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11.12.13

L'examen neurologique et les mots pour le décrire

- Makes me wanna take Charles Atlas by the hand -


Pourquoi faire un examen neuro ? Pour mettre en évidence et caractériser un dysfonctionnement neuro... Oui, mais comment ?

La question n’est pas anodine, car l’examen neurologique a deux caractéristiques qui peuvent sembler antagonistes et qui le distinguent radicalement des autres examens cliniques :


  1. On examine le fonctionnement d’un ensemble d’organes (cortex, noyaux, relais, neurone etc…) et parc conséquent la somme de leur fonctionnement individuel. Chaque fonction étant définie, l’examen est systématisé et ne laisse pas de place à une variabilité sémiologique
  2.  La seule chose qui sort du cerveau étant de la motricité (cf, la voie motrice) et celle-ci étant sous le contrôle de la volonté, la plupart des signes dépendent de la subjectivité et de la participation du patient.

Il n’y a donc pas de variabilité sémiologique (en gros, ça marche ou ça ne marche pas) mais une variabilité clinique (le patient participe ou pas). C’est la situation inverse de tous les autres organes : un cœur peut avoir des anomalies de rythmes très diverses et très varies pour des lésions identiques, mais la participation du patient à cet examen est anecdotique.

Si on ajoute à ces deux caractéristiques, la possibilité qu’un trouble neurologique perturbe le comportement du patient au point que sa participation active est génératrice d’erreurs (exemple de l’anosognosie du dément ou du déni des mouvements anormaux du Parkinsonien sur dosé), cet examen prend vite un aspect complexe.

Enfin, cerise sur le gâteau, cet examen utilise un vocabulaire spécifique qui ne tolère pas les approximations. Ce dernier point est souvent le plus difficile à comprendre par les non neurologies, ce dernier considérant que les neurologues exagèrent ou font preuve de snobisme.

Je vous propose un guide de l’examen neuro (qui n’a pas la prétention d’être LE GUIDE mais une aide), associé à un dictionnaire neurologique <-> français.

<->
Mais avant cela, revenons sur cette obsession des neurologique pour un langage précis. Je vais tenter de vous montrer que ce n’est pas juste une lubie et pourquoi.

Comme vous allez le voir les mots neurologiques sont très nombreux car le nombre de choses à décrire est important. Un peu comme les Inuits qui auraient 36 mots pour designer la neige, le neuro utilise pleins de termes pour décrire un déficit. Ainsi hémiparésie, hémiplégie, diplégie, para parésie sont des mots pour designer des déficits moteurs totalement diffèrent et utiliser l’un a la place de l’autre peut conduire a de grosses erreurs.

Je sens bien que vous êtes d’accord pour me faire plaisir, mais pas vraiment convaincu.

Imaginons que vous soyez un médecin japonais qui ne parle QUE le japonais. Madame DUPONT en vacances à OSAKA vous appelle, et vous raconte ses soucis de santé à l’aide d’un petit dico à 2 euros.

Elle vous dit qu’après un repas, elle s’est réveillée avec une gueule de bois, des aiguilles dans les cheveux, des oreilles bouchées, des jambes en coton, une grippe intestinale, un mal de foie et un rhume de cerveau… Vous faites quoi ?

A priori, vous envoyez l’équivalent japonais du SAMU et prévenez la réa car le cas est a priori extrêmement grave ! Pensez donc ! Des morceaux de bois sur le visage (trauma ? agression ?) et des aiguilles sur les cheveux, une contusion des conduits auditifs, des propos délirants (des jambes en… coton), une encéphalite grippale (penser à prévenir les infectiologues et prévoir l’isolement) etc..

Sauf que bien évidemment, Mme MICHU a juste forcé sur le SAKE et le glutamate.

Comme vous le voyez, les mots sont essentiels et mal employés ils peuvent conduire à de très gros problèmes. Pour éviter ces erreurs, Mme MICHU avait deux solutions, soit apprendre le japonais, soit décrire les choses simplement (mal à la tête, nausées vomissement).

Dans cette analogie, vous aurez compris que je cherche à vous faire comprendre, tout en essayent de ne pas vous vexer, que le neuro c’est le médecin japonais, et Mme MICHU, ça pourrait être vous si vous ne faites pas l’effort soit de parler neuro, soit de parler simplement !

Convaincus ?

Alors on attaque.
En pratique, je vais diviser ce guide en deux : le billet ci-dessous et d’autre part avec une nouvelle section sur le blog (en haut sous le titre) où j’ai mis un tableau récapitulatif de l’examen neuro et un dictionnaire des termes neurologiques.

De plus j’ai stratifié ces deux éléments (ne partez pas, c’est simple, vous allez voir). L’examen neurologique et les mots qui vont avec sont de complexité variable selon les besoins. Pour vous aider à savoir quels gestes et quels termes vous devez connaitre je les ai classé en quatre niveaux


  1. KIRK* : pas d’excuse, si vous êtes médecin, vous devez savoir faire et savoir le dire.
  2. PICARD* : utile dans certaines circonstances, notions qu’il ne faut pas connaître par cœur, mais savoir où retrouver.
  3. SPOCK* : notions pour les spécialistes, savoir qu’elles existent est déjà beaucoup.
  4. Q* : notions cosmiques et éthérées à réserver aux grands malades de séméiologie quand les gouttes viennent à manquer.
Il existe également un niveau 0 ou redshirt* pour les trucs inutiles qui veulent rien dire mais je n’ose imaginer que quelqu’un songe réellement à se contenter de ça.

* KIRK, PICARD et Q sont des personnages de l’univers de STAR TREK. La définition de redshirt est ici http://en.wikipedia.org/wiki/Redshirt_(character)

Alors par où commencer ? Par l’examen !
Déjà en différenciant les systèmes dans l’ordre de ce que vous percevez en premier MSVC : moteur, sensitif, visuel et cognitif ! Et dans le sens de la porte à la table d’examen PUIS à votre bureau (ça a son importance).

1.0.0 Moteur :

Vous devez distinguer force, précision, mouvement, tonus, précision, cohérence et réflexes.

1.1.1 Force membres supérieurs :

Normalement on tient debout, et on peut lever les bras. Mêmes les sujets âgés !

Commencer par demander (SANS IMITER LE GESTE) au patient de lever les bras un peu plus haut que l’horizontal doigt écartés, paumes en l’air au moins 30 secondes – Si c’est le cas vous avez une force normale des épaules, bras, avant-bras et doigts.

Nota bene, ceci n’est pas la manœuvre de barré, vous verrez après pourquoi.

Une personne âgé qui ne peut le faire pour des rasions d’arthrose, doit cependant être capable de soulever son accord d’un fauteuil dans lequel elle est assise par la simple poussée de ses avant-bras sur les accoudoirs.

Puisqu’on y’est demandez au patient de rester dans cette positon les yeux fermés pour passer à :

1.1.2 La précision des membres supérieurs :

Le patient doit pouvoir tenir cette position malgré la fermeture des yeux pendant 30 secondes sans que la main ne tourne, ne se ferme et sans que le bras ne descende. (si c'est le cas il vous faudra éliminer une atteinte du tonus qui peut être un facteur confondant)

Il n’a pas bougé ? Demandez-lui, toujours les yeux fermés de venir avec l’index de chaque main toucher le bout de son nez. S'il y arrive, pas la peine de le refaire les yeux ouvert, sinon, faites-lui recommencer sous le contrôle de la vue.
SI ça s’est bien passé, et bien passons au

1.1.3 Tonus des membres supérieurs.

Le tonus est la tension d’un muscle et résulte de l’action combinée de contrôles médullaires :
le réflexes myotatiques d’extension, (N 1),le myotatique inverses (N 3),la réaction de raccourcissement (de Westphal ou Sherrington) (N 4) et de contrôles supra spinaux (N 4).

En pratique demandez au patient de relâcher complètement ses membres. Attrapez le poignet et fléchissez l’avant-bras sur le bras, le poignet sur l’avant-bras (le plus expert, genre N 3, ils font ça sans quel les gens s’en rendent comptent lorsqu’ils leur serrent la main en début de consultation).

Si vous percevez une résistance anormale voir irréductible, ou encore un déplacement (le patient vous attrape ou vous repousse involontairement), et bien tant mieux, votre étape suivante n’en sera que plus intéressante avec :

1.1.4 Le mouvement aux membres supérieurs :

Depuis que vous le tripotez dans tous les sens, le patient est supposé être en confiance, demandez-lui de s’assoir sur la table d’examen, main posée sur les cuisses. Au repos il ne doit rien se passer.

En cas de mouvement anormaux comme des tremblements, des embardées, des positions vicieuses, notez la fréquence et le sens du mouvement. Demandez-lui également s’il peut contrôler ces mouvements ou s’il existe des situations pouvant les déclencher ou les amplifier.

Pendant ce bavardage qui est souvent informatif et surtout distractif pour le patient, sortez en douce votre marteau réflexe pour passer aux

1.1.5 Reflexes du membre supérieur.

Là-dessus que vous dire si ce n’est qu’en l’absence de point d’appel, taper un ROT (le bicipital) et un myotonique (le corps du biceps) suffisent. Si vous n’avez aucun réflexe, c’est embêtant, avant de l’écrire, essayez un équivalent de la manœuvre de Jendrassik (traction des deux mains l’une sur l’autre les doigts crochetés en hameçon) en demandant au patient de serrer au maximum le poing du côté opposé.

Pendant ce petit temps de tapotage, profitez-en pour regarder le comportement des muscles au repos (trophicité, mouvement spontanés etc…)

Bon vous l’avez tripoté et tapé, reste :

1.1.6 La cohérence du mouvement du membre supérieur :

En l’absence de point d’appel demandez au patient de vous montrer comment il se coiffe de façon imaginaire et de faire deux cercles avec le pouce et l’index de chaque main et de croiser ces cercles comme une chaîne. Si pendant votre examen de la force, le patient n’a pas compris comment placer ses mains (et s’il n’est pas sourd) ça vaut le coup de pousser les tests (voir tableau).

Vous venez normalement en moins de 3 minutes de faire un tiers du boulot ! Voues êtres chaud, passons au membre inferieur, vous allez voir ça va beaucoup plus vite !

1.2.1 La force du membre inferieur

Normalement si votre patient est venu en marchant sans boiter vous êtes tranquille et vous pouvez vous contenter d’une manœuvre de Mingazzini (N1) : le patient allongé sur le dos sur la table d’examen, demandez-lui de lever les cuisses en fléchissant les genoux pendant au moins 10 secondes. Si une jambe tombe, vous pouvez frimer avec la vraie manœuvre de Barré (N2) (surtout utile en cas de déficit minime), en demandant au patient de se mettre sur le ventre et de lever les deux membres inférieurs 10 secondes.

Et la personne âgée me direz-vous, avec de l’arthrose et tout et tout ? Si vraiment vous êtes coinces, sachez qu’un quadriceps est normalement invincible, si vous pouvez le vaincre, il y a un problème de force certain.

S'il est resté sur le dos, passez à la suite, sinon retournez le…

1.2.2 La précision du membre inférieur :

Pas la peine d’en faire trop, demandez au patient de mettre le talon d’un coté sur le genou de l’autre côté puis de descendre le long de la crête tibiale. Tout le monde y arrive même les très fatigues. Là encore s’il ne comprend pas comment faire sans que vous ne lui montriez, insistez sur la cohérence du mouvement un peu plus tard.

Bon on avance un peu avec

1.2.3 Le tonus du membre inférieurs :

Comme tout à l’heure, déplacez passivement le membre en fléchissant les articulations à la recherche d’une résistance passive ou involontairement active et dépêchez-vous de passer à

1.2.4 Le mouvement au membre inférieur :

Là encore regardez s'il y a des mouvements anormaux contrôlables ou non, aggravables ou non et ressortez votre marteau pour

1.2.5 Les réflexes aux membres inférieurs :

Vous les connaissez par cœur, le rotulien, l’achilléen, le corps du quadriceps. Si vous en trouvez aucun, c’est le moment de ressortir votre tour e magie hongrois de monsieur Jendrassik. Astuce pour l’achilléen, si vraiment vous ne le trouvez pas tapez sur le tiers avant de la plante du pied, c’’est souvent plus facile ! Les puristes vous dirons que c’est un réflexes S1S2 et pas S pur mais bon voilà en vrai on s’en tape.

Et là, l’instant que vous attendez tous, la star incontestée du pied, la recherche du réflexe cutané plantaire : la MANŒUVRE DE BABINSKI !!!.... Quand vous aurez fini de ramassez les pétales de roses et les paillettes, passez à :

1.2.6 La cohérence du mouvement du membre inférieur….

Comment dire, même les N4 ne le font pas !

Voilà en 6 minutes en traînant un peu, vous venez de finir le moteur !

On passe au sensitif

2.0.0. Sensitif

Ça va aller vite. Rangez vos bidules à poils long cours qui grattes ou qui chatouillent. Trois sensibilités vous intéressent en pratique courante : tact, douleur, proprioceptif. Pour le tact et la douleur prenez votre marteau et demandez au patient s’il sent quand vous les touchez et le piquez de façon symétrique en commençant par le haut !

Pour le proprioceptif, mobilisez les gros orteils et le pouce en les saisissants sur les côtés et pas sur le dessus dessous.

En l’absence d’anomalie on s’arrête là, sinon on insiste sur le territoire radiculaire ou métamérique anormal

Normalement 1 minute suffit.

Voyons la vue

3.0.0. Visuel

Vous n’êtes pas ophtalmo donc pas la peine d’en faire trop. Les yeux peuvent-ils bouger dans les 6 directions sans louchez ni diverger ?

En confrontant le champ visuel au vôtre, le patient a-t-il la même amplitude ?

Oui, ben vous avez fini.

Et enfin

4.0.0. Cognitif

Et un mot comme en cent, faites du MoCA, y’a tout dedans, le lien est là http://www.mocatest.org/

Il est mieux que le MMS, il est plus rigolo, il est traduit et validé dans toutes les langues (pratiques pour les patient étrangers) et il est comparable au MMSE pour le score.


Bien maintenant que vous êtes retourné à votre bureau pendant que le patient tente de se rhabiller après tant de sollicitudes, il est temps d’écrire ce que vous avez vu avec des mots de neuro

Trois règles d’or, une localisation, une fonction (déficitaire), un préfixe (de qualité)



La localisation :
  • Un membre : mono 
  • Deux membres inférieurs : para 
  • Deux membres supérieurs : di 
  • Deux membres du même côté : hemi 

La fonction :

  • Force : parésie (diminution incomplète) ou plegie (abolition) 
  • Précision : métrie 
  • Tonus : tonie 
  • Mouvement : kinésie 
  • Réflexes : réflexie
  • Cohérence : praxie 
  • Sensibilité superficielle : esthésie 
  • Douleur : algie 
  • Proprioception : taxie 

Le préfixe de qualité

  • Absence : a 
  • Diminution : hypo 
  • Augmentation / excès : hyper
  • Autre anomalie : Dys 
  • Lenteur : Brady 

Et bien évidement il y a des exceptions :

  • La force de prend jamais de préfixe 
  • Il y a plein de forme inusitée (c’est précisé dans le dico complet) 
  • Et il y a plein de déficit qui ont une dénomination a part (là encore voir le dico) 

Essayons de voir si vous avez compris

Une impossibilité de bouger le côté gauche, avec une insensibilité à la douleur du même côté se nomme : Une HEMI-PLEGIE gauche avec une HEMI-AN-ESTHESIE gauche. 

Une lourdeur du membre inférieur droit, avec une douleur sur le trajet du sciatique, une diminution de la sensibilité du même territoire et une abolition de l’achilléen (un sciatique S1 toute bête) se nomme : une MONO-PARESIE droite avec une HYPER-ALGIE S1, une HYPO-ESTHESIE S1 et une A-REFLEXIE achilléenne.

Une difficulté à maintenir son bras en l’air sans l’aide des yeux, associé avec une difficulté à toucher le nez avec la main en dépassant la cible, associé à une augmentation du ballant du bras se nomme : une A-TAXIE avec une DYS-METRIE à type d’HYPE-METRIE associé » à une HYPO-TONIE (un syndrome cérébelleux).

Reste le monde merveilleux des tonies et kinésies…. Allez voir le tableau c’est merveilleux.