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30.9.20

#UnLapinUnThread | Neurologie et épigénétique

Vous connaissez la génétique ?
Imaginez un truc qui qui en module les effets en fonction de l'environnement
C'est compliqué mais on va simplifier

Il y a 3 semaines avait lieu le grand congrès mondial de la SEP. La partie intéressante est celle consacrée à la recherche. Toute une série d'interventions ont été consacrées à des phénomènes que nous les cliniciens connaissons encore mal, contrairement aux chercheurs qui sont presque blasés : les modifications "génétiques" induites par l'environnement.

Le mot savant est épigénétique.

Wikipedia explique ça mieux que moi alors en voici ce qu'elle en dit :

Alors que la génétique correspond à l'étude gènes, l'épigénétique s'intéresse à une "couche" d'informations complémentaires qui définit comment ces gènes vont être utilisés par une cellule ou...ne pas l'être. C'est un concept qui dément en partie la "fatalité" des gènes.

 En pratique les phénomènes épigénétiques sont un ensemble de choses qui font varier l'expression des gènes, avec des conséquences utiles ou néfastes (en pathologie on est plutôt sur du néfaste). Voilà quelques petits exemples dans la SEP. Depuis longtemps on sait que certaines formes de gènes (on parle d'allèle) qui codent une protéine de l'immunité (HLA-DRB) sont associés au risque de SEP. C'est très curieux ce truc.

Quand une personne a le mauvais allèle, son risque de SEP augmente un peu. Pas beaucoup. Presque rien.

Par contre si cette même personne fume, son risque de SEP explose.

Un peu comme si le tabac accentuait un risque génétique.

Pour vous donner une idée, le fait de prendre du tabac (en le fumant comme partout dans le monde, ou en le prisant comme en Suède) expliquerait 41% des SEP chez ceux qui ont le mauvais allèle. C'est tellement puissant que le tabac réussi à inverser le ratio femme / homme de la SEP (2/1) en raison du surtabagisme masculin. Sauf que le tabac se démocratisant les femmes se rattrapent. Surtout dans les pays du sud et l'est méditerranéen.

Parce que deuxième truc peu connu... Si la SEP est une maladie avec un gradient nord sud (beaucoup plus de cas au nord du Monde)... Il existe des cas de SEP au Maghreb et au Proche-Orient. Et ces cas sont en général plus graves avec des évolutions plus rapides et une réponse thérapeutique moins bonne. On ne sait pas encore très bien pourquoi mais une des pistes est qu'il y a beaucoup plus de personnes au Maghreb et au Proche-Orient qui sont porteuses du mauvais allèle.

Et non seulement elle ont le mauvais, mais elles fument beaucoup, mais alors beaucoup plus. Mais ça n'explique toujours pas le lien entre facteur environnemental (le tabac) et l'expression d'une protéine par une gène. Et ce qui se passe implique des mécanismes complexes parce que l'effet persiste jusqu'à 10 ans après l'arrêt du tabac. Une des explications est donnée par l'étude épigénétique. Les personnes atteintes ont un gène DRB parfaitement normal. Donc le tabac ne l'altère pas. Par contre l'ADN (le support physique de ce gène) présente des anomalies de son environnement.

Normalement le brin d'ADN n'est pas tout nu dans le noyau de la cellule. Il est entouré d'une couche protectrice. Cette couche empêche sa lecture mais les enzymes qui transcrivent l'ADN en ARN ont justement la capacité d'ouvrir cette couche transitoirement (je simplifie beaucoup). Mais même comme ça, il existe d'autres systèmes de régulation de la transcription pour que la cellule ne produise pas une protéine en excès. Un de ces système de régulation est la méthylation de l'ADN. Pour faire simple c'est une sorte de marqueur qui dit "casse-toi" aux enzymes. Or chez les patients SEP cette méthylation est anormale. Comparés aux sujets sains, les patients SEP ont une partie du gène qui est surmethylée et une autre sous méthylée. Et cette anomalie provoque la sur expression d'une protéine du système immunitaire qui favorise l'action auto-immune de certains lymphocytes.

En français ça veut dire qu'à partir d'un gène normal, le tabac va modifier au long cours la façon dont il est exprimé dans le corps.

C'est un peu comme si le tabac faisait de vous un OGM transitoire. Ce qui explique aussi la fameuse injustice vis à vis du tabac mais ce n'est pas le sujet de ce thread.

Autre exemple rigolo, le SEXE. 

Au sens génétique tu terme donc rien qui ne puisse être dit avant 23h.  Je vous l'ai dit, les femmes ont 2 à 3 fois plus de risques d'avoir une SEP que les hommes. Longtemps on a pensé que c'était lié aux hormones (femmes = oestrogènes = risque / hommes = testostérone = protection). Sauf que les oestrogènes données aux hommes ne les protègent pas de la SEP et la testostérone donnée aux femmes non plus. Donc si c'est pas l'hormone, on regarde les chromosomes.

Génétiquement on est un homme quand on a un chromosome Y (lisez bien cette définition, je l'aime bien parce qu'elle est plus subtile qu'il n'y paraît). 

Donc :

  • XY homme
  • XX femme
  • XXY homme (klinefelter)
  • XXXY homme (super klinefelter)
  • XYY homme (ex syndrome de Jacob)
  • XXX femme

Le chromosome Y est très très treees spécialisé. Il est principalement responsable des traits phénotypiques (ce que l'on voit) masculin. 

Le chromosome X est infiniment plus riche. Il porte plein de trucs dont pas mal de choses liées à l'immunité. Et c'est le chromosome dont les gènes sont le plus exprimés dans le cerveau. Donc votre cerveau c'est surtout du X.

Chez l'homme ça ne pose pas de problème. Il a un Y qui s'occupe du sexe et un X qui s'occupe du reste.

Chez le femme c'est compliqué car elle a deux X. Donc un risque de double emploi. Pour éviter que ça vire au bordel (avoir trop de chromosomes est rarement une bonne chose)...un des deux chromosomes X de chaque cellule est inactivé. Cette inactivation fait que normalement il n'est plus actif. Il se transforme en une petite choses dense qu'on nomme le corpuscule de Barr.

 D'ailleurs petite digression, 

  • ce corpuscule est visible au microscope ce qui permet de savoir si une cellule de importe quoi vient d'une femelle (ça marche aussi avec les animaux) ou d'un mâle.
  • chaque femme a normalement un X venant de la mère et un X venant du père. Dans chaque cellule un des deux est inactivé de façon aléatoire. Les femmes sont donc pour ce qui des gènes du X des mosaïques de leurs deux parents alors que les hommes ne sont des clones de leur mère.

Mais revenons à nos moutons. Normalement le X inactivé est inactivé. C'est comme si il n'existait pas. 
Sauf que. Sauf que certaines molécules pro inflammatoires (Kdm6a pour faire joli) qui sont codée par des gènes présents sur le chromosome X....sont parfois deux fois plus présentes chez les femmes avec une SEP que chez les hommes avec une SEP et ce sans que le gène ne présente une quelconque anomalie.

C'est un peu comme si le X inactivé produisait des protéines ce qui est normalement totalement impossible. Là encore il se passe dans doute quelque chose après le gène, mais qui reste compliqué à comprendre.

Bref, on connaît la génétique, on commence à comprendre la protéinomique, on découvre encore l'épigénétique.