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29.8.16

Neuro gériatrie II - Accidents vasculaires ischémiques


Ce billet fait partie d'une série consacrée à la gériatrie dont vous pouvez trouver les chapitres précédents ici :

Chapitre I - démence et mouvements.
http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2016/08/neuro-geriatrie-i-demences-et-mouvements.html

Ce chapitre s'intéresse aux AVC.


2.3 AVC ischémiques

2.3.1 Avant de commencer

Les accidents vasculaires cérébraux, chez le sujet âgé ou non, sont une anomalie en neurologie. La neurologie est la discipline à la complexité diagnostique inversement proportionnelle à la diversité thérapeutique. Les AVC en sont le parfait contre-exemple. Le diagnostic clinique mobilise un cinquantième de seconde d'esprit de neurologue (ce n'est pas une image, c'est la fréquence de l'horloge interne chez les humains, on ne peut pas aller plus vite), et dix minutes de temps de radiologue (le temps pour lui d'attendre que son IRM lui affiche ses séquences). La diversité thérapeutique est par contre foisonnante, ce qui permet à peu près à chacun de faire à peu près n'importe quoi. A cette diversité thérapeutique se greffe un facteur de confusion supplémentaire : les querelles byzantines des cardiologues pour savoir si telle nouvelle quadri association de molécules à l'utilité douteuse, est supérieure à leur utilisation séparée mais simultanée (et à l'utilité tout aussi douteuse). Pour le dire autrement la prévention secondaire des AVC ischémiques est devenue un chaos assez sauvage où il est difficile de faire le tri avec de l'EBM raisonnable.


Avant d'aller plus loin, une précision : je ne vais discuter ici que de la prévention secondaire, la prévention primaire n'étant pas spécifiquement neurologique (c'est celle des facteurs de risque cardiovasculaires en général), et les traitements aigus étant réservés aux UNV ou équivalents.

On attaque donc par les grands principes inscrits dans le manuel du parfait petit prescripteur, puis on va voir en détails les arguments pour ou contre chacune des propositions.

En théorie, après un AVC ischémique, soit vous en connaissez la cause athéromateuse ou cardio embolique soit vous l’ignorez (AVC cryptogénique), soit vous avez fait votre docteur House et trouvé une maladie auto-immuno-inflammatoire à composante variablement génétique pro thrombogéne.

Dans l'hypothèse d'une étiologie athéromateuse ou cryptogénique, l'ordonnance comporte en général :

- KARDEGIC (ACETYLSALICYLATE DE LYSINE) 160 mg
- TAHOR (ATORVASTATINE) 40 mg
- COVERSL (PERINDOPRIL) 5 mg
- FLUDEX (INDAPAMIDE)1,5mg

Avec selon une logique que l'on discutera plus tard, une association ou une substitution du KARDEGIC par du PLAVIX (CLOPIDOGREL) 75 mg.

Dans l'hypothèse d'une étiologie cardio-embolique, le KARDEGIC est remplacé par un AVK ou un anticoagulant de nouvelle génération (NAC), plus ou moins un traitement cardiologique de la pathologie cardiaque, et avec ou sans le maintien des traitements antihypertenseurs et hypolipémiants.

Et enfin dans la dernière hypothèse (celle avec de l’inflammation), le traitement comporte en général un peu tout, plus ou moins un traitement par immuno suppresseur ou par corticoïdes.

Comme vous le voyez ça fait beaucoup de possibilités. Le problème est que le bénéfice risque de ces traitements, ou de ces associations de traitements est, pour le dire gentiment, mal connu, et l'est encore plus chez les patients de plus de 80 ans.

2.3.2. Débutons par les AVC ischémiques avec une hypothèse d'étiologie athéromateuse.

2.3.2.1. Les antithrombotiques.

2.3.2.1.1. Le KARDEGIC (ACETYLSALICYLATE DE LYSINE).


On commence par le KARDEGIC qui est, si vous l'avez lu, de l'ACETYLSALICYLATE DE LYSINE, soit très exactement, quoique pas tout à fait de l'ASPIRINE. La différence est purement théorique, car l'acethylsal…. Se dissout instantanément au contact de l'eau pour donner de l'acide salicylique. C'est un des traitements les moins discutés mais vous allez voir qu'il y a plein de choses à en dire.

Si vous avez du temps, je vous conseille cette méta analyse (1) (open access) et celle-ci plus ancienne (accès payant) (2). Sinon voilà le résumé :

Six semaine après un AVC, le NNT de l'aspirine versus placebo pour prévenir une récidive ischémique (quelle qu'en soit la gravité) est de 64 (pour ceux qui n'ont pas l'habitude des NNT c'est un résultats assez moyen) et pour prévenir une récidive ischémique grave ou mortelle, le NNT est de 80. De façon générale, la diminution du risque relatif d'AVC n'est que de 13%.

Au-delà de ces résultats moyens, ce que montrent les autres données de ces meta analyses, c'est que l'efficacité de l'ASPIRINE est maximum pendant les 12 premières semaines suivant un AVC et qu'elle est quasi absente (l'efficacité) au-delà. Cette absence d'effet est également visible sur des paramètres plus fins comme la sévérité du handicap calculée par le score mRS (le RANKIN modifié) qui n'est pas moins sévère dans le groupe traité que dans le groupe non traité.

Que faut-il en retenir ? Que l'aspirine est surtout utile au début et très peu, voire pas du tout, après 3 mois. Cependant il ne faut pas aller trop vite en se disant par exemple :"ah ben si ça marche pas au-delà de 3 mois autant l'arrêter car le risque de saignement ou d'ulcère gastro duodénal lui reste présent". Il ne faut pas se dire ça, car, et c'est une subtilité statique, si les courbes ne divergent plus après 12 semaines, elles ne convergent pas non plus. Donc les patients gardent leur avantage initial sous ASPIRINE sans que l'on ne sache ce qu'il se passerait en cas d'arrêt. En plus le NNH (number needed to harm, l'anti NNT) est de 769 pour les saignements et de 833 pour le risque de saignement digestif. Autant dire que par rapport au bénéfice même modeste, ça ne compte pas.


Dernier point important, ces résultats sont indépendant de la dose d'ASPIRINE.<100mg ou="">

C'est en général à ce moment-là que surgissent de leur boite les amateurs du PLAVIX (CLOPIDOGREL) ou du….DIPYRIDAMOLE (avouez que vous l'aviez oublié celui-là). On va commencer par le deuxième car justement vous le connaissez moins alors que dans les pays anglo-saxons il est très largement utilisé.

2.3.2.1.2. Le DIPYRIDAMOLE.

Le DIPYRIDAMOLE est un antiagrégant plaquettaire non AINS. Il est également vasodilatateur ce qui entraîne des hypotensions, des bouffées de chaleur et des céphalées, et est contre indiqué dans les coronaropathies sévères. En France il est disponible seul (CLERIDIUM) mais n'a aucun intérêt, et en association avec de l'ASPIRINE sous la forme d’ASASANTINE, avec l'AMM "prévention de l'AVC après une AVC ou un AIT, lié à l’athérosclérose de moins de 3 mois". Cette association n'a aucune supériorité par rapport à l'ASPIRINE seule sur le risque de récurrence d'AVC à 12 semaines, aucune supériorité non plus sur la gravité de la récidive à 12 semaines, mais… a un tout petit effet bénéfique au-delà de trois mois sauf chez les patients de plus de 75.

Que retenir de ce médicament que vous aviez oublié car il n'est pas utilisé en France ? Que ce n'est pas par hasard qu'il n'est pas utilisé, puisqu'il ne sert presque à rien, et vraiment à rien chez les plus de 75 ans.

2.3.2.1.3. Le PLAVIX(CLOPIDOGREL).


Maintenant qu'on a parlé d'un truc à oublier, parlons du PLAVIX (CLOPIDOGREL). C'est aussi un antiagrégant plaquettaire non AINS, dont on oublie parfois qu'il n'est qu'une prodrogue nécessitant une double activation hépatique par des cytochromes du groupe p450 dont le CYP2C9 sur lequel vous pouvez faire une rechercher sur Google sur le nombre effarant de molécules qui modifient son activité. A supposer que votre CLOPIDOGREL soit correctement activé, il ne diminue que de 8,7% le risque relatif d'AVC par rapport à l'ASPIRINE, qui elle-même ne diminuait ce risque que de 13%. Ce que je vais écrire dans cette phrase va contraindre les statisticiens à se mettent en PLS tant le raccourci est énorme, mais 8,7% de 13% ça fait un gain de 1,13 % (amis statisticien ne le prenez pas au premier degré, c'est une image). Mais me direz-vous, ça vaut le coup si ça provoque moins d'effets secondaires (car ce n'est pas un AINS) ! Ce n'est pas faux, sauf que là encore le gain est modeste. Le risque de saignement en général est exactement le même, et la diminution du risque de saignement digestif n'est que de 0,12% en risque absolu, soit un NNT de 83. Et pour terminer sur le CLOPIDOGREL, l'association avec de l'ASPIRINE n'a aucun effet bénéfique supplémentaire par rapport à l'ASPIRINE seule, et augmente le risque absolu de saignement graves ou mortels de 1,3% soit un NNT de 76.

Que retenir de PLAVIX (CLOPIDOGREL) que son bénéfice à la place de l'ASPIRINE est très modeste, et que l'association est plus dangereuse qu'utile.

2.3.2.1.4. Les autres.

Et puisque nous sommes en 2016, vous trouverez toujours des petits malins pour vous poser des questions sur les antithrombotiques dont vous maîtrisez à peine l'orthographe comme l'ABCIXIMAB (REOPRO), le TRIFLUSAL (pas dispo en France) ou le TERUTROBAN (encore moins disponible). Soyons simple, ils ne servent à rien.

2.3.2.2. Les hypolipémiants (c’est-à-dire de facto les statines).

C'est une source de discussion à coups de masses cloutées entre les partisans, les opposants et les fatigués de voir ce sujet revenir chaque année. Alors on va reprendre ce que l'on sait en 2016.

D'abord un point important : s'il existe un lien statistique en entre le taux sanguin de LDL et le risque cardio vasculaire (on nous le répète depuis tout petits), il n'y a pas de lien prouvé entre le taux de quoi que ce soit de gras et le risque d'AVC. Je vais vous épargner toutes les énormes méta analyses qui ont cherché à établir un lien (pas de lien sur 13000 AVC en 1995, un lien faible en 2001 mais uniquement pour des taux de cholestérol supérieur à 2,2 grammes/litre…), mais la méta analyse la plus complète (4) (disponible en open access), montre que la réduction de 0,4 g/l du LDL diminue le risque relatif d'AVC thrombo embolique (c’est-à-dire qu'on ajoute les AVC d'origine cardiaque) de 15%, et encore, au prix d'une augmentation risque relatif d'AVC hémorragique de 19%... Si on tient compte de ces deux risques inverses, et que l'on considère que dans la population de plus de 60 ans, 76% des AVC sont cardio emboliques et 29% hémorragiques, le gain réel en termes de risque relatif de récidive d'AVC n'est plus que de 6% pour chaque réduction de 0,4 g/l de LDL. Si vous voulez plus de données, cette méta analyse en est truffée, mais retenons pour l'instant, que si bénéfice il y a, il est très modeste.

Maintenant, voyons le risque. Là vous risquez d'être un peu surpris. Sur des méta analyses (décrite dans le même article), le risque des effets secondaires non grave (myalgies, trouble digestifs etc…) n'est quasiment pas diffèrent du placebo et ne concerne au maximum que 2% des patients. Concernant les effets secondaires graves (essentiellement des rhabdomyolyses), il est quasiment impossible de trouver des résultats significatifs versus placebo.

Et puisque ce billet est orienté sur le sujet âgés, voyons l'évolution du bénéfice en fonction de l'âge. La baisse du LDL de 0,4 g/l, diminue le risque relatif cardio vasculaire global de 41% à 60 ans, à 31% à 70 ans. Et pour de valeurs moindres comme 0,24g/l, le risque global est diminué de 27% à 60 ans et 20% à 70 ans.

Résumons-nous, le bénéfice est à peine perceptible, mais le risque l'est tout autant. Et ce bénéfice diminue avec l'âge.

Du coup dernière question avant la discussion : une molécule parmi l'ATORVASTATINE (TAHOR), le FLUVOSTATINE (LESCOL), le PRAVASTATINE (ELISOR), la ROSUVASTATINE (CRESTOR) et la SIMVASTATINE (ZOCOR) est-elle plus efficace, et si ou à quelle dose ? La réponse est complexe, mais disons que l'ATORVASTATINE et la ROSUVASTATINE sortent du lot, et ce dès 40 mg (et à contrario la FLUVASTATINE et la PRAVASTATINE sont les moins bien classées).

Maintenant discutons.
  • Bénéfice très modeste sur la prévention de la récidive d'AVC ischémique
  • Risque faible sauf en cas d'antécédent d'AVC hémorragique (et d'infarctus lacunaire dans la RCP de l'ATORVASTATINE)
  • Risque à priori égal au bénéfice chez le sujet de plus de 70 ans (toujours dans la RCP de de l'ATORVASTATINE)
  • Deux molécules plus efficaces dont une (la ROSUVASTATINE) avec des limitations des modalités de prescriptions en France
  • Il nous reste plus que l'ATORVASTATINE d’où son utilisation massive en neuro.
Et puis il faut discuter des alternatives comme le régime alimentaire, en particulier chez le sujet âgé. Manger équilibré, au delà d'un certain âge c'est mauvais. Je n'ai aucune étude pour le prouver, mais je le constate tous les jours. Les nutritionnistes qui pensent qu'un sujet âgé de 80 ou 90 ans, qui mange du fromage et des œufs tous les jours depuis 50 ans, va se mettre aux carottes vapeurs avec leur sauce papaye citron, prennent de drogues dures (cet exemple est un issu d'un fait réel).

En pratique la science nous dit de traiter si et seulement si la tolérance est bonne, le risque important (c’est-à-dire un LDL au-delà de 2,2 grammes) et avec de l'ATORVASATINE (au moins 40mg) en faisant attention aux contre-indications. L'HAS rajoute qu'il faut un régime adapté. Personnellement, au-delà d'un certain âge, je pense qu'il est important de laisser les patients tranquilles avec les régimes qui finalement induisent surtout des dénutritions, et ne pas s'acharner avec les statines.

2.3.2.3. Les antihypertenseurs.

S'il y a bien un facteur de risque de récidive d'AVC, c'est l'HTA. Si vous voulez des données qui impressionnent, une méta analyse de plusieurs méta analyse portant sur 1 000 000 000 de personnes (!) montre qu'au delà de 115/75 mmHg, pour chaque gain de 20/10 mmHg, le risque cardio vasculaire (global) double (5) mais, et c'est là que c'est très rigolo, il y a très peu d'études qui ont prouvé que baisser la TA diminue le risque de récidive d'AVC. C’est étonnant mais voyons les détails de ces études pour avoir des données plus objectives.

Au début ça commence mal en 2000 avec le RAMIPRIL (TRIATEC) et son étude HOPE qui montre une diminution du risque relatif d'AVC ischémique de 17%....non significative.

Puis en 2001, une des études ayant induit le plus de contorsions de la part des PU français qui y ont participé : PROGRESS (6). Cette étude voulait montrer l'efficacité du PERINDOPRIL (COVERSYL). Un détail amusant et pas du tout anodin de cette étude est que les médecins pouvaient rajouter, si besoin, à leur guise, de l'INDAPAMIDE (FLUDEX). Après 4 ans de suivi, le baisse moyenne de TA était de 9/4 mmHg, avec une baisse de nombre d'AVC dans le groupé traité. La réduction du risque relatif était de 28%, soit une réduction du risque absolu de 3,7% et un NNT de 28 (pas énorme, mais toujours mieux que l'ASPIRINE…). Là où ça devient taquin (pour le labo), c'est que si on différencie le groupe traité par PERINDOPRIL seul et celui traité par PERINDOPRIL plus INDAPAMIDE…. Le risque relatif de récidive était réduit de 43%, le risque absolu de 6% avec un NNT de 17 dans le groupe bithérapie et…. N’était pas réduit de façon significative dans le groupe PERINDOPRIL. La nature est injuste, tu engouffres des sommes folles pour montrer que ton nouveau traitement est efficace, et c'est ta vieille molécule qui l'emporte. Je vous laisse maintenant imaginer les efforts de nage à la rame à contre-courant des promoteurs expliquant que l'INDAPAMIDE seul n'ayant pas été testé, il faut mettre par sécurité une bithérapie (voui voui). Et comme l'humour professoral ne s'arrête pas là, ils insistaient sur la nécessité de prescrire séparément les deux molécules alors qu'une association fixe existe (c'est le BIPRETERAX). Je vous laisse regarder le prix unitaire de la prise séparé versus la prise combinée pour vous faire votre idée.

Cependant rassurez-vous, en 2008, on est sorti du ridicule avec l'étude HYVET (…bon pas complètement sorti vu le nom mais tant pis). HYVET est une petite étude de rien du tout publiée dans un journal de médecine local de la nouvelle Angleterre (7)(accès libre). Et que nous dit HYVET ? Que dans une population de 3845 patients hypertendus de plus de 80 ans traités par de l'INDAPAMIDE avec ou sans PERINDORPIL (c'est l'étude inverse de PROGRESS), le groupe traité par INDAPAMIDE voyait son risque relatif de récidive baisser de 27%, son risque absolu de 16,3% avec un NNT de 7. HYVET montre aussi que l'adjonction de PERINDOPRIL ne change… rien. Petite modulation qui a son importance, un nombre important de patient a arrêté de se traiter avant la fin de l'étude.

Que faut-il en conclure jusqu'ici : le PERINDORPIL est inutile, l'INDAPAMIDE est efficace même et peut-être surtout chez les sujets âgés, mais dans tous les cas, l'observance est médiocre.

Continuons juste un peu sur les molécules plus récentes comme par exemple l'EPROSARTAN (TEVETEN) ou la NITRENDIPINE (BAYPRESS) pour dire que les résultats sont au mieux très modestes….

Que faut-il en retenir ? Si l'hypertension artérielle est un facteur de risque majeur, sa baisse ne permet pas d'annuler ce risque. Les molécules qui semblent avoir le plus d'efficacité sont l'INDAPAMIDE et…. Et selon votre confiance dans les études un I.E.C. (NB je n'ai pas évoqué les beta bloquants, leurs résultats sont mauvais).

Avant de passer à une autre classe, un petit paragraphe supplémentaire sur un cas particulier : les traitements anti hypertenseurs et les sténoses carotidiennes. On vient de voir que baisser la TA est une bonne chose dans certaines conditions, cependant, il est admis qu'en cas de sténoses vasculaire la TA doit être maintenue au-dessus de 140/90 mmHg (ces valeurs sont issues d'un consensus de 2003). On va faire court, sauf dans le cas particulier d’une sténose bilatérale des carotides de plus de 70%, ce consensus ne vaut rien et est délétère. (8) (open access).

2.3.3.3. La correction des autres facteurs de risque cardiovasculaires.


C'est essentiel de le cocher dans une question de l'ECN, mais que ce soit pour le tabac, l'alcool, l'obésité, ou le diabète, il n'y a pas de données. Aucune, nada, zéro. On ne sait pas à quoi ça sert dans la prévention secondaire des AVC ischémiques. Ça ne veut pas dire que c'est inutile, mais que je ne peux pas vous donner de chiffres fiables et incontestables.

2.3.3.4. La chirurgie et l'endovasculaire.

Là encore on va passer vite faute de grandes études. La chirurgie carotidienne n'est utile que pour les sténoses symptomatiques de plus de 70%, si elle est réalisée dans les deux semaines après un AVC surtout chez les femmes (avec une réduction du risque absolu de 23%) (8). Et dans l'endovasculaire (hors phase aigüe), les bénéfices sont inférieurs aux risques.

2.3.3. Poursuivons par les AVC ischémiques avec une hypothèse d'étiologie cardio embolique.


Ce sujet étant devenu un peu (euphémisme) polémique en raison de l'apparition des nouveaux anticoagulants et des vérités énoncées par des gens qui n'ont même pas lu les études (même pas les plus optimistes) de ces molécules, on va y'aller tout doux pour bien comprendre les faits.

2.3.3.1 Les AVK (c’est-à-dire la WARFARINE dans les études)

Les AVK ne sont utiles dans les AVC cardio emboliques que si le risque de récidive est de 2% pour an. Si vous vous demandez pourquoi 2,0 et pas 1,9 ou 5,0, vous avez raison, c'est toujours bien de se poser des questions, mais malheureusement pour vous la réponse est empirique : parce que ! (En fait c'est lié au fait que le risque de saignement grave sous WARFARINE est estimé à 1% par an). Avant de se poser la question de quelle molécule, il faut donc se poser la question de l'indication, et pour cela vous avez à votre disposition un nombre considérable de scores, si ce n'est que seul le CHADS2 est en général utilisé dans les études. Et dans ce score, un antécédent d'AVC vaut 2 points, et un âge supérieur à 75 ans en vaut 1. Et un point représente 2% de risque annuel de récidive. Pour le dire autrement, en prévention secondaire d'AVC d'origine cardio embolique, quel que soit l'âge, il existe une indication à utiliser un AVK.

Quel effet protecteur en attendre ? Et bien tout dépend de votre risque absolu de récidive (qui augmente avec les autres éléments du score CHADS2 comme l'hypertension, le diabète ou l'insuffisance cardiaque congestive) mais les AVK diminuent ce risque de 67% (en risque absolu). Evidemment, et c'est l'argument principal de ceux qui préfèrent les nouveaux anticoagulants, pour obtenir cette efficacité, il faut une surveillance de l'INR et une observance parfaite (parce que c'est bien connu, si on ne surveille pas comme pour les NAC, l'observance s'améliore…) . Dans la vie réelle, on estime que les patients ne passent que 63 à 68% de leur temps dans la zone thérapeutique (INR entre 2 et 3).

2.3.3.2. Passons donc au nouveaux anticoagulants (NAC)

Le mieux que je puisse vous conseiller est de lire cette meta analyse (accès payant) (3). En résumé :

Les NAC (dans leur globalité, en comparant 23312 patients sous NAC versus 29229 sous WARFARINE), abaissent le risque relatif (RR) d'AVC ou d'embolie systémiques (sur une période variable de 2 ans) à 81%. C'est énorme. Mais il y a mieux : le RR est de 92% pour les AVC ischémiques, de 49% les AVC hémorragiques, et de 90% pour la mortalité de toute cause.

Sauf que voilà, comme d'habitude avec ces chiffres fabuleux, c'est que les statistiques sont un jeu, et que si on joue à ce jeu, on peut exprimer ces résultats d'une autre façon.

C'est ici le moment rêvé pour vous insérer un lien vers un article ancien du blog qui vous explique comme tricher avec les stats sans tricher http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2013/12/les-stats-simples-pour-comprendre-ce.html

Mais revenons à cette meta analyse. Si on prend les données brutes, l'image change un peu. En réduction du risque absolu RA (c’est-à-dire le gain réel pour le patient) ou en NNT (nombre nécessaire pour traiter), on obtient :
  • Une réduction du RA de 0,7% soit un NNT de 148 pour les AVC et les embolies systémiques
  • Une réduction du RA de 0,2% soit un NNT de 481 pour les AVC ischémiques seuls (et ce n'est pas significatif)
  • Une réduction du RA de 0,5% soit un NNT de 220 pour les AVC hémorragiques
  • Une réduction du RA de 0,8% soit un NNT de 128 pour les décès de toute causes.

Dit autrement, le bénéfice des NAC par rapport aux AVK est infime et ne joue que sur le risque de récidive hémorragique. Et encore ! Parce que sans vouloir vous abreuver de chiffres, il se trouve que les NAC augmentent significativement le risque d'hémorragie digestives (NNT 186 ce qui est peu mais proche du gain sur les AVC hémorragiques, c’est-à-dire que ce que l'on gagne d'un côté on le perd de l'autre).

Face à ces arguments on entend parfois des gens qui ont des idées. Des idées ça veut dire qu'ils se lèvent comme ça un matin et s'imaginent des choses, et comme ils pensent raisonner juste, ils pensent que ces choses sont vraies. Alors voilà une liste d'arguments qui sont tous faux d'après les propres études des labos :

Les NAC sont plus efficaces chez les sujet de plus de 75 ans (aucune différence), chez les diabétiques (aucune différence), chez les CHADS bas (aucune différence), chez les CHADS élevés (aucune différence), en relais des AVK (aucune différence) ou après un AIT (toujours aucune différence).

Du coup faut-il s'en passer ? Non ! Mais il faut faire quelque chose d'assez original…. Respecter strictement l'A.M.M. que vous pouvez trouver superbement illustrée par les artistes du bureau C456 - 12 e l'HAS ici http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-09/bum_naco_def.pdf

Que faut-il retenir : même si vous trouvez ça rigolo, pratique, esthétique ou même si votre patient vous le demande parce que son chauffeur de bus lui en a parlé, ce sont des médicaments de deuxième intention avec un nombre important de contre-indications à respecter.

Et tant qu'on y'est, si vous voulez une fiche qui résume tout ça dans le cas particulier du DABIGATRAN, vous en avez une là http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2015/01/fiche-therapeutique-dabigatran.html

2.3.3 Que retenir de tout à ça ?

Des idées simples pour discuter au cas par cas.

Après un AVC ischémique non cardio embolique l'ordonnance de sortie peut comporter :


1. De l'ASPIRINE/KARDEGIC 160mg.
Le bénéfice est modeste avec un NNT de 64 - L'efficacité est surtout prouvée pendant les 3 premiers mois, au long cours c'est moins net, mais le risque de complication réel est faible avec un NNH de 83.

2. L'utilisation de CLOPIDOGREL/PLAVIX à la place de l'ASPIRINE ne représente qu'un gain très modeste par rapport à l'ASPIRINE seule (1% environ de risque relatif). Le risque étant le même. La bithérapie est inutile.

3. L'ATORVASTATINE est le traitement contre le LDL le plus efficace après la ROSUVASTATINE dont la prescription est compliquée. L'effet est modeste avec une réduction du risque relatif de 6% en tenant compte du sur risque d'accident vasculaire hémorragique. Cet effet chute de 30% environ par décennie après 60 ans. Les risques restent faibles (inférieurs au bénéfice).

4. L'INDAPAMIDE diminue le risque absolu de récidive de 16% avec un NNT de 7. L'observance est cependant mauvaise. L'adjonction de PERINDOPRIL, ou l'utilisation PERINDOPRIL seul n'apporte rien. Les autres classes ne sont pas supérieures.

5. L'intérêt de la chirurgie est restreint en dehors des sténoses de plus de 70% ou elle réduit le risque absolu de récidive de 23%. Elle doit être proposé précocement, surtout chez la femme.

Apres un AVC cardio embolique:

1. Les AVK sont à utiliser en première intention. Ils diminuent le risque absolu de récidive de 67% mais dans la vie, les patients ne sont dans la fourchette thérapeutique que 2/3 du temps.

2. Les nouveaux anticoagulants ne sont que très modestement supérieurs aux AVK avec une réduction du risque absolu de 0,7% sur tous les AVC, une réduction significative du risque d'AVC ischémique, un gain sur le risque d'AVC hémorragique (par surdosage) infime avec une réduction du risque absolu de 0,5 soit un NNT de 220, contre balancé par une augmentation du risque d'autres hémorragies.

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Pathologies neurovasculaires







Bonne lecture avec tous ces chiffres. Et pour les curieux qui veulent plus de détails et de subtilités, voici la bibliographie.


(1) Lancet 2016; 388:365-75
http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(16)30468-8

(2) Lancet Neurol 2010; 9: 273–84
http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(10)70038-7

(3) Lancet 2014;383:955-962
http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(13)62343-0

(4) BMJ 2003;326:1423-1430
http://dx.doi.org/10.1136/bmj.326.7404.1423

(5) Lancet 2002;360 : 1903-13 avec erratum dans Lancet 2003;362:1060
http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(02)11911-8

(6) Lancet 2001;358 : 133-1041
http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(01)06178-5

(7) N Engl J Med 2008;351:1887-98
http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa0801369

8) Stroke 2003;34:2589-90
http://stroke.ahajournals.org/content/34/11/2583.long


avec un grand merci à @DocMarmottine pour les corrections