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31.8.21

#UnLapinUnThread | fatigue dans les pathologies neuro

C'est fréquent, pénible et invisible
C'est totalement différent de la fatigue habituelle
Et on va essayer de comprendre pourquoi




L'idée de discuter de la fatigue dans les pathologies neurologiques vient d'une conversation récente avec quelqu'un que j'apprécie énormément et qui souhaitait savoir si cela est connu, fréquent, et, accessoirement, si on pouvait y faire quelque chose (spoil : bof).

Du coup commençons par un problème de vocabulaire auquel se heurtent beaucoup de patients fatigués, qui les prive parfois d'une prise en charge adaptée, et qui induit des erreurs diagnostiques : 

En français nous avons un seul mot pour dire fatigue : c'est fatigue.

(Inutile de me sortir des synonymes comme asthénie, épuisement, lassitude, moi aussi j'ai internet. Lisez plutôt la suite). Nous avons un seul mot (et ses synonymes) pour décrire cette sensation que nous avons tous quand nous sommes fatigués parce que les gosses sont pénibles, parce que le boulot est pénible, parce le sport est pénible...(j'ai parlé des grosses ?). Et dans les autres langues c'est pas beaucoup mieux.

Sauf que les patients qui ont une pathologie neurologique ont une sensation qui n'a absolument rien à voir, et qui s'appelle aussi fatigue. Dans les autres langues, pas bêtes, ils utilisent le mot français FATIGUE pour décrire cette fatigue spécifique, qui n'a rien à voir avec la fatigue que nous connaissons tous.

Mais en français on a un seul mot, et ça nous empêche pour différencier ces deux concepts distincts.

Du coup la FATIGUE des patients qui ont une pathologie neurologiques c'est quoi ?

Je suis mal placé pour en parler parce que justement je n'en ai pas même si j'en suis souvent fatigué. Par contre, les patients en parlent très bien.

C'est une sensation à part, un épuisement même au repos, pour lequel le sommeil n'est pas réparateur. Une sensation qui non seulement limite les activités, mais qui éteint même la volonté d'avoir une activité. Quelque chose qui est là en permanence et qu'ils ne peuvent ignorer. Quelque chose qui non seulement les éteint, mais qui, parce qu'ils ne savent pas comment le décrire autrement que par le mot "fatigue" les expose à l'incompréhension des autres, qui par analogie avec la fatigue commune, pensent que les patients ne font aucun effort.

Bon là je pense qu'on a bien délimité les contours du concept, mais d'où vient cette fatigue, et pourquoi est-il si difficile, voir impossible, de s'en défaire ? 

Cette fatigue neurologique, pour simplifier, est liée à une baisse de l'efficacité de la transmission neuronale. Moins les neurones communiquent rapidement, plus les patients ont l'impression que bouger est un effort, parler est un effort, penser est un effort. C'est comme vous quand vous accédez à Internet avec un bon débit, et que soudain le débit s'effondre. Tout de devient lent, ça vous exaspère, vous rechargez la page 150 fois (ce qui ralentit encore plus son chargement), puis vous laissez tomber parce que c'est galère. Imaginez ça avec vos fonctions cognitives et vous muscles à la place de Google et ça vous donne une idée de ce que ressentent les personnes qui en sont victimes. Pourquoi cette communication est-elle ralentie ?

C'est multifactoriel disaient les anciens pour masquer le fait qu'ils n'en savaient strictement rien.

Depuis on a quand même un peu progressé même s'il reste de grandes inconnues.

Imaginons que vous ayez une maladie neurologique qui abîme vos nerfs périphériques (un syndrome de Guillain Barré par exemple). Vos nerfs, dont la seule et unique mission est de transmettre de l'info d'un point A à un point B, à haut débit, ne pourront plus le faire du tout, ou avec un débit ralenti. 

Pourquoi ? Parce que votre maladie a endommagé les éléments du nerfs qui permettent la transmission.

Du coup, vous aurez beau vouloir que par exemple votre jambe se lève, que votre genou se verrouille, que votre corps bouge...ça ne se fera que lentement, au prix d'un effort intense, et pour un résultat décevant. Bref, vous serez fatigué. Mais pourquoi le nerf ne cicatrise pas vite, voir pas du tout ?

Parce que les nerfs sont extrêmement mal faits.

Un nerf c'est essentiellement deux choses : un corps et des tentacules. Le corps est là où la cellule fabrique ses composantes. Les tentacules (dendrites et axones) c'est ce qui permet la transmission de l'information. Quand une tentacule est abîmée (par la maladie), elle doit en informer le corps, qui doit en retour fabriquer de quoi réparer les dégâts. Dit comme ça, ça a l'air facile, mais bien évidemment ça ne l'est absolument pas. 

Pour deux raisons :

  1. les neurones sont des cellules ultra spécialisées dont la machinerie cellulaire n'est pas vraiment conçue pour les réparations de grande ampleur.
  2. le déplacement des pièces de rechange à l'intérieur du neurone depuis le corps, jusque là où elles sont nécessaires est lent. Très lent. Et les neurones peuvent être long, très long (les neurones moteurs du pieds dépassent le mètre).

Donc quand ça fabrique pas beaucoup, que ça va pas vite, et que le trajet est long, le temps de réparation est grand. Il faut parfois plus d'un an (!) pour que par exemple une lésion au pied commence (!) à être réparée.

Sauf que pendant ce temps il peut se passer trois choses.

  1.  un peu comme une tâche de rouille sur du métal, ou comme un trou dans une toiture, quand les réparations tardent à venir, les dégâts s'aggravent.
  2. faute de réparations rapides, les mécanismes inflammatoires qui se mettent à en place, peuvent détruire le nerf résiduel. C'est contre productif, mais les mécanismes de l'inflammation sont également mal faits (et très délétères en neurologie)
  3. la cause (le syndrome de Guillain Barré dans notre exemple) peut récidiver (on ne parle alors plus de Guillain Barré mais de polyradiculonévrite inflammatoire chronique, mais en pratique ça change pas grand chose)
De ces trois points il en résulte que malgré tous ses efforts, le neurone peut ne jamais être capable de réparer ses dégâts, ce qui provoque une inefficacité de transmission chronique, ressentie comme une fatigue chronique. Le Guillain Barré est un exemple simple. Il est surtout utile pour comprendre un des mécanismes de la fatigue, et ce d'autant plus qu'il est indirectement possible de mesurer les dégâts objectivement avec un electroneuromyogramme.

Un exemple plus complexe est la sclérose en plaques #SEP. Même principe, les nerfs sont abîmés par un mécanisme externe (d'origine immunitaire). Sauf que là ce sont des nefs du système nerveux central. Le réparation est tout aussi inefficace, cependant leur longueur est plus courte, donc la sensation de fatigue devrait être moindre puisque les réparations vont plus vite. Pourtant 90% des patients avec une SEP se plaignent de fatigue, 70% disent que c'est leur première cause de handicap même s'ils ont des handicaps moteurs, sensitifs ou cognitifs, et 60% disent que c'est la principale cause de la baisse de leur qualité de vie. Pour comprendre pourquoi cette fatigue est persistante alors que les réparations sont plus rapides, il faut se souvenir que d'une part les personnes avec une SEP sont très longtemps asymptomatiques (accessoirement, du coup quelqu'un qui dit qu'il a été vaccin lundi et que mardi il avait une SEP, n'a pas été informé, ou n'a pas voulut accepter qu'il était malade depuis plusieurs années. Probablement depuis l'âge de 15 ans. Mais c'est un autre sujet).

Mais la SEP étant une pathologie chronique, arrive un moment où la répétition des dégâts sur les nerfs, finissent par altérer la qualité des réparations, au point de dépasser les capacités des nerfs a transmettre l'information dans de bonnes conditions. Et comme on est sur des nerfs centraux, avec du cortex dedans, cela signifie que la quantité et la qualité des neurotransmetteurs baisse également. En français cela veut dire moins de dopamine, moins de sérotonine, moins d'acethyle choline...

t français encore plus français ça veut dire moins de plaisir, moins de bonne humeur, moins de vivacité d'esprit...ou plutôt apathie, dépression, lenteur.

C'est à dire encore plus de fatigue.

Chronique.

Avec un cercle vicieux.

Du coup là le pense que vous avez compris que la FATIGUE des pathologies neurologiques et distinctes de la fatigue qu'on connait tous.

Et le traitement ?

...

On est en neurologie, pas chez Disney. Y'en a quasiment pas.

On peut essayer de traiter la cause avec des anti-inflammatoires simple (cortisone) ou archi complexe (anticorps monoclonaux)

Et puis c'est tout.

Aucun traitement médicamenteux n'est efficace. Pas plus les vitamines que les poils de Taupe grillées.

Mais est-ce que ça veut dire qu'on peut rien faire ?

NON ! Mais il fait être patient et....surtout ... Utiliser les mécanismes de cicatrisation du corps, c'est à dire essentiellement le mouvement pour ce qui est moteur, la stimulation cognitive pour la cognition.

Ça paraît débile à dire mais c'est massivement sous utilisé.

u coup, je vais le dire en un seul tweet : plus vous êtes fatigués physiquement, plus vous devez faire de la kiné en mode Berserker.

Et plus vous êtes fatigués cognitivement plus vous devez jouer (super excuse pour acheter une PS5, une Switch ou une Xbox).