Ce texte a pour but de vous faire faire un tour de toutes les douleurs projetées et autres sensations étranges pour que vous pensiez, quand vous êtes devant quelqu’un qui à ce type de plainte, à chercher la cause ailleurs (c'est le moment X-files de cette intro).
Point important de cette introduction, l'article qui suit est un article avec une première partie très neurophysiologique et une deuxième partie très neuro anatomique pour permettre de moins nager quand on doit faire de la clinique. Si c'est deux domaines vous rebutent, ce texte n'est peut-être pas fait pour vous. Fuyez ! Pour ceux qui restent, sachez que par un choix original sophistiqué de couleurs (noir, gris et rouge), vous pourrez vous concentrez sur les parties les plus importantes si votre fatigue est trop grande.
Le système sensitif véhicule de l'information de la périphérie vers le centre. Comme je suis paresseux, voici un copié collé de ce que j'ai écrit dans un autre billet sur les différentes structures impliqués :
Illustrons ça avec une illustration illustrante : vous avez (c'est une affirmation) des récepteurs au tact dans la pulpe de votre pouce gauche. Chacun de ces récepteurs est relié via une fibre nerveuse unique à un noyau du bulbe rachidien (noyau de Goll pour le membre inférieur, noyau de Burdach pour le thorax, le membre supérieur et le cou), via un nerf périphérique et un faisceau médullaire. Quand le noyau de Burdach reçoit le signal de la fibre venant du pouce, il se comporte comme si le pouce avait été touché et transmet cette information au thalamus qui lui-même la transmettra au cortex. Si un petit malin venait exciter cette fibre unique qui va du pouce au noyau n'importe où sur son trajet, le noyau n'y verrait que du feu et penserait que c'est quand même le pouce qui a été touché. Il en est de même pour le thalamus ou le cortex : si vous stimulez la fibre correspondant au pouce, entre le thalamus et le cortex, le cortex réagira comme si c'est le pouce qui avait été touché, sans pouvoir comprendre que le signal a été trafiqué.
Pour vous illustrer ça de façon encore plus claire, dans un des épisodes de la saison de 3 de Games of Thrones, Ramsay Snow torture Theon Grejoy (comme dans la saison 4, 5 et 6 d'ailleurs) en lu titillant de la pointe de son couteau un fibre du pouce. Theon a beau voir qu'il ne se passe rien de grave, son cerveau lui dit que la douleur est atroce. Son cerveau est persuadé qu'un truc horrible se passe au bout de son doigt et c'est Theon lui-même qui demande à Ramsay de lui couper le doigt plutôt que de continuer à souffrir de la sorte. Ce que cette scène illustre, c'est que pour le cortex sensitif il n'y a pas de critique possible. S'il sent qu'on lui bouffe le pouce, c'est qu'on lui bouffe le pouce.
Avant d'aller plus loin on va passer à un exemple très concret. Ça peut vous sembler illogique que je ne termine pas la partie théorique avant de passer à la partie pratique, mais vous verrez qu'il est plus facile de partir d'un cas concret et d'en modifier les paramètres pour envisager toutes les situations, que de vous farcir la tête de données anatomiques abstraites.
On va donc prendre le cas très très concret du téton gauche. Pas le sein, pas la poitrine, pas le droit, mais le téton gauche. Le téton gauche est une zone cutanée de taille variable, présente chez les femmes et les hommes. C'est une région riche en récepteurs multiples dont des récepteurs à la douleur et au tact plus nombreux qu'ailleurs. Ces récepteurs sont reliés au noyau de Burdach par des fibres nerveuses qui, du téton à la moelle épinière, voyagent au sein du nerf spinal thoracique ("spinal thoracique" c'est son nom) T4 gauche, et dans la moelle, au sein du faisceau lemniscal dorso latéral cunéiforme. Le nerf spinal thoracique T4 gauche débute son trajet vers le milieu du thorax, contourne le thorax d'avant en arrière par la gauche, et se termine un peu avant d’entrer dans la moelle, où il laisse la place à une racine médullaire qui se situe entre la vertèbre T4 et la vertèbre T5. Petit terme de sémiologie : l'ensemble du territoire sensitif qui est relié à la moelle par un nerf spinal, forme le "dermatome" de ce nerf. On peut ainsi dire que le téton gauche est inclus dans le dermatome du nerf spinal thoracique T4 gauche.
Si on vous tape ou que l'on vous touche le téton gauche, cette information va parcourir les deux structures que je viens de vous décrire, puis, via la thalamus droit (oui ça change de coté au passage), va parvenir à votre cortex sensitif droit. Le cortex va donc savoir que votre téton gauche a été touché et/ou a eu mal, et en informer votre lobe frontal. Et c'est là, et uniquement là, que vous saurez qu'on vous a touché (ou tapé).
Ça, c'est le fonctionnement normal.
Maintenant, imaginons que vous fassiez une mauvaise chute. Vous vous écrabouillez une partie de la racine T4. Un morceau de la vertèbre T4 va venir au contact de la racine nerveuse sensitive gauche et l'irriter. Et comme vous n'avez pas de chance, le point exact où ce fragment osseux touche la racine, correspond au passage de la fibre nerveuse qui vient du téton. On est bien d'accord que le nerf spinal thoracique T4 gauche n'a rien. C'est juste la racine qui est irritée en un point particulier. Cette racine irritée va émettre un signal qui va dire : "Houhou on m'a touché et j'ai mal" dans toutes les directions. Toutes les directions ça veut dire que ce signal va aller dans le mauvais sens (on dit "antidromique") vers le téton gauche via le nerf spinal thoracique gauche, et dans le bon sens (on dit "orthodromique") vers la moelle. Le téton s'en tape. Il est pas là pour analyser quoi que ce soit, donc ce signal ne sert à rien. En revanche la moelle va faire son boulot et va transmettre le message au noyau de Burdach. Le noyau n'a aucun moyen de savoir que ce message vient spécifiquement la racine blessée et va le traiter comme s'il venait du téton. C'est donc cette information erronée qui va être transmise à votre conscience via le thalamus et le cortex sensitif. Dans cet exemple particulier vous allez donc avoir mal au téton gauche, vous allez sentir qu'on vous touche le téton gauche, alors que votre téton n'a rien, et que ce qui vous fait mal c'est un bout de vertèbre situé dans le dos.
Ça, cette douleur et cette sensation que vous ressentez comme réelles mais au mauvais endroit, c'est ce qu'on appelle une douleur projetée.
Maintenant que vous avez compris (je l'espère) ce cas simple, on va compliquer un peu en reprenant la neuroanatomie et la neurophysiologie. Juste avant de passer à l'exemple concret précédent, j'ai écrit : "le système n'a aucune protection contre le piratage ou contre les pannes ce qui peut-entrainer un nombre extraordinairement grand d'erreurs de compréhension". L'exemple en lui-même montre ce qui se passe dans l'hypothèse d'une panne. Mais qu'est-ce que le : "piratage" ?
Le piratage consisterait à volontairement tromper le système sensitif. Il faudrait imaginer une situation où les récepteurs de votre téton gauche fonctionnent bien, de même que les fibres nerveuses dans le nerf spinal thoracique T4 gauche, mais que quelque chose viendrait se brancher en dérivation sur ce nerf, et envoyer des signaux mimant une douleur ou un contact cutané, vers la racine sensitive. Tout comme tout à l'heure, la racine puis la moelle ainsi que toutes les structures jusqu'au cortex serait abusées, et vous auriez conscience d'une douleur ou d’un contact cutané au niveau de votre téton alors qu'il ne s'y passe rien.
Ce scenario qui a l'air un peu sorti d'un mauvais roman de SF, correspond très exactement à ce qui se passe à plusieurs endroits du système nerveux sensitif. Pour ceux qui ne connaissent pas ce blog, c'est le moment ou jamais de lire une série d'articles consacrés au système nerveux autonome http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2014/07/systeme-nerveux-autonome-i-of-men-and.html. C'est le troisième système nerveux présents dans notre corps en plus du système nerveux périphérique et du système nerveux central. Pour ceux qui ont la flemme de lire les articles qui lui sont consacrés, voilà un très bref résumé, juste suffisant pour comprendre la suite de cet article-ci.
Contrairement à ce que le terme "troisième" système nerveux pourrait suggérer, il est historiquement le premier. Il est apparu chez les méduses. C'est le système nerveux qui fait fonctionner le corps, indépendamment de votre volonté (exemple typique : si vous retenez volontairement votre respiration, le système nerveux autonome vous forcera à inspirer, que vous le vouliez ou non, lorsque certains seuils de sécurité auront été franchis). C'est ce système qui régule vos intestins, votre cœur, mais aussi votre foie, votre pancréas, votre vessie ou même votre peau (la transpiration qui coule et les poils qui se hérissent ne le font que parce qu'il décide le faire). Ce système nerveux autonome utilise des structures anatomiques qui lui sont propres. Mais il est accolé au système nerveux périphérique, et à certains endroits il se branche dessus, afin d'être informé de ce qui se passe par ailleurs. Ces endroits où il est en contact avec le système nerveux périphérique sont trop nombreux pour être détaillés ici, mais retenez que pour ce qui nous intéresse, ces endroits se présentent comme des lieux où le système nerveux autonome vient pirater le système nerveux périphérique.
Pour donner du concret à ce que je viens de vous raconter, revenons à notre cas très très concret du téton gauche. Je vous ai dit que le nerf spinal thoracique T4 gauche se terminait sur la racine postérieure droite de la moelle qui relaie les informations du territoire T4 gauche. Au niveau de cette racine postérieure, le système nerveux autonome vient se brancher sur les fibres sensitives. Pour être encore plus précis, la partie du système nerveux autonome qui innerve le cœur et le péricarde, projette une fibre sur la racine postérieur T4 gauche (et pas droit, et pas T5). Quand quelque chose d'anormal se passe au niveau du cœur, disons, au hasard, un infarctus, cette fibre autonome va envoyer un signal de détresse à la racine. Tout comme tout à l'heure, la racine est incapable de savoir que ce signal vient du cœur plutôt que de votre téton, et va traiter ce signal comme s'il venait du téton. La racine puis la moelle ainsi que toutes les structures jusqu'au cortex sont ainsi abusées, et vous avez conscience d'une douleur ou d’un contact cutané au niveau de votre téton alors qu'il ne s'y passe rien. Bref, quand lors d'un infarctus du myocarde vous avez mal dans le téton gauche, ou plus diffusent dans la poitrine à gauche, vous n'avez pas réellement mal dans la poitrine, vous n'avez pas réellement mal dans le cœur (qui en lui-même est indolore), mais vous percevez le signal que vous envoie le système nerveux autonome pour vous dire que quelque chose ne va pas avec votre cœur. Et par défaut, vous percevez ça dans le dermatome T4 droit.
Je vous propose de garder les deux derniers pour la fin, car bien que très exotiques, ils sont très rares et ne sont à découvrir que pour briller en société.
On va donc, maintenant qu'on a les bases, voir syndrome par syndrome, les différentes douleurs et sensations projetées. L'idée est que devant ces manifestations cliniques vous pensiez à rechercher la cause ailleurs que là où le patient vous dit qu'il a mal ou qu'il ressent des trucs bizarres.
Et là, alors que vous pensiez qu'on allait enfin se lancer dans le concret, vous allez voir qu'on va se heurter à une nouvelle difficulté : comment classer ces syndromes. La logique voudrait qu'on parte d'une extrémité (la tête ou les pieds) et qu'on descende (ou que l'on monte). Mais ça ça ne va pas être possible. Ça ne va pas être possible car contrairement au thorax et à l'abdomen où les nerfs spinaux sont gentiment disposés de part et d'autre de la moelle, au niveau des extrémités du corps, l'anatomie est beaucoup plus complexe. Si on part de la tête, les nerfs spinaux, ne sont pas spinaux. Ils ne vont pas du récepteur à la moelle mais du récepteur au tronc cérébral. Du coup on les nomme "nerfs crâniens". Au-delà de ce changement de nom, ces nerfs ont la fâcheuse tendance à se regrouper ou se diviser entre le récepteur et le tronc en formant des réseaux complexes. En dessous des nerfs crâniens, on trouve les premiers nerfs spinaux. Et là encore ça reste compliqué. Les nerfs spinaux C2 C3 C4, puis les nerfs spinaux C4 à T1 forment eux aussi des réseaux entre eux. Le réseau formé par les trois premiers est le plexus cervical, celui formé par les six suivants est le plexus brachial. De T1 à T12 ont retombe sur nos pattes. Ça redevient compliqué sous T12 avec le plexus lombaire (T12 à L4), le plexus sacré (L5 à S4) et le plexus honteux (S2 à S4). Vous voyiez qu'on termine en beauté avec non seulement des plexus, mais des plexus qui se superposent.
Pour pallier cette difficulté, on va classer les syndromes en commençant par les nerfs spinaux thoraciques et lombaires hors plexus, puis en décrivant les syndromes liés aux plexus cervical, brachial, lombaire, sacré et honteux.
1 - Douleurs et sensations projetées des nerfs spinaux thoraciques et abdominaux T1 à L1, et douleurs projetées du système nerveux autonome associées.
1a : Syndrome lésionnel simple. C'est celui qu'on a vu dans l'exemple avec le téton. Le nerf spinal thoracique ou abdominal est lésé en un point de son parcours (le plus souvent au niveau de son arrivée dans la moelle lors du passage entre les deux vertèbres), et cela provoque une douleur ou une sensation anormale plus ou moins étendue à tout ou partie du dermatome de ce nerf. Une hernie discale T8 gauche va provoquer une douleur où des sensations anormales en hémi ceinture gauche dans tout ou partie de dermatome T8 gauche. C'est un cas ultra facile, il n'y a pas grand-chose à rajouter.
1b : Syndrome de Tietze. C'est un cas particulier du précédent. Il correspond à la lésion ou l'irritation du nerf spinal thoracique T6 (parfois T5, parfois T7) gauche par le cartilage costal situé entre le sternum et la côte. Si dans l'immense majorité des cas, la douleur se situé pile en regard du lieu de conflit (et donc n'est pas réellement une douleur projetée), elle peut diffuser dans tout le dermatome. L'origine étant mécanique, cette douleur peut varier avec les mouvements volontaires, mais aussi avec les mouvements involontaires endo thoraciques ou les mouvements de la partie haute du diaphragme. Du coup cette douleur est souvent confondue avec une douleur d'origine cardiaques (avec des explorations cardiaques plus ou moins invasives pour en faire le diagnostic), ou avec des douleurs d'origine digestive (avec tout autant d'explorations, voire des traitements par IPP inutiles). Le diagnostic de certitude est difficile et non consensuel. Certains disent que la manœuvre consistant à se placer à la tête du patient (lui-même étant allongé) et soulever la cage thoracique en la crochetant sous les côtes pour diminuer les douleurs, est sensible et spécifique (mais sans données chiffrées). D'autres disent que seule une infiltration de LIDOCAINE fait le diagnostic. En tout cas il est nécessaire le faire pour éviter les investigations cardiaques et digestives inutiles.
1c : Syndrome viscéraux. C'est l'ensemble des douleurs (le plus souvent, mais parfois simple sensations désagréables) projetées par les viscères dans un dermatome de nerf spinal. On a de haut en bas :
Les poumons (ou, pour être précis, la plèvre) dont la partie supérieure se projette en T1 et C8. (C'est un des éléments du syndrome de Pancoast-Tobias avec la lyse osseuse des deux premiers arcs costaux, le syndrome de Claude Bernard Horner à droite et les troubles du rythme cardiaque. Il traduit presque systématiquement une lésion cancéreuse de l'apex pulmonaire). Les atteintes pleurales médianes peuvent donner des douleurs dans le même territoire que le diaphragme ou le cœur (voir ci-dessous).
2 - Douleurs et sensations projetées des nerfs spinaux cervicaux.
Là je vais tricher parce que j'ai déjà écrit un truc là-dessus dans ce billet : http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2015/03/cephalees-dites-darnold-et-autres.html. Vous verrez en quoi les névralgies de C2 et la fameuse nevralgie d'Arnold sont des douleurs projetées cervicales (d’où le terme impropre mais que tout le monde comprend, de sciatique de la tête). A ces douleurs C2 on peut rajouter des trucs plus complexes qui touchent les nerfs crâniens qui ont un trajet cervical.
2a - Les otalgies réflexes. C'est très compliqué. La sensibilité de la partie interne des oreilles et du tympan est assurée selon les régions par les paires crâniennes V, VII, X IX et par les nerfs spinaux cervicaux C2 et C3. Ceci a pour conséquence directe, qu'une otalgie peut témoigner d'une irritation dentaire (mandibule innervée par le V), le plancher buccal et les glandes salivaire (IX et X), l'oropharynx (via le XI), l'hypopharynx (via le X). Toute infection, néoplasie (en particulier de la langue, du larynx ou du pharynx) ou même dissection artérielle (carotidienne ou vertébrale) peut donc donner des otalgies.
2b - Les odynophagies. C'est les douleurs de la déglutition. Même cause que précédemment mais sans le V, le VII et C2, C3. On reste donc sur des lésions ORL basent ou digestives hautes.
Dans les deux cas, les reflux gastro œsophagiens peuvent simuler n'importer laquelle de ces deux douleurs.
3 - Douleurs et sensations projetées des nerfs spinaux brachiaux.
Alors si vous n'avez pas d'idée précise de ce qu'est le plexus brachial, vous pouvez soit jeter un coup d'œil à la série de dessins de cet article http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2014/03/le-plexus-brachial-le-truc-qui-fait.html, soit accepter le principe suivant : l'équivalent des nerfs spinaux thoraciques entre C5 et T1 forment un entrelacs immédiatement à proximité des racines médullaire. Ainsi, au lieu d'avoir 5 nerfs spinaux, on a un plexus qui mélange les fibres entre elles pour former 5 nerfs brachiaux principaux et plusieurs nerfs accessoires. Du coup, là où au niveau du thorax le nerf spinal thoracique T4 on n'a que les fibres T4, au niveau brachial, chaque nerf comporte un mélange plus ou moins importants de fibres correspondant à des racines différentes.
Et histoire de renforcer la migraine brutale qui vient de vous prendre derrière la nuque sans prévenir, avant de former ces nerfs brachiaux, les fibres s'associent sur de courtes distances en troncs primaires et secondaires. Je vais vous épargner les détails parce que pour ce qui nous intéresse, seul le résultat compte. Et ce résultat, c'est qu'au niveau brachial, contrairement au niveau thoracique, une lésion peut donner plusieurs symptômes douleurs dans territoires différents. Je vais tous vous les citer mais seul le syndrome du défilé (3g) est réellement utile à connaitre (en post mastectomie le syndrome éponyme). Pour simplifier on a :
Soyons réalistes, si vous comprenez sans regarder les dessins, c'est que vous êtes un génie. Cliniquement l'atteinte de chacune de ces structures peut donner des douleurs projetées :
3a : Syndrome du tronc supérieur : il donne des douleurs de tous la partie externe du bras de l'épaule au 2e doit aussi bien en avant qu'en arrière. Il est généralement post traumatique et correspond à un arrachement au niveau du cou. Parfois il est provoqué par une contracture des muscles scalènes. De façon exceptionnelle chez l'adulte, mais fréquente chez l'enfant, il fait partie du syndrome d'Erb-Duchenne qui associe une paralysie des muscles de l'épaule. Pour les puristes le terme de syndrome d'Erb doit être réservé aux traumatismes obstétricaux. C'est de l'intégrisme qui n'a aucun intérêt pratique.
3b : Syndrome du tronc moyen : quasi identique au précédent sauf que les douleurs ne se manifestent que sur le bord externe jusqu'au pouce. Les causes sont identiques.
3c : Syndrome du tronc inférieur : Celui-là vous le connaissez ! C'est celui qu'on a vu dans le syndrome de Pancoast-Tobias avec une atteinte da la face interne du bras et la partie latéral haute du thorax. En dehors des lésions cancéreuses de l'apex pulmonaire, les atteintes claviculaires (cal osseux après fracture par exemple) peuvent aussi se voir. Il est également atteint dans le Syndrome de Klumpke, ou Déjerine Klumpke dont la forme complète associe aussi une paralysie des muscles intrinsèques de la main. Sinon, histoire d'entretenir sa culture générale, sachez que le syndrome de Déjerine-Klumpke est nommé d'après Augusta Déjerine-Klumpke, une des première femme neuroanatomiste. Son époux, Joseph Jules Déjerine était également neuro anatomiste, mais spécialisé dans le cerveau, et n'a rien à voir avec ce syndrome.
3d : Syndrome du faisceau latéral : alors celui-là je le cite pour faire savant, non seulement c'est rare mais il est au niveau sensitif quasi identique au syndrome du tronc supérieur. Les causes sont principalement traumatiques.
3e: Syndrome du faisceau postérieur : encore plus rare, il donne des douleurs et sensations anormales au niveau d'une bande qui va de la partie basse du bras au pouce. Comme il est un poil pervers, parfois il ne donne des sensations bizarres que dans le bras et le pouce, sans toucher l'avant-bras. C'est un pervers vous dis-je. Les causes sont principalement traumatiques.
3f : syndrome du faisceau médial : tout aussi rare et pervers que le précédent avec territoire en miroir su la face interne du bras.
3g : syndrome du défilé : c'est le plus important à connaitre ! C'est souvent un piège qui mène à des explorations inutiles. Et rien que pour être pénible, il comporte plusieurs versions ! Leur point commun est de provoquer des douleurs ou des sensations anormales dans un ou plusieurs des territoires suivants :
Les étiologies sont variables :
4 - Douleurs et sensations projetées des branches terminales des nerfs spinaux brachiaux.
En fait sans le savoir, vous les connaissez presque toutes. Les branches terminales du plexus sont essentiellement 5 nerfs issus des faisceaux (dont vous avez déjà oublié le nom, inutile de nier) :
4a : le syndrome de médian au carpe (ou syndrome du canal carpien) avec des douleurs projetées sur la face palmaire des 4 premiers doigts de la main. L'étiologie la plus fréquente est la compression du nerf médian par le ligament annulaire antérieur du carpe.
4b : le syndrome du canal de guyon avec des douleurs projetées dans les deux derniers doigts de la main. L'étiologie la plus fréquente est la compression de la partie distale du nerf ulnaire dans le canal de Guyon (bord latéral de la main).
4c : le syndrome de l'ulnaire au coude (bon en vrai personne n'utilise ce terme et on parle de syndrome du cubital au coude). La douleur est dans les deux derniers de la main, parfois sur le bord inférieur interne de l'avant-bras. Tout traumatisme du coude peut provoquer.
4d : le syndrome du nerf musculo cutané soit par compression dans sa traversée du muscle coraco brachial soit dans sa traversée du biceps. Bon. Voilà. On ne va pas se mentir : c'est ultra rarissime. La douleur se situe sur le bord externe de l'avant-bras entre la main et le coude.
4e : le syndrome du nerf axillaire dans l'espace quadrilatère de Velpeau. Alors là on n'est pas dans le rare, on est dans l'extraordinaire. C'est tellement rare que la première description de ce syndrome date de 1983 ! C'est la compression du nerf par les deux muscles ronds du bras, du triceps et de l'humérus et ça se manifeste par des douleurs dans un territoire mal limité sur la face est extérieure du milieu du bras.
4f : le syndrome du radial au coude. Un peu plus fréquent que les deux précédents. L'anatomie de ce nerf est pénible et en plus il se divise en deux branches, l'une purement sensitive et l'une motrice (le nerf interosseux postérieur). Le seul intérêt de connaitre cette subtilité c'est que selon que la douleur s'associe ou non à une atteinte motrice des doigts, la compression du nerf se situe en aval ou en amont de cette division en deux branches. Le point de compression le plus fréquent est le tunnel radial situé globalement à côté de l'humérus au contact du muscle supinateur. Il est donc plus souvent atteint chez les individus qui font des mouvements de supination de bras (rotation externe), c’est-à-dire les sportifs (tennis surtout). La douleur projetée se situe sur une large bande postérieure prenant tout le bras, une fine bandelette de l'avant-bras les quatre premiers doigts de la main (sauf les dernières phalanges). Au niveau de la main il est donc le verso du territoire du médian. Sur la face antérieure, le radial ne projette ses douleurs que sur la partie externe du bras, sous le biceps.
De façon inappropriée, toutes ces douleurs et sensations anormales que l'on vient de voir dans le chapitre 3 et 4 forment le vaste ensemble un peu flou des névralgies cervico brachiales. Il serait plus logique de réserver ce terme aux seuls douleur provoquées par les hernies discales cervicales sur le modèle des sciatiques par hernie discales, mais on n'est pas là divaguer sur la logique des excès linguistiques du technoblabla médical.
Maintenant qu'on s'est bien amusés avec le membre supérieur, on va passer au membre inférieur.
Mais on va changer de technique. Pour le plexus cervical et brachial j'ai essayé d'être relativement exhaustif. Pour les plexus lombaires, sacrés et honteux, on va alléger les choses, essentiellement parce que ces zones sont bien moins explorées (et explorable).
L'ensemble des trois plexus forment avec leur 10 racines 11 nerfs. 9a peut sembler beaucoup. Mais contrairement à ce qui précède il n'a quasiment pas de syndrome d'atteinte des plexus en eux-mêmes et ces 11 nerfs ont des trajets assez simples, ce qui limite le nombre de lésions sur leurs trajets qui pourraient induire des douleurs projetées.
Pour la forme ou pour vous faire peur (c'est important la peur, ça provoque des décharges d'adrénaline qui augmentent la vigilance) voici la liste des 11 nerfs et les racines vers lesquelles il transmettent les informations sensitives. Et pour chaque nerf, les principales douleurs projetées et leur étiologie.
On va donc pouvoir tout regrouper en un point 5 que voici :
5 - Douleurs et sensations projetées des plexus inférieurs et de leurs branches :
5a : le syndrome du sciatique (ou plus communément : La sciatique). On ne va peut-être pas y passer des heures, rappelez-vous juste que le nerf sciatique est un très gros nerf et que selon que l'atteinte (en générale une hernie discale) touche la racine L5 ou S1, la douleur se projette dans la fesse, la cuisse puis le gros orteil (L5) ou le petit orteil (S1).
5b : le syndrome glutéal profond (ou fessier profond ou syndrome du piriforme, ou syndrome du pyramidal). Il correspond aux atteintes du nerf sciatique qui ne sont pas d'origine disco vertébrale. Les agresseurs du nerf peuvent être :
Ce syndrome est fréquent, mal connu, peu enseigné, et le diagnostic nécessite tout un savoir-faire qui en général nécessite l'avis d'un rhumatologue ou un orthopédiste. Si ce sujet vous intéresse, voici un article pas mal fait, avec des vidéos : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4718497/
5c : les syndromes des nerfs ilio hypogastriques et ilo inguinal. Rare (comme peu près tout ce qui va suivre). Ils se manifestent par des douleurs :
5e : syndrome du nerf obturateur. Douleur, mais plus souvent sensation bizarre de gêne sur toute la face interne de la cuisse du pubis au genou. La cause la plus fréquente est l'irritation de la branche antérieure du nerf par les muscles adducteurs.
5f : le syndrome pudendal (ou honteux, ou syndrome d'Alcock). Douleur pelvienne, souvent chronique, majorée par la position assisse liée à la compression du nerf par le muscle piriforme ou le muscle obturateur. Il est vicieux parce que le territoire de projection peut-être purement pubien, ou purement fessier, ou purement coccygien ou dans les cas le plus retors, ne se manifester sue par un prurit.
5g : la névralgie clunéale par atteinte des branches du glutéal inférieur (que j'ai découvert en rédigeant ce texte). Elle se manifeste par des douleurs du scrotum, des grandes lèvres ou de la marge anale, parfois le pénis, la vulve ou la face extérieure de la cuisse. La cause la plus fréquente est une compression vers l'ischion. Selon les Nantais, et puisque les douleurs du syndrome clunéal sont quasi identiques à celle du syndrome pudendal, le fait que la position assise sur du mou provoque la douleur est en faveur d'une atteinte pudendal, et le fait que la position assise sur du dur provoque la douleur est en faveur d'une atteinte clunéale.
Et nous voilà débarrassés de ce que cette phrase rédigée il y a des paragraphes et des paragraphes plus haut disait … je vous sent paumés alors la revoici :
6. Douleurs et sensations projetées du thalamus. C'est le syndrome de Déjerine-Roussy (cette fois c'est Jule Déjerine et pas Augusta Déjerine). Il correspond à des douleurs très complexes (les patients n'ont pas de mots pour les décrire et font du mieux qu'ils peuvent avec des analogies élaborées comme :'c'est un feu de flocons de neige qui coule vers le haut"). Elles sont provoquées par une lésion du thalamus (souvent après un AVC) et son perçues dans tout l'hémicorps contro latéral au thalamus lésé.
7. Sensations projetées du cortex sensitif. Vous aurez noté la disparition du mot douleur parce que les voies de la douleur s'arrêtent au thalamus. Mais sinon les symptômes sont identiques aux précédents. C'est ce que les patients avec une SEP est une lésion sous cortical du cortex sensitif, ou les patients épileptiques décrivent comme des toiles d'araignées, des pattes de chats qui grimpent ou d'autre métaphores. Ces sensations peuvent se projeter dans tout ou partie d'un hémicorps et peuvent donner le change avec à peu près tout ce qu'on vient et devoir (sauf la douleur, j'insiste là -dessus).
Voilà, on a terminé.
Pour ceux qui n'ont pas encore le cerveau qui s'écoule mollement (et de façon un peu sale il faut bien le dire) par les narines, et qui seraient déçu de cette longue liste sans schéma ni proposition thérapeutique, rassurez-vous, c'est prévu, mais dans un avenir à la proximité indéfinissable.
Le système sensitif véhicule de l'information de la périphérie vers le centre. Comme je suis paresseux, voici un copié collé de ce que j'ai écrit dans un autre billet sur les différentes structures impliqués :
- Un récepteur périphérique (pour le tact, pour la température ou pour la douleur)
- Un bout de nerf, dit périphérique, qui va de ce récepteur jusqu'au système nerveux central.
- Une structure (souvent un noyau) qui fait le relais entre ce nerf périphérique, et les fibres nerveuses centrales.
- Un bout de fibre nerveuses centrales plus ou moins longues dont une partie décusse (c’est-à-dire qui change de coté en franchissant la ligne médiane - en gros ça passe de gauche à droite ou vice versa).
- Une structure (là encore, le plus souvent un noyau) dans le thalamus qui fait le lien avec une troisième série de fibres nerveuses à destinée du cortex.
- Les troisièmes fibres dont je viens de vous parler.
- Et le cortex lui-même, au sein duquel il existe un ou plusieurs groupes de neurones reliés entre eux par des réseaux propres, et qui analysent le signal qui a voyagé et a été modifié par toutes les structures sous-jacentes, afin d'en faire une information exploitable.
Illustrons ça avec une illustration illustrante : vous avez (c'est une affirmation) des récepteurs au tact dans la pulpe de votre pouce gauche. Chacun de ces récepteurs est relié via une fibre nerveuse unique à un noyau du bulbe rachidien (noyau de Goll pour le membre inférieur, noyau de Burdach pour le thorax, le membre supérieur et le cou), via un nerf périphérique et un faisceau médullaire. Quand le noyau de Burdach reçoit le signal de la fibre venant du pouce, il se comporte comme si le pouce avait été touché et transmet cette information au thalamus qui lui-même la transmettra au cortex. Si un petit malin venait exciter cette fibre unique qui va du pouce au noyau n'importe où sur son trajet, le noyau n'y verrait que du feu et penserait que c'est quand même le pouce qui a été touché. Il en est de même pour le thalamus ou le cortex : si vous stimulez la fibre correspondant au pouce, entre le thalamus et le cortex, le cortex réagira comme si c'est le pouce qui avait été touché, sans pouvoir comprendre que le signal a été trafiqué.
Pour vous illustrer ça de façon encore plus claire, dans un des épisodes de la saison de 3 de Games of Thrones, Ramsay Snow torture Theon Grejoy (comme dans la saison 4, 5 et 6 d'ailleurs) en lu titillant de la pointe de son couteau un fibre du pouce. Theon a beau voir qu'il ne se passe rien de grave, son cerveau lui dit que la douleur est atroce. Son cerveau est persuadé qu'un truc horrible se passe au bout de son doigt et c'est Theon lui-même qui demande à Ramsay de lui couper le doigt plutôt que de continuer à souffrir de la sorte. Ce que cette scène illustre, c'est que pour le cortex sensitif il n'y a pas de critique possible. S'il sent qu'on lui bouffe le pouce, c'est qu'on lui bouffe le pouce.
[aparté numéro 1] c'est à ce moment-là que je suis généralement interrompu par quelqu'un dans la salle pour me dire : "Hey ! dis donc ! (Enfin la dernier fois que quelqu'un m'a alpagué par un :"Hey !" suivi d'un : "Dis-donc !" en plein amphi, il y'a eu du sang sur les murs) ; mais peu importe, on en était à :"Hey ! Dis-donc ! Qffwffq, et les militaires qui supportent la douleur dans les films ? Et les yogis qui fument sous les cascades d'eau gelée ? Et les patients à qui on coupe les cheveux sous hypnose ? Pourquoi ils ont pas mal ? ". La réponse est : parce que leur cortex sensitif a hyper mal quand même, mais que lorsqu'il le dit au cortex frontal, ce dernier s'en tape. Le cortex sensitif ne peut pas ignorer une information ni envisager la possibilité qu'elle ait été altérée. Seul le frontal le peut.Résumons-nous : le système n'a aucune protection contre le piratage ou contre les pannes ce qui peut-entraîner un nombre extraordinairement grand d'erreurs de compréhension.
Avant d'aller plus loin on va passer à un exemple très concret. Ça peut vous sembler illogique que je ne termine pas la partie théorique avant de passer à la partie pratique, mais vous verrez qu'il est plus facile de partir d'un cas concret et d'en modifier les paramètres pour envisager toutes les situations, que de vous farcir la tête de données anatomiques abstraites.
On va donc prendre le cas très très concret du téton gauche. Pas le sein, pas la poitrine, pas le droit, mais le téton gauche. Le téton gauche est une zone cutanée de taille variable, présente chez les femmes et les hommes. C'est une région riche en récepteurs multiples dont des récepteurs à la douleur et au tact plus nombreux qu'ailleurs. Ces récepteurs sont reliés au noyau de Burdach par des fibres nerveuses qui, du téton à la moelle épinière, voyagent au sein du nerf spinal thoracique ("spinal thoracique" c'est son nom) T4 gauche, et dans la moelle, au sein du faisceau lemniscal dorso latéral cunéiforme. Le nerf spinal thoracique T4 gauche débute son trajet vers le milieu du thorax, contourne le thorax d'avant en arrière par la gauche, et se termine un peu avant d’entrer dans la moelle, où il laisse la place à une racine médullaire qui se situe entre la vertèbre T4 et la vertèbre T5. Petit terme de sémiologie : l'ensemble du territoire sensitif qui est relié à la moelle par un nerf spinal, forme le "dermatome" de ce nerf. On peut ainsi dire que le téton gauche est inclus dans le dermatome du nerf spinal thoracique T4 gauche.
Si on vous tape ou que l'on vous touche le téton gauche, cette information va parcourir les deux structures que je viens de vous décrire, puis, via la thalamus droit (oui ça change de coté au passage), va parvenir à votre cortex sensitif droit. Le cortex va donc savoir que votre téton gauche a été touché et/ou a eu mal, et en informer votre lobe frontal. Et c'est là, et uniquement là, que vous saurez qu'on vous a touché (ou tapé).
Ça, c'est le fonctionnement normal.
Maintenant, imaginons que vous fassiez une mauvaise chute. Vous vous écrabouillez une partie de la racine T4. Un morceau de la vertèbre T4 va venir au contact de la racine nerveuse sensitive gauche et l'irriter. Et comme vous n'avez pas de chance, le point exact où ce fragment osseux touche la racine, correspond au passage de la fibre nerveuse qui vient du téton. On est bien d'accord que le nerf spinal thoracique T4 gauche n'a rien. C'est juste la racine qui est irritée en un point particulier. Cette racine irritée va émettre un signal qui va dire : "Houhou on m'a touché et j'ai mal" dans toutes les directions. Toutes les directions ça veut dire que ce signal va aller dans le mauvais sens (on dit "antidromique") vers le téton gauche via le nerf spinal thoracique gauche, et dans le bon sens (on dit "orthodromique") vers la moelle. Le téton s'en tape. Il est pas là pour analyser quoi que ce soit, donc ce signal ne sert à rien. En revanche la moelle va faire son boulot et va transmettre le message au noyau de Burdach. Le noyau n'a aucun moyen de savoir que ce message vient spécifiquement la racine blessée et va le traiter comme s'il venait du téton. C'est donc cette information erronée qui va être transmise à votre conscience via le thalamus et le cortex sensitif. Dans cet exemple particulier vous allez donc avoir mal au téton gauche, vous allez sentir qu'on vous touche le téton gauche, alors que votre téton n'a rien, et que ce qui vous fait mal c'est un bout de vertèbre situé dans le dos.
Ça, cette douleur et cette sensation que vous ressentez comme réelles mais au mauvais endroit, c'est ce qu'on appelle une douleur projetée.
Maintenant que vous avez compris (je l'espère) ce cas simple, on va compliquer un peu en reprenant la neuroanatomie et la neurophysiologie. Juste avant de passer à l'exemple concret précédent, j'ai écrit : "le système n'a aucune protection contre le piratage ou contre les pannes ce qui peut-entrainer un nombre extraordinairement grand d'erreurs de compréhension". L'exemple en lui-même montre ce qui se passe dans l'hypothèse d'une panne. Mais qu'est-ce que le : "piratage" ?
Le piratage consisterait à volontairement tromper le système sensitif. Il faudrait imaginer une situation où les récepteurs de votre téton gauche fonctionnent bien, de même que les fibres nerveuses dans le nerf spinal thoracique T4 gauche, mais que quelque chose viendrait se brancher en dérivation sur ce nerf, et envoyer des signaux mimant une douleur ou un contact cutané, vers la racine sensitive. Tout comme tout à l'heure, la racine puis la moelle ainsi que toutes les structures jusqu'au cortex serait abusées, et vous auriez conscience d'une douleur ou d’un contact cutané au niveau de votre téton alors qu'il ne s'y passe rien.
Ce scenario qui a l'air un peu sorti d'un mauvais roman de SF, correspond très exactement à ce qui se passe à plusieurs endroits du système nerveux sensitif. Pour ceux qui ne connaissent pas ce blog, c'est le moment ou jamais de lire une série d'articles consacrés au système nerveux autonome http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2014/07/systeme-nerveux-autonome-i-of-men-and.html. C'est le troisième système nerveux présents dans notre corps en plus du système nerveux périphérique et du système nerveux central. Pour ceux qui ont la flemme de lire les articles qui lui sont consacrés, voilà un très bref résumé, juste suffisant pour comprendre la suite de cet article-ci.
Contrairement à ce que le terme "troisième" système nerveux pourrait suggérer, il est historiquement le premier. Il est apparu chez les méduses. C'est le système nerveux qui fait fonctionner le corps, indépendamment de votre volonté (exemple typique : si vous retenez volontairement votre respiration, le système nerveux autonome vous forcera à inspirer, que vous le vouliez ou non, lorsque certains seuils de sécurité auront été franchis). C'est ce système qui régule vos intestins, votre cœur, mais aussi votre foie, votre pancréas, votre vessie ou même votre peau (la transpiration qui coule et les poils qui se hérissent ne le font que parce qu'il décide le faire). Ce système nerveux autonome utilise des structures anatomiques qui lui sont propres. Mais il est accolé au système nerveux périphérique, et à certains endroits il se branche dessus, afin d'être informé de ce qui se passe par ailleurs. Ces endroits où il est en contact avec le système nerveux périphérique sont trop nombreux pour être détaillés ici, mais retenez que pour ce qui nous intéresse, ces endroits se présentent comme des lieux où le système nerveux autonome vient pirater le système nerveux périphérique.
Pour donner du concret à ce que je viens de vous raconter, revenons à notre cas très très concret du téton gauche. Je vous ai dit que le nerf spinal thoracique T4 gauche se terminait sur la racine postérieure droite de la moelle qui relaie les informations du territoire T4 gauche. Au niveau de cette racine postérieure, le système nerveux autonome vient se brancher sur les fibres sensitives. Pour être encore plus précis, la partie du système nerveux autonome qui innerve le cœur et le péricarde, projette une fibre sur la racine postérieur T4 gauche (et pas droit, et pas T5). Quand quelque chose d'anormal se passe au niveau du cœur, disons, au hasard, un infarctus, cette fibre autonome va envoyer un signal de détresse à la racine. Tout comme tout à l'heure, la racine est incapable de savoir que ce signal vient du cœur plutôt que de votre téton, et va traiter ce signal comme s'il venait du téton. La racine puis la moelle ainsi que toutes les structures jusqu'au cortex sont ainsi abusées, et vous avez conscience d'une douleur ou d’un contact cutané au niveau de votre téton alors qu'il ne s'y passe rien. Bref, quand lors d'un infarctus du myocarde vous avez mal dans le téton gauche, ou plus diffusent dans la poitrine à gauche, vous n'avez pas réellement mal dans la poitrine, vous n'avez pas réellement mal dans le cœur (qui en lui-même est indolore), mais vous percevez le signal que vous envoie le système nerveux autonome pour vous dire que quelque chose ne va pas avec votre cœur. Et par défaut, vous percevez ça dans le dermatome T4 droit.
[aparté numéro 2 ] c'est à ce moment-là que je suis généralement interrompu par quelqu'un dans la salle pour me dire (tout en regardant le sang encore frais du précèdent illuminé qui m'avait interrompu quelques minutes plus tôt) : "Mais, n'auriez-vous pas peut-être, si vous me permettez de vous le faire remarquer, tendance à romancer les choses ? Dire que la douleur d'un infarctus, que l'on ressent à droite au niveau de la poitrine, n'a rien à voir avec la localisation du cœur, alors que justement celui-ci est à droite dans la poitrine, me semble un peu audacieux". Et là, comme c'est gentiment demandé, je réponds :"pas du tout". Et j'en veux pour exemple le diaphragme. Le diaphragme c'est ce gros muscle rond et plat situé sous les poumons et sous le cœur, qui sépare le thorax de l'abdomen et accessoirement permet de respirer. Eh bien quand vous avez une lésion diaphragmatique, la douleur peut être perçue au niveau de l'épaule et de la clavicule. Et à part peut-être chez le marsouin qui s'est pris un tanker dans les nasaux, le diaphragme n'est jamais situé au-dessus de la clavicule. Donc non, il n'y a pas de lien direct entre les douleurs projetées par le système nerveux autonome et la localisation réelle de l'organe qui se manifeste de la sorte.Résumons-nous. Pour l'instant on a vu deux types de douleurs projetées : celles directement liées à une lésion du nerf spinal et celles liées à un piratage de celui-ci par un nerf du système nerveux autonome. On le verra plus tard, il en existe deux autres (soit quatre au total).
Je vous propose de garder les deux derniers pour la fin, car bien que très exotiques, ils sont très rares et ne sont à découvrir que pour briller en société.
On va donc, maintenant qu'on a les bases, voir syndrome par syndrome, les différentes douleurs et sensations projetées. L'idée est que devant ces manifestations cliniques vous pensiez à rechercher la cause ailleurs que là où le patient vous dit qu'il a mal ou qu'il ressent des trucs bizarres.
Et là, alors que vous pensiez qu'on allait enfin se lancer dans le concret, vous allez voir qu'on va se heurter à une nouvelle difficulté : comment classer ces syndromes. La logique voudrait qu'on parte d'une extrémité (la tête ou les pieds) et qu'on descende (ou que l'on monte). Mais ça ça ne va pas être possible. Ça ne va pas être possible car contrairement au thorax et à l'abdomen où les nerfs spinaux sont gentiment disposés de part et d'autre de la moelle, au niveau des extrémités du corps, l'anatomie est beaucoup plus complexe. Si on part de la tête, les nerfs spinaux, ne sont pas spinaux. Ils ne vont pas du récepteur à la moelle mais du récepteur au tronc cérébral. Du coup on les nomme "nerfs crâniens". Au-delà de ce changement de nom, ces nerfs ont la fâcheuse tendance à se regrouper ou se diviser entre le récepteur et le tronc en formant des réseaux complexes. En dessous des nerfs crâniens, on trouve les premiers nerfs spinaux. Et là encore ça reste compliqué. Les nerfs spinaux C2 C3 C4, puis les nerfs spinaux C4 à T1 forment eux aussi des réseaux entre eux. Le réseau formé par les trois premiers est le plexus cervical, celui formé par les six suivants est le plexus brachial. De T1 à T12 ont retombe sur nos pattes. Ça redevient compliqué sous T12 avec le plexus lombaire (T12 à L4), le plexus sacré (L5 à S4) et le plexus honteux (S2 à S4). Vous voyiez qu'on termine en beauté avec non seulement des plexus, mais des plexus qui se superposent.
Pour pallier cette difficulté, on va classer les syndromes en commençant par les nerfs spinaux thoraciques et lombaires hors plexus, puis en décrivant les syndromes liés aux plexus cervical, brachial, lombaire, sacré et honteux.
1 - Douleurs et sensations projetées des nerfs spinaux thoraciques et abdominaux T1 à L1, et douleurs projetées du système nerveux autonome associées.
1a : Syndrome lésionnel simple. C'est celui qu'on a vu dans l'exemple avec le téton. Le nerf spinal thoracique ou abdominal est lésé en un point de son parcours (le plus souvent au niveau de son arrivée dans la moelle lors du passage entre les deux vertèbres), et cela provoque une douleur ou une sensation anormale plus ou moins étendue à tout ou partie du dermatome de ce nerf. Une hernie discale T8 gauche va provoquer une douleur où des sensations anormales en hémi ceinture gauche dans tout ou partie de dermatome T8 gauche. C'est un cas ultra facile, il n'y a pas grand-chose à rajouter.
1b : Syndrome de Tietze. C'est un cas particulier du précédent. Il correspond à la lésion ou l'irritation du nerf spinal thoracique T6 (parfois T5, parfois T7) gauche par le cartilage costal situé entre le sternum et la côte. Si dans l'immense majorité des cas, la douleur se situé pile en regard du lieu de conflit (et donc n'est pas réellement une douleur projetée), elle peut diffuser dans tout le dermatome. L'origine étant mécanique, cette douleur peut varier avec les mouvements volontaires, mais aussi avec les mouvements involontaires endo thoraciques ou les mouvements de la partie haute du diaphragme. Du coup cette douleur est souvent confondue avec une douleur d'origine cardiaques (avec des explorations cardiaques plus ou moins invasives pour en faire le diagnostic), ou avec des douleurs d'origine digestive (avec tout autant d'explorations, voire des traitements par IPP inutiles). Le diagnostic de certitude est difficile et non consensuel. Certains disent que la manœuvre consistant à se placer à la tête du patient (lui-même étant allongé) et soulever la cage thoracique en la crochetant sous les côtes pour diminuer les douleurs, est sensible et spécifique (mais sans données chiffrées). D'autres disent que seule une infiltration de LIDOCAINE fait le diagnostic. En tout cas il est nécessaire le faire pour éviter les investigations cardiaques et digestives inutiles.
1c : Syndrome viscéraux. C'est l'ensemble des douleurs (le plus souvent, mais parfois simple sensations désagréables) projetées par les viscères dans un dermatome de nerf spinal. On a de haut en bas :
Les poumons (ou, pour être précis, la plèvre) dont la partie supérieure se projette en T1 et C8. (C'est un des éléments du syndrome de Pancoast-Tobias avec la lyse osseuse des deux premiers arcs costaux, le syndrome de Claude Bernard Horner à droite et les troubles du rythme cardiaque. Il traduit presque systématiquement une lésion cancéreuse de l'apex pulmonaire). Les atteintes pleurales médianes peuvent donner des douleurs dans le même territoire que le diaphragme ou le cœur (voir ci-dessous).
- Le diaphragme qui se projette au-dessus de la clavicule et jusque dans l'épaule dans un territoire C4 (moignon de l'épaule).
- La vésicule biliaire qui se projette vers la pointe de l'omoplate gauche dans un territoire T2 T3 gauche.
- Le pancréas qui peut se projeter à peu près n'importe où en T2 T3 T4
- Le cœur et le péricarde en T3 T4 à gauche. Parfois le territoire T1 (la douleur dans le bras) et le trijumeau ! (D’où la douleur dans la mâchoire).
- L'œsophage en T4 T5, pas nécessairement médian, parfois en hem ceinture. Il peut aussi, comme le péricarde, se projeter dans la mandibule et de façon exceptionnelle, dans l'épaule.
- L'estomac en T6 à T9 à gauche (soit bien plus bas que sa positon réelle). C'est souvent l'explication du fameux "point de côté".
- Le foie et sa capsule en T9 (soit très très bas par rapport à sa position).
- L'intestin grêle en T10 sur la ligne médiane (c'est pour ça que les enfants qui ont mal au ventre montrent une zone sous le nombril).
- Le colon (tout le colon) en T11 sur la ligne médiane.
- La vessie en T12 (c'est juste au-dessus du pubis)
- Les reins et les testicules en L1 parfois en hémi ceinture (c'est pour ça que les coliques néphrétiques font mal en bas alors que les reins sont en haut).
- Les ovaires dans un vaste zone allant de T11 à L1. L'utérus et le vagin ont des zones de projection quasi identiques mais moins systématisées, pouvant remonter jusqu’en T9 chez certaines femmes.
Vous trouverez d'autres exemples de douleurs liées au système nerveux autonome ici. http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2015/07/les-douleurs-sympathiques.html
2 - Douleurs et sensations projetées des nerfs spinaux cervicaux.
Là je vais tricher parce que j'ai déjà écrit un truc là-dessus dans ce billet : http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2015/03/cephalees-dites-darnold-et-autres.html. Vous verrez en quoi les névralgies de C2 et la fameuse nevralgie d'Arnold sont des douleurs projetées cervicales (d’où le terme impropre mais que tout le monde comprend, de sciatique de la tête). A ces douleurs C2 on peut rajouter des trucs plus complexes qui touchent les nerfs crâniens qui ont un trajet cervical.
2a - Les otalgies réflexes. C'est très compliqué. La sensibilité de la partie interne des oreilles et du tympan est assurée selon les régions par les paires crâniennes V, VII, X IX et par les nerfs spinaux cervicaux C2 et C3. Ceci a pour conséquence directe, qu'une otalgie peut témoigner d'une irritation dentaire (mandibule innervée par le V), le plancher buccal et les glandes salivaire (IX et X), l'oropharynx (via le XI), l'hypopharynx (via le X). Toute infection, néoplasie (en particulier de la langue, du larynx ou du pharynx) ou même dissection artérielle (carotidienne ou vertébrale) peut donc donner des otalgies.
2b - Les odynophagies. C'est les douleurs de la déglutition. Même cause que précédemment mais sans le V, le VII et C2, C3. On reste donc sur des lésions ORL basent ou digestives hautes.
Dans les deux cas, les reflux gastro œsophagiens peuvent simuler n'importer laquelle de ces deux douleurs.
3 - Douleurs et sensations projetées des nerfs spinaux brachiaux.
Alors si vous n'avez pas d'idée précise de ce qu'est le plexus brachial, vous pouvez soit jeter un coup d'œil à la série de dessins de cet article http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2014/03/le-plexus-brachial-le-truc-qui-fait.html, soit accepter le principe suivant : l'équivalent des nerfs spinaux thoraciques entre C5 et T1 forment un entrelacs immédiatement à proximité des racines médullaire. Ainsi, au lieu d'avoir 5 nerfs spinaux, on a un plexus qui mélange les fibres entre elles pour former 5 nerfs brachiaux principaux et plusieurs nerfs accessoires. Du coup, là où au niveau du thorax le nerf spinal thoracique T4 on n'a que les fibres T4, au niveau brachial, chaque nerf comporte un mélange plus ou moins importants de fibres correspondant à des racines différentes.
Et histoire de renforcer la migraine brutale qui vient de vous prendre derrière la nuque sans prévenir, avant de former ces nerfs brachiaux, les fibres s'associent sur de courtes distances en troncs primaires et secondaires. Je vais vous épargner les détails parce que pour ce qui nous intéresse, seul le résultat compte. Et ce résultat, c'est qu'au niveau brachial, contrairement au niveau thoracique, une lésion peut donner plusieurs symptômes douleurs dans territoires différents. Je vais tous vous les citer mais seul le syndrome du défilé (3g) est réellement utile à connaitre (en post mastectomie le syndrome éponyme). Pour simplifier on a :
- C5 et C6 qui forment le tronc supérieur
- C7 qui forme le tronc moyne
- C8 T1 qui froment le tronc inférieur
- C5 C6 C7 qui forment le faisceau latéral
- C5 C6 C7 C8 T1 qui forment le faisceau postérieur
- C8 T1 qui forment le faisceau médial
Soyons réalistes, si vous comprenez sans regarder les dessins, c'est que vous êtes un génie. Cliniquement l'atteinte de chacune de ces structures peut donner des douleurs projetées :
3a : Syndrome du tronc supérieur : il donne des douleurs de tous la partie externe du bras de l'épaule au 2e doit aussi bien en avant qu'en arrière. Il est généralement post traumatique et correspond à un arrachement au niveau du cou. Parfois il est provoqué par une contracture des muscles scalènes. De façon exceptionnelle chez l'adulte, mais fréquente chez l'enfant, il fait partie du syndrome d'Erb-Duchenne qui associe une paralysie des muscles de l'épaule. Pour les puristes le terme de syndrome d'Erb doit être réservé aux traumatismes obstétricaux. C'est de l'intégrisme qui n'a aucun intérêt pratique.
3b : Syndrome du tronc moyen : quasi identique au précédent sauf que les douleurs ne se manifestent que sur le bord externe jusqu'au pouce. Les causes sont identiques.
3c : Syndrome du tronc inférieur : Celui-là vous le connaissez ! C'est celui qu'on a vu dans le syndrome de Pancoast-Tobias avec une atteinte da la face interne du bras et la partie latéral haute du thorax. En dehors des lésions cancéreuses de l'apex pulmonaire, les atteintes claviculaires (cal osseux après fracture par exemple) peuvent aussi se voir. Il est également atteint dans le Syndrome de Klumpke, ou Déjerine Klumpke dont la forme complète associe aussi une paralysie des muscles intrinsèques de la main. Sinon, histoire d'entretenir sa culture générale, sachez que le syndrome de Déjerine-Klumpke est nommé d'après Augusta Déjerine-Klumpke, une des première femme neuroanatomiste. Son époux, Joseph Jules Déjerine était également neuro anatomiste, mais spécialisé dans le cerveau, et n'a rien à voir avec ce syndrome.
3d : Syndrome du faisceau latéral : alors celui-là je le cite pour faire savant, non seulement c'est rare mais il est au niveau sensitif quasi identique au syndrome du tronc supérieur. Les causes sont principalement traumatiques.
3e: Syndrome du faisceau postérieur : encore plus rare, il donne des douleurs et sensations anormales au niveau d'une bande qui va de la partie basse du bras au pouce. Comme il est un poil pervers, parfois il ne donne des sensations bizarres que dans le bras et le pouce, sans toucher l'avant-bras. C'est un pervers vous dis-je. Les causes sont principalement traumatiques.
3f : syndrome du faisceau médial : tout aussi rare et pervers que le précédent avec territoire en miroir su la face interne du bras.
3g : syndrome du défilé : c'est le plus important à connaitre ! C'est souvent un piège qui mène à des explorations inutiles. Et rien que pour être pénible, il comporte plusieurs versions ! Leur point commun est de provoquer des douleurs ou des sensations anormales dans un ou plusieurs des territoires suivants :
- Le bord postérieur de l'épaule (en regard du muscle sus épineux).
- Le bord interne de l'omoplate (donc une douleur dorsale).
- La face dorsale de l'épaule, du bras et de l'avant-bras jusqu'au pouce et l'index.
- La face antérieure de l'épaule et du bras (mais pas l'avant-bras).
- La face antérieure du poignet (au niveau du canal carpien).
- La partie haute de la poitrine soit au niveau du téton soit une peu de côté.
Les étiologies sont variables :
- Hypertrophie ou lésion des muscles scalènes du cou (pour les syndromes où la douleur prédomine dans l'épaule et l'omoplate).
- Hypertrophie ou lésion du muscle petit pectoral (pour les syndromes où la douleur prédomine dans le poignet et le thorax)
- Syndrome costo-claviculaire (ou syndrome d'Edens) où la clavicule et la première côte prennent en tenaille la partie inférieure du plexus brachial.
4 - Douleurs et sensations projetées des branches terminales des nerfs spinaux brachiaux.
En fait sans le savoir, vous les connaissez presque toutes. Les branches terminales du plexus sont essentiellement 5 nerfs issus des faisceaux (dont vous avez déjà oublié le nom, inutile de nier) :
- Le nerf musculo cutané contient des fibres C5 C6 C7.
- Le nerf axilaire contient des fibres C5 C6.
- Le nerf médian contient des fibres de toutes les racines.
- Le nerf radial aussi.
- Le nerf ulnaire contient des fibres C8 T1.
4a : le syndrome de médian au carpe (ou syndrome du canal carpien) avec des douleurs projetées sur la face palmaire des 4 premiers doigts de la main. L'étiologie la plus fréquente est la compression du nerf médian par le ligament annulaire antérieur du carpe.
4b : le syndrome du canal de guyon avec des douleurs projetées dans les deux derniers doigts de la main. L'étiologie la plus fréquente est la compression de la partie distale du nerf ulnaire dans le canal de Guyon (bord latéral de la main).
4c : le syndrome de l'ulnaire au coude (bon en vrai personne n'utilise ce terme et on parle de syndrome du cubital au coude). La douleur est dans les deux derniers de la main, parfois sur le bord inférieur interne de l'avant-bras. Tout traumatisme du coude peut provoquer.
4d : le syndrome du nerf musculo cutané soit par compression dans sa traversée du muscle coraco brachial soit dans sa traversée du biceps. Bon. Voilà. On ne va pas se mentir : c'est ultra rarissime. La douleur se situe sur le bord externe de l'avant-bras entre la main et le coude.
4e : le syndrome du nerf axillaire dans l'espace quadrilatère de Velpeau. Alors là on n'est pas dans le rare, on est dans l'extraordinaire. C'est tellement rare que la première description de ce syndrome date de 1983 ! C'est la compression du nerf par les deux muscles ronds du bras, du triceps et de l'humérus et ça se manifeste par des douleurs dans un territoire mal limité sur la face est extérieure du milieu du bras.
4f : le syndrome du radial au coude. Un peu plus fréquent que les deux précédents. L'anatomie de ce nerf est pénible et en plus il se divise en deux branches, l'une purement sensitive et l'une motrice (le nerf interosseux postérieur). Le seul intérêt de connaitre cette subtilité c'est que selon que la douleur s'associe ou non à une atteinte motrice des doigts, la compression du nerf se situe en aval ou en amont de cette division en deux branches. Le point de compression le plus fréquent est le tunnel radial situé globalement à côté de l'humérus au contact du muscle supinateur. Il est donc plus souvent atteint chez les individus qui font des mouvements de supination de bras (rotation externe), c’est-à-dire les sportifs (tennis surtout). La douleur projetée se situe sur une large bande postérieure prenant tout le bras, une fine bandelette de l'avant-bras les quatre premiers doigts de la main (sauf les dernières phalanges). Au niveau de la main il est donc le verso du territoire du médian. Sur la face antérieure, le radial ne projette ses douleurs que sur la partie externe du bras, sous le biceps.
De façon inappropriée, toutes ces douleurs et sensations anormales que l'on vient de voir dans le chapitre 3 et 4 forment le vaste ensemble un peu flou des névralgies cervico brachiales. Il serait plus logique de réserver ce terme aux seuls douleur provoquées par les hernies discales cervicales sur le modèle des sciatiques par hernie discales, mais on n'est pas là divaguer sur la logique des excès linguistiques du technoblabla médical.
Maintenant qu'on s'est bien amusés avec le membre supérieur, on va passer au membre inférieur.
Mais on va changer de technique. Pour le plexus cervical et brachial j'ai essayé d'être relativement exhaustif. Pour les plexus lombaires, sacrés et honteux, on va alléger les choses, essentiellement parce que ces zones sont bien moins explorées (et explorable).
L'ensemble des trois plexus forment avec leur 10 racines 11 nerfs. 9a peut sembler beaucoup. Mais contrairement à ce qui précède il n'a quasiment pas de syndrome d'atteinte des plexus en eux-mêmes et ces 11 nerfs ont des trajets assez simples, ce qui limite le nombre de lésions sur leurs trajets qui pourraient induire des douleurs projetées.
Pour la forme ou pour vous faire peur (c'est important la peur, ça provoque des décharges d'adrénaline qui augmentent la vigilance) voici la liste des 11 nerfs et les racines vers lesquelles il transmettent les informations sensitives. Et pour chaque nerf, les principales douleurs projetées et leur étiologie.
- Nerf ilio hypogastrique (T12 - L1)
- Nerf ilio inguinal (L1)
- Nerf cutané latéral de la cuisse (L1-L2)
- Nerf génito fémoral (L1-L2)
- Nerf fémoral (L2 - L3 - L4)
- Nerf obturateur (L2 - L3 -L4)
- Nerf glutéal supérieur (L5 - S1)
- Nerf sciatique (ou ischiatique) (L4 - L5 - S1 - S2)
- Nerf glutéal inférieur (S1 - S2)
- Nerf pudendal (S2 - S3 - S4)
- Nerf cutané postérieur de la cuisse (S1 -S2 -S3).
On va donc pouvoir tout regrouper en un point 5 que voici :
5 - Douleurs et sensations projetées des plexus inférieurs et de leurs branches :
5a : le syndrome du sciatique (ou plus communément : La sciatique). On ne va peut-être pas y passer des heures, rappelez-vous juste que le nerf sciatique est un très gros nerf et que selon que l'atteinte (en générale une hernie discale) touche la racine L5 ou S1, la douleur se projette dans la fesse, la cuisse puis le gros orteil (L5) ou le petit orteil (S1).
5b : le syndrome glutéal profond (ou fessier profond ou syndrome du piriforme, ou syndrome du pyramidal). Il correspond aux atteintes du nerf sciatique qui ne sont pas d'origine disco vertébrale. Les agresseurs du nerf peuvent être :
- Le muscle piriforme (ou pyramidal)
- Les muscles fessiers
- Les ischios jambiers
- Les muscles jumeaux
- Les bandes fibreuses contenant les vaisseaux
- Et évidemment n'importe quoi qui prend de la place dans le bassin comme un utérus gravide ou une tumeur.
Ce syndrome est fréquent, mal connu, peu enseigné, et le diagnostic nécessite tout un savoir-faire qui en général nécessite l'avis d'un rhumatologue ou un orthopédiste. Si ce sujet vous intéresse, voici un article pas mal fait, avec des vidéos : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4718497/
5c : les syndromes des nerfs ilio hypogastriques et ilo inguinal. Rare (comme peu près tout ce qui va suivre). Ils se manifestent par des douleurs :
- du trochanter diffusant vers la parie antérieur latérale de la cuisse (nerf ilio hypogastrique entrappé par l'aponévrose du muscle oblique interne).
- du creux inguinal (plutôt en haut en dehors pour l'ilio hypogastrique et plutôt en dedans en bas voir en sus pubien pour l'ilio fémoral) lors d'un entrappement dans la paroi abdominale.
- au niveau inguino-scrotal par irritation des branches génitales dans les aponévroses péri pubiennes.
5e : syndrome du nerf obturateur. Douleur, mais plus souvent sensation bizarre de gêne sur toute la face interne de la cuisse du pubis au genou. La cause la plus fréquente est l'irritation de la branche antérieure du nerf par les muscles adducteurs.
5f : le syndrome pudendal (ou honteux, ou syndrome d'Alcock). Douleur pelvienne, souvent chronique, majorée par la position assisse liée à la compression du nerf par le muscle piriforme ou le muscle obturateur. Il est vicieux parce que le territoire de projection peut-être purement pubien, ou purement fessier, ou purement coccygien ou dans les cas le plus retors, ne se manifester sue par un prurit.
5g : la névralgie clunéale par atteinte des branches du glutéal inférieur (que j'ai découvert en rédigeant ce texte). Elle se manifeste par des douleurs du scrotum, des grandes lèvres ou de la marge anale, parfois le pénis, la vulve ou la face extérieure de la cuisse. La cause la plus fréquente est une compression vers l'ischion. Selon les Nantais, et puisque les douleurs du syndrome clunéal sont quasi identiques à celle du syndrome pudendal, le fait que la position assise sur du mou provoque la douleur est en faveur d'une atteinte pudendal, et le fait que la position assise sur du dur provoque la douleur est en faveur d'une atteinte clunéale.
Et nous voilà débarrassés de ce que cette phrase rédigée il y a des paragraphes et des paragraphes plus haut disait … je vous sent paumés alors la revoici :
Résumons-nous. Pour l'instant on a vu deux types de douleurs projetées : celles directement liées à une lésion du nerf spinal et celles liées à un piratage de celui-ci par un nerf du système nerveux autonome. On le verra plus tard, il en existe deux autres (soit quatre au total).Ce qui sous-entend que le plus tard c'est maintenant. Mais là ça va aller très vite. Vraiment. Promis.
6. Douleurs et sensations projetées du thalamus. C'est le syndrome de Déjerine-Roussy (cette fois c'est Jule Déjerine et pas Augusta Déjerine). Il correspond à des douleurs très complexes (les patients n'ont pas de mots pour les décrire et font du mieux qu'ils peuvent avec des analogies élaborées comme :'c'est un feu de flocons de neige qui coule vers le haut"). Elles sont provoquées par une lésion du thalamus (souvent après un AVC) et son perçues dans tout l'hémicorps contro latéral au thalamus lésé.
7. Sensations projetées du cortex sensitif. Vous aurez noté la disparition du mot douleur parce que les voies de la douleur s'arrêtent au thalamus. Mais sinon les symptômes sont identiques aux précédents. C'est ce que les patients avec une SEP est une lésion sous cortical du cortex sensitif, ou les patients épileptiques décrivent comme des toiles d'araignées, des pattes de chats qui grimpent ou d'autre métaphores. Ces sensations peuvent se projeter dans tout ou partie d'un hémicorps et peuvent donner le change avec à peu près tout ce qu'on vient et devoir (sauf la douleur, j'insiste là -dessus).
Voilà, on a terminé.
Pour ceux qui n'ont pas encore le cerveau qui s'écoule mollement (et de façon un peu sale il faut bien le dire) par les narines, et qui seraient déçu de cette longue liste sans schéma ni proposition thérapeutique, rassurez-vous, c'est prévu, mais dans un avenir à la proximité indéfinissable.
Si vous voulez en savoir plus, regardez les collections suivantes :
Le système nerveux périphérique
Neuro Anatomie