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6.1.14

cas clinique 012013 (numéro inutile qui donne du sérieux)

- I've got something to say -




Ce cas clinique répond à une demande qui m'a été faite à plusieurs reprises de "neurologie appliquée". L'idée est de partir de cas réels (certifiés 100% pur jus, sans additifs ni conservateurs) et de commenter la prise en charge, voir ce qui a été bien fait, moins bien fait, voir raté selon les données de 2013. Comme vous le verrez l’objectif n'est ni de juger ni de dénoncer mais de discuter. Et surtout vous verrez que certaines recommandations sont contradictoires, ce qui pimente toujours la prise en charge.

NOTE IMPORTANTE : Ce cas est décrit tel qu'écrit dans le dossier, avec les mots d’origine. C'est important, car comme me l'a fait remarquer @minuit08 (regardez son commentaire), la sémio est partiellement fausse. Cela me permet (opportunisme éhonté, de vous conseiller de lire le partie "mots de la neurologie" ici : http://etunpeudeneurologie.blogspot.fr/2013/12/lexamen-les-mots-pour-le-pourquoi-faire.html)




Madame X (oui bon là, c'est pas réel, mais c'est la seule exception), a 67 ans. Le matin, son époux l'entend se lever vers  7h00 comme d’habitude, et partir vers la salle de bain. Il se rendort et est réveillé vers 8h30 par un bruit sourd. Il se lève et trouve son épouse affalée au sol, tête en avant, en avant des toilettes. Elle ne lui répond que par des grognements, et semble incapable de bouger, bref elle est aphasique et hémiplégique gauche.



Dans leur village, ils sont voisins d'un médecin généraliste, qui n'est pas leur médecin traitant. Ce dernier a tout de suite le réflexe de contacter le 15 (heure d'appel 9h10). Le régulateur, privilégie le temps sur le vecteur : le véhicule du SAMU est disponible mais en temps, il est plus loin que celui des pompiers, ce sont donc ces derniers qui partent sur l'intervention.

Pendant ce temps, le médecin essaie de la conditionner. Les constantes sont FC 84/min, TA 180/110 mmHg. Il constate que le dextro est un peu bas (valeur inconnue), pose une voie avec 250ml de Glucosé. Les pompiers arrivent à 9h25, examinent, installent la patiente, et l'équipent en O2. Ils repartent à 9h45 et arrivent aux urgences à 10h30, ce qui est un temps de parcours rapide en tenant compte de la distance.

Le régulateur avait prévenu dès le départ le neurologue neurovasculaire et l'IRM. L'UNV étant pleine, il avait été établit d'un commun accord que patiente serait installée dans un box des urgences. Dès son arrivée, elle est installée sur un brancard, la voie (qui est tombée pendant le transport) reposée, avec une autre sur le deuxième bras. L'IDE repose un glucosé, pose un scope, prélève un bilan. Les constantes sont FC 114/min, TA 110/70mmHg, SaO2 97%, ECG normal.

Le neurologue et l'urgentiste la voient simultanément à 10h45. Cliniquement elle est toujours hémiplégique gauche, aphasique et semble confuse. Le CGS est coté à E3 V2 M4 soit 9.

L'IRM confirme une AVC sylvien droit superficiel et profond. Elle sort de l'IRM après 15 minutes d'examen à 11h25.

La patiente n'est pas thrombolysée. Elle reste aux urgences sous surveillance en attendant une place quelque part. Pendant ce temps, l'IDE qui la surveille la sent moins présente. Elle appelle l'interne qui constate une FC à 120, une TA à 100/80 mmHg, une SaO2 à 79 et un GCS coté à E4 V4 M5 soit 13. En comparant au score précédant (9) il récuse l’aggravation de conscience, mais intrigué par la TA demande un avis cardio.

Ici j’abrège un peu, en fait elle fait une dissection de l'Ao (et un AVC sur emboles). Elle est transférée au CHU pour la prise en charge de sa dissection. Son CH d'origine n’ayant pas de place le jour de sa sortie de chirurgie vasculaire nous sommes contactés. On apprend que son hospitalisation au CHU s'est compliquée d'une pneumopathie d'inhalation traitée par OFLOCET FLAGYL, et par une crise d'épilepsie.

Arrivée chez nous tous se passe bien (normal nous somme parfaits) et la patiente part en rééducation après une semaine.


MAINTENANT CAUSONS :

je vous propose un certain nombre question, vous laisse y réfléchir et, pour  ceux qui le souhaitent répondre soit par twitter à @qffwffq ou dans les commentaires du blog, (POUR FAIRE SIMPLE FAITES COMME AU RESTO CHINOIS DONNEZ JUSTE LE NUMÉRO DE LA QUESTION A LAQUELLE VOUS VOULEZ RÉPONDRE).


  1. Madame X a t-elle raison d'avoir 67 ans ?
  2. Quelle est l'heure de son AVC ?
  3. Monsieur X a t-il bien fait d'appeler son voisin médecin ?
  4. Le médecin a t-il eu raison d'appeler le 15 avant de prendre les constantes ?
  5. Le médecin a t-il eu raison de vérifier le dextro alors que la patient avait un tableau d'AVC ?
  6. Le médecin a t-il eu raison de poser une voie d'abord avec du glucosé ?
  7. Le régulateur a t-il eu raison de privilégier les pompiers ?
  8. Les pompiers ont-ils eu raison de poser des lunettes à O2 ?
  9. L'IDE des urgences a t-elle bien géré l’accueil ?
  10. Idem pour le neurologue et l'urgentiste
  11. Que penser du GCS
  12. Indépendamment de la suite, le neuro a t il eu raison de ne pas thrombolyser ? 
  13. Qui a raison de l'interne ou de l'IDE sur l'état de conscience pendant la surveillance ?
  14. Comment expliquer qu'elle ait un meilleur GCS tout en allant moins bien
  15. Que pensez vous des ATB au CHU ?
  16. Pourquoi Mme X a t elle fait une crise d’épilepsie ?
  17. Qui va gagner le TOP14 cette année ?

VOUS AVEZ ÉTÉ NOMBREUX A PARTICIPER !  C'est très sympa, du coup j'ai du bosser un peu plus que prévu. J'ai mis pour chaque réponse, lorsque cela était possible, le niveau de preuve. C'est une classification classique. Si vous n'êtes pas familier elle se décompose en classe (indiquée en chiffe romain de I à III) et niveau (de A à C). Plus le chiffre romain est petit, plus la procédure est bénéfique au patient, plus le niveau est élevé (A) plus le niveau de certitude de la preuve est important. I,A correspond à une procédure bénéfique dont on est certain du bénéfice  III,C à une procédure néfaste dont on est incertains de l’inefficacité.

Ces recommandations viennent de ce document : http://stroke.ahajournals.org/content/44/3/870

qui à ce jour, est le plus récent sur ce qui doit être fait ou non dans la prise en charge des AVC.

TRÊVE DE BLABLA, voici mes réponses, comme d'habitude, je vous laisse le soin de manifester bruyamment votre désaccord si besoin !

- 1- Madame X a-t-elle raison d'avoir 67 ans ?

Madame X avec ses 67 ans fait partie de la moitié des 130 000 AVC hospitalisés annuels (un quart ont moins de 65 ans, un demi entre 65 et 84 et un quart au-delà de 85 ans). Mais la question était « a-t-elle raison », autrement dit, son jeune âge est-il un atout pour elle ?

La réponse est OUI et NON : OUI parce que les critères de thrombolyse restent âge dépendant et NON parce que le pronostic fonctionnel est indépendant (ce qui ne veut pas dire que ça ne joue pas, c’est toute la subtilité des stats : un homme de 95 ans hémiplégique va moins récupérer qu’un homme de 35 ans, non pas à cause de l’AVC mais de l’immobilisation… si vous ne suivez pas en peut en recauser). Retenez en tout cas que l’âge, n’est pas une contre-indication à la prise charge en UNV.

Concernant l’âge, il se peut que vous ayez entendu ou vu des patients traités au-delà de 80 ans. Ceci mérite une brève explication :

Le traitement des AVC ischémiques par thrombolyse intra veineuse a commencé en 1996. Cette AMM (US), reposait sur des essais récusant d’emblée les patients de plus de 80 ans, et précisant qu’un des facteurs de succès du traitement était un âge inférieur à 75 ans.

En 15 ans de traitement vous pensez bien qu’il y a cependant eu plein de violations de l’AMM et quand les chercheurs sachant chercher se sont intéressés au devenir des patients de 80 ans thrombolysés quand même… Ils se sont aperçut que les résultats n’étaient pas si mauvais, d’où nécessité de nouvelles études.

J’abrège les détails, mais, en termes de santé publique, connaitre le délai maximum de thrombolyse étant plus important que connaitre l’âge maximum, les nouvelles études ont continué à se focaliser sur… le délai.

Et parce que les auteurs, pour des très bonnes raisons que je décrirai dans la réponse à la question 12, ont exclus les patients de plus de 80 ans… la situation jusqu’en 2012 était : avant 80 ans thrombolyse possible pour tous jusqu’à 4h30 et pour les plus de 80 ans, thrombolyse à discuter (en français : hors AMM) mais toujours avant 3 heures.

Depuis, une étude très contestée a prouvé que 80 ans n’était pas réellement une limite. Mais du fait de cet aspect contesté, en Janvier 2014 :

- LA THROMBOLYSE INTRA VEINEUSE EST TOUJOURS CONTRE INDIQUÉE CHEZ LES SUJETS DE PLUS DE 80 ANS.

- Par consensus professionnel, elle est envisageable avant 3 heures s’il n’existe aucune autre contre-indication. Il reste donc important d'adresser tout AVC au neurovasculaire pour qu'il puisse décider d'agir ou non.


- 2- Quelle est l'heure de son AVC ?

A moins d’être devin il est impossible de le savoir MAIS, ce qui compte ici, c’est que madame X peut potentiellement bénéficier d’une thrombolyse IV si le traitement est administré avant 4h30 et d’une thrombolyse IA avant 6h. Donc la vraie question est, quelle heure retenir pour le début des troubles ? La réponse est 7 heures car c’est la dernière fois qu’elle a été vue valide.

Chez Madame X la perte de chance maximum est de 1h30, mais il existe un cas beaucoup plus fréquent : l’AVC découvert au réveil. Ces AVC sont contre indiqués à la thrombolyse car on retient l’heure du coucher comme heure potentielle du début des troubles. Cela peut sembler d’autant plus injuste que physiologiquement, ces AVC se produisent souvent au moment du réveil. OUI MAIS VOILA, la médecine ce n’est pas juste, et, toujours en 2014, malgré plusieurs essais de contourner la difficulté de la datation pas des séquences IRM très spécifiques, il est toujours obligatoire de se référer à la dernière heure de normalité.

- 3- Monsieur X a-t-il bien fait d'appeler son voisin médecin ?

OUI… mais pas tout de suite. Le temps de tapoter son épouse, lui demander si ça va, se dire que les choses sont sérieuses, s’habiller, aller chez le voisin etc… il s’est écoulé 40 minutes. Avec un taux de perte de 2 millions de neurones par minutes d’AVC, Madame X en a perdu 80 millions soit 0,08% du total (l’intégrale des feux de l’amour). Par contre, une fois le 15 prévenu, vu les délais d’intervention, que monsieur X ne peut ignorer (il le sait qu’il habite un village), contacter de l’aide était une très bonne décision.

- 4- Le médecin a-t-il eu raison d'appeler le 15 avant de prendre les constantes ?

OUI pour les mêmes raisons que celle citées précédemment ! Ce qui compte c’est le temps, les constantes son importantes mais pas indispensables au déclenchement des secours devant l’hémiplégie.

- 5- Le médecin a-t-il eu raison de vérifier le dextro alors que la patient avait un tableau d'AVC ?

OUI OUI et encore OUI ! Une hypoglycémie peut tout mimer y compris un vrais AVC.

- 6- Le médecin a-t-il eu raison de poser une voie d'abord avec du glucosé ?

OUI… mais pas comme ça. Une hypoglycémie est délétère pour le cerveau. D’une part elle peut mimer l’AVC, voir provoquer des crises comitiales, mais surtout, en déça de 0,4 g/l elle peut provoquer des dommages irréversibles. Or madame X a besoin de beaucoup de choses mais certainement pas de lésions irréversibles supplémentaires (ou alors la destruction du souvenir de Madame Mamath, prof de maths tyranniques au collège qui… mais c’est une autre histoire).

Une hyperglycémie… ce n’est pas mieux ! La physiopathologie est complexe, je vais vous en donner une version très probablement fausse mais qui a le mérite d’être simple.

Le neurone est une cellule totalement obsédée par sa vie sur les réseaux sociaux. Telle une nerd, elle ne fricote plus, même pas avec elle-même, ne se lave plus et ne mange plus… oui c’est moche ! En termes scientifiques, le neurone est une cellule ultra spécialisée incapable d’assurer sa mitose (d’où la quasi impossibilité de tumeurs neuronales), d’assurer son entretien et d’absorber son seul et unique nutriments : le glucose. Ces deux dernières fonctions sont assurées par les astrocytes qui injectent activement le sucre dans le neurone.

Quand un neurone et sa cellule gliale sont soumis à une ischémie, le neurone se met en mode standby. Il ne communique plus, mais continue à avoir fin (oui, il grignote entre les repas, mais il s‘en tape ses potes font pareil). L’astrocyte doit donc continuer à lui fournir du glucose mais faute d’oxygène, il doit assurer cette fonction par une glycogénèse anaérobie (krebs tous ca…). Cette voie métabolique a comme GROS inconvénient de produire de l’acide lactique (toujours krebs & co…), et l’acide lactique… c’’est de l’acide ! Et le neurone, l’acide, ça le tue. Et il n’est pas le seul, les astrocytes et les cellules de l’endothélium vasculaire adjacent ne résistent pas mieux.

Le résultat est sans appel : une hyperglycémie prolongée sur une zone en ischémie provoque une mort neuronale, une destruction des paroies vasculaires et une hémorragie intracérébrale ! Comme l’aurait dit Platon s’il avait été neurobiologiste : Dans l'espace d’une seule minute terrible, deux millions de neurones s'abîmèrent dans le crâne et disparurent (librement inspiré de la chute d’Atlantis).

Bon d’accord mais en pratique il aurait dû faire quoi ? Resucrer (G10%) puis poser un NaCl 9 ‰. Pas plus pas moins.

Rec : IIa,C


-7- Le régulateur a-t-il eu raison de privilégier les pompiers ?

OUI. A coup de 2 millions de morts à la minute, tout compte. Le pronostic vital étant moins souvent engagé que dans un infarctus du myocarde, la vitesse de transport prime sur le mode.

-8- Les pompiers ont-ils eu raison de poser des lunettes à O2 ?

NON. Commençons par cette phrase si anglaise dans sa subtilité : Although…O2… may seem intuive, only limited data exist regarding its benefit. Je ne suis pas certain qu’il soit possible d’exprimer en français à quel point cet usage de plusieurs formules conditionnelles en anglais équivaut à un non franc et massif. La physiopathologie est encore plus complexe, mais disons que ce n’est pas parce que vous essayez d’avoir 400% de SaO2 que le dit O2 franchira le thrombus pour aller oxygéner les neurones qui étouffent. Par contre le dit O2 pourra favoriser des réactions d’oxydo réduction délétère auxquelles je ne comprends rien… mais bon je suis neurologue, pas chimiste.

Les seules études disponible préconisent d’oxygéner lorsque la Sao2 est inférieure à 94%.

Rec III,B

9- L'IDE des urgences a-t-elle bien géré l’accueil ?

OUI. Et même mieux que ça car figurez-vous, que, chose exceptionnelle avec l’HAS, cette institution à découvert qu’il y ‘avait des IDE et que dès les premières minutes et jusqu'à la sortie du patient, leur rôle en terme de bénéfice clinique est supérieur à la thrombolyse ! Dit autrement, si les soins IDE (on oublie les traitements etc…) étaient un médicament, elles auraient un service médical rendu important et une amélioration du service médical rendu de I.

Alors là, j’entends le sceptique au fond de la pièce qui se disent, @qffwffq il a fait ses calculs, il y’ a plus d’IDE que de médecins, donc en les flattant il fait une bonne affaire pour attirer des lecteurs sur son blog ! Et bien non et vous allez comprendre pourquoi :

Le neurone a donc cette enoooorme autonomie de 6 minutes. Ce laps de temps nécessite une réactivité de….6 minutes dans l’idéal, la plus rapide possible dans la vie réelle. Or qui est le mieux placé pour détecter des variations de l’état du patient, pratiquer rapidement les mesures qui confirment ces variations et administrer au plus vite les mesures de corrections ? Et bien pas les médecins.

L’HAS l’a écrit noir sur blanc et a, comble de l’inattendu, écrit des recommandations spécifiques pour les IDE. Si, Si, des recos rien que pour les IDE que vous trouverez là :

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/avc_param_351dical_recommandations_version_2006.pdf

Reste le problème de la pose de Glucose. C’est un problème pour les excellentes raisons que je vous décrites dans la réponse à la question 6. Mais, on peut considérer qu’une IDE des urgences, a priori non formée en neuro vasculaire, applique les protocoles médicaux de son établissement. C’est donc un problème de protocole et ça, c’est la faute à… c’est marrant y’a jamais personne pour ça.

Rec I,A

-10- Idem pour le neurologue et l'urgentiste

NON. Peu importe lequel des deux mais 15 minutes pour arriver c’est 30 millions de neurones, là on vient de perdre toutes les recettes de tartes aux pommes de tata Danielle. Le régulateur a prévenu les urgences et le neurologue, donc ils sont au courant. Quel que soit la taille de l’hôpital, aucun service des urgences na une taille telle qu’il faille 15 minutes pour le traverser.

Plus scientifiquement, le temps entre l’arrivée du patient et son examen par un médecin (door to physician) doit être inférieur à 10 minutes

Rec I,B

-11- Que penser du GCS ?

Il faut surtout penser à ne pas le faire chez les patients ayant un AVC ! Un patient aphasique complet qui somnole (sans trouble de la conscience, juste parce qu’il attend sur un brancard) aura un score à E3-4, V0, M4 soit 7-8. Qu’allez-vous en faire ? En théorie il faudrait l’intuber ! Donc on l’oublie.

Maintenant, vu que nous parlons d’urgences il faut un score, peu importe lequel, mais quelque chose avec des items, des cases à cocher, et des chiffres. Pour le neurovasculaire il en existe deux : le NIHSS, qui même dans sa version allégée nécessite une formation spécifique (nota bene pour ceux qui le connaissent, la version complète c’est celle avec les phrases à lire et le dessin à commenter…), et le FAST (qui est simplissime à un point qu’en parler comme d’un score est un franc abus de langage).

En pratique, sauf à vouloir vous former au NIHSS, le plus simple reste de décrire simplement ce que vous voyez (auto page de pub : utilisez si possible des termes neurologique, il y’en a tout pleins de très jolis dans l’onglet correspondant du blog, ça vous évitera d’induire une crise convulsive chez le neurologue la prochaine fois que vous parlerez d’hémiplégie de la face).

-12- Indépendamment de la suite, le neuro a t-il eu raison de ne pas thrombolyser ?

OUI ! Si Si ! Nous sommes à 4h25 depuis la dernière heure où la patiente a été vue en bonne état. C’est trop tard pour une thrombolyse IV.

Certains pourraient me faire remarquer que 4h25 ce n’est pas 4h30 et que dans un service d’accueil des urgences il est possible de préparer un pousse seringue d’ACTILYSE en 5 minutes. De plus, peut-être qu’elle a fait son AVC à 7h10 ou 7h20, ce qui lui laisse en encore plus de chances.

Ce n’est pas faux… mais il est important de comprendre ce que représente l’extension d’AMM de la thrombolyse de 3h à 4h30. Question 1, j’ai parlé des essais ayant conduit à l’extension d’AMM mais sans détailler.

Voici le détail, il est TRES intéressant : suite à l’AMM USA, étant donné l’organisation des soins aux USA (pas de SAMU, paramedics, grande distances), le nombre de patients thrombolysés est resté bas ! Le problèmes étant que la plupart arrivaient à l’hôpital après les 3 heures fatidiques. Ayant le choix entre réduire la taille de leur territoire ou augmenter la fenêtre temporelle, les autorités US ont choisi avec sagesse la deuxième option.

Pour cela, comme d’hab. faut faire des essais internationaux. Pas de bol le premier ECASS I, fut un échec (ça arrive), pas de bol, le deuxième ECASS II aussi, pas de bol le troisième ATLANTIS A, encore raté et…le quatrième, ATLANTIS B fut… un échec semblable aux précédents.

Quand la réalité s’obstine à ce point à refuser de vous rendre service, il faut la brusquer un peu. Scientifiquement ça se nomme sortir des fonctions statistiques exotiques et en l’occurrence, l’étude poolée de toutes ces études a mis en évidence une discrète tendance en faveur de l’extension de fenêtre (avec une probabilité de 1,4 contre 1).

Devant cette victoire spectaculaire de la science sur la réalité, une cinquième essai, ECASS III a été réalisé. Et là… et bien toujours pas. Je ne sais pas si mère nature se rend compte du coût faramineux de ces essais, mais la vieille là, il fallait qu’elle arrête. En ressortant de stats, en n'alysant que les patients ayant réellement bénéficié du protocole (étude PP et pas ITT pour les spécialistes), la vielle, on l’a eu !

Les résultats sont spectaculaires : patients avec une autonomie complète à 3 mois 206 sur 375 thrombolyses versus 161 sur 355 dans le groupe placebo soit un NNT (voir billet sur les stats) de 11. Et ceux sans augmentation de la mortalité.

Devant ces résultats certes bons, mais très tirés par les cheveux, les autorités US (la FDA) ont décidé… de laisser tomber. Les autorités européennes ont décidé d’accepter en précisant avec ce texte d’un enthousiasme dingue : « L’étude ECASS III a montré un bénéfice clinique modeste de l’altéplase par rapport au placebo à la phase aiguë de l'AVC ischémique dans la fenêtre thérapeutique 3 à 4h 30 ».

Résumons, après cinq essais négatifs, et un résultat positif après réinterprétation statistique du cinquième, les américains disent « non », et les européens disent «si ça fait pas de bien, ça peut pas faire de mal ». Les sociétés savantes américaines, elles, disent « ça serait bien de faire comme les européens ».

Donc, le neurologue a fait preuve de bon sens, l’extension d’AMM ne doit pas être comprise comme une extension de chance mais comme une extension de la période ou avantages et inconvénients de la thrombolyse s’annulent.

Tous les details là : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-07/actilyse_04072012_avis_ct12124.pdf

Rec IIb, C

- 13- Qui a raison de l'interne ou de l'IDE sur l'état de conscience pendant la surveillance ?

L’IDE. Se fier au GCS est un non sens en neurovasculaire

-14- Comment expliquer qu'elle ait un meilleur GCS tout en allant moins bien ?

La patiente a sans doute récupéré de son AVC donc elle parle mieux, bouge mieux, mais est plus confuse ou comateuse à cause de sa dissection.

- 15- Que pensez-vous des ATB au CHU ?

C’est un choix exotique. Une pneumopathie de déglutition simple en milieu hospitalier se traite selon mon pilly par de l’AUGMENTIN.

16- Pourquoi Mme X a t elle fait une crise d’épilepsie ?

Pour deux raisons : crise précoce post AVC (ça vous l’avez tous deviné) ET, beaucoup moins connu mais très fréquent, à cause des fluoroquinolones. Ce sont des molécules TRES pro épileptogénes, qu’il fait éviter dans les AVC.

17- Qui va gagner le TOP14 cette année ?

Visiblement vous n’êtes pas d’accord, je suis déçu.

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :