'enlever vous fera mal, mais vous le ferez quand même parce que vous savez que ne pas l'enlever sera pire. Donc adulte, vous allez accepter qu'un tiers vous aide, alors qu'enfant vous allez tout mettre en œuvre pour ne pas augmenter encore votre déplaisir (car vous ignorez que c'est transitoire). Et tout mettre en œuvre revient à se défendre en faisant preuve de violence.

Donc en résumé (très très résumé) la violence est une réaction de défense face à ce qui peut augmenter le déplaisir que vous anticipez.

Selon les estimations de c'est pour ça que moins vous comprenez une situation, plus vous êtes à risque d'être violent. C'est ça qu'il faut comprendre par l'aphorisme d'Isaac Asimov : "la violence est le dernier refuge de l'incompétence".


On peut donc combattre la violence par l'éducation.

Ce qui n'a rien à voir avec l'agressivité.

Si la violence est un comportement de défense, l'agressivité est un comportement d'attaque. Le cerveau n'ayant pas de morale intrinsèque, et étant doué d'une grande capacité d'analyse, il ne lui faut pas longtemps pour découvrir qu'il lui est possible d'accélérer son accession au plaisir au prix d'un déplaisir transitoire de faible intensité.
 Si nous sommes deux, que j'ai faim, et que vous avez du chocolat, et si mon expérience me dit que ma force physique est supérieure à la vôtre, je peux vous prendre votre chocolat de force, vos petits cris indignés ne pouvant m'atteindre. Idem si mon expérience me dit que vous êtes dans une situation où il vous est impossible de réagir contre moi dans le cas où je vous insulte. Si je suis client et que vous êtes mon fournisseur, et qu'en vous insultant je sais que pour minimiser votre déplaisir vous allez accéder ma demande, je vais le faire sauf si… j'ai reçu une éducation adéquate me rappelant que cette attitude peut se retourner contre moi.
Bon bref, une agression est la poursuite de la quête du plaisir par d'autres moyens comme dirait un fameux stratège militaire prussien.

Au total, on peut lutter contre la violence par l'explication, mais on ne peut rien négocier face à l'agressivité. Contrairement à un comportement violent, un comportement agressif doit être réprimé avec une force encore plus grande, car son évolution ne peut se faire que vers une aggravation.

Sur ces bonnes notions de neurobio, je vous laisse voir ce qui selon vous relève de la violence ou de l'agressivité dans la relation de soins.


Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Mécanismes de cognition