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20.4.18

Pathologies neurologiques chez les femmes.



Comme dans toutes les spécialité il y a un excès de mythes entre deux camps (excès de chaque côté) : ceux qui pensent que tous les humains sont identiques et ceux qui pensent que pour chaque caractéristique il existe une médecine particulière. En neurologie le débat fait rage depuis deux siècles (ceci est une figure de style car la notion de rage chez les neurologue est très abstraite. Elle ne se manifeste que par des modifications à peine perceptibles de hauteur de sourcils et d'inclinaison de commissures labiales). On va donc essayer de démêler vrai du faux et insister sur les spécificités, lorsqu'elles existent, des certains groupes humains et pour ce premier billet on va se concentrer sur le groupe humain majoritaire en France : les femmes.


L'individualisation de la neurologie de la femme remonte au fondateur de la neurologie lui-même, Charcot. Il est très difficile avec notre regard actuel de comprendre la vision du monde d'un médecin des années 1870. Avec notre regard, sa vision de la neurologie féminine est terrifiante puisque pour faire simple, la femme est un homme qui en plus fait des crises d'hystérie. Et ne nous y trompons pas, c'est très exactement ce qu'il pensait. Ce qui, en soit, pour l'époque, était... totalement révolutionnaire.

Admettre que la femme était l'égale (neurologique hein) de l'homme, était incompréhensible pour pas mal de ses contemporains. Il était absurde de croire que leur petit cerveau pouvait avoir les mêmes aptitudes que celles des hommes alors qu'à l'évidence on ne pouvait leur confier ni la gestion de leurs biens et encore moins leur accorder le droit de vote. Et pour l'hystérie, c'était encore plus ridicule, car il était absurde de considérer la tendance naturelle des femmes à devenir folles, comme une forme de maladie. Bon bref, les idées de Charcot nous semblent tout autant misogynes à nous, qu'elles semblaient féministes extrémistes pour ses contemporains.

Pour des questions de concision, je ne ferais qu'évoquer les noms d'Augusta Dejerine-Klumpke ou de Madeleine Pelletier pour démontrer l'égalité hommes femmes en terme de capacités et pathologies neurologiques (en ce qui concerne la seconde, ne vous enflammez pas trop, malgré un parcours féministes et communiste, elle a longtemps soutenu la supériorité de la "race blanche" en terme d'intelligence en utilisant des mêmes méthodes que celles qui affirmaient l'infériorité de la femme…). Wikipedia vous aidera à en savoir plus (Augusta Dejerine-Klumpke étant quelqu'un d’exceptionnel).

On va donc directement passer aux données actuelles.

Pré scriptum (oui j'aime bien inventer des concepts), je ne vais pas aborder les troubles neurologiques spécifiques à la grossesse en détail parce que vu leurs nombre, ils représenteraient les deux tiers de ce texte.

Pathologies neurovasculaires :

Quelques faits :
  • Les pathologie neurovasculaire, en particulier les accidents vasculaires cérébraux, tuent chaque année deux fois plus de femmes que le cancer du sein. Cette menace n'est pas connue puisque dans des enquêtes, des femmes estimaient le risque d'avoir un cancer du sein comme étant cinq fois plus important que celui d'avoir un AVC et 40% d'entre elles estimaient n'avoir aucun risque d'AVC. 
  • Aux Etats-Unis, 425 000 femmes ont un AVC chaque année soit 55 000 de plus que les hommes. En France, en 2014 on avait dans les AVC hospitalisés (c'est une différence par rapports aux chiffres américains) 55 944 (50,7%) hommes et 54 494 femmes (49,3%) et dans les AIT 15402 (47,2%) hommes et 17230 (52,8) femmes. Si on ne tient pas compte de l'âge (les femmes font leur AVC en moyenne 6 ans plus tard que les hommes) la létalité hospitalière était de 12,5% pour les hommes et 14,3% pour les femmes. En tenant compte de l'âge, le différentiel se réduit mais reste en défaveur des femmes (14,6% versus 14,0%). Les AVC sont la première cause mortalité chez les femmes avec 18 343 décès en 2013 versus la troisième cause de mortalité chez l'homme avec 13003 décès. 
  • Les femmes ont moins accès (!) aux unité neurovasculaires (54,7% pour les hommes et 46,2% pour les femmes) surtout en UNV soins intensifs ( (40,4% pour les hommes, 32,7% pour les femmes). 
  • Les pathologies neurovasculaires sont en hausse pour tous les plus de 65 ans. Sans rentrer dans tous les détails dans le cas des AIT après 65 ans, l'augmentation est de 25,6% chez les femmes versus 4% chez les hommes entre 2002 et 2008 et de 23,5% chez les femmes versus 13% chez les hommes entre 2008 et 2014 (BEH 21 février 2017).
  • Cette différence homme femmes est mal expliquée. Certains facteurs de risques sont spécifiques aux femmes (la grossesse, la prise d'une contraception comportant des œstrogènes, les hormonothérapies substitutives, la sur représentation des femmes chez les sujets migraineux alors que la migraine multiplie le risque d'AVC par 3 à 6, ou l'obésité gynoïde avec un risque multiplié par 5 en cas de tour de taille 89,4 cm et plus de 127 mg de triglycérides/litre). 
  • Une autre cause est la méconnaissance de certain signes d'AVC sur représentés ou spécifiques aux femmes comme des douleurs brutales de visage ou d'un membre (alors que la douleur est exceptionnelle chez l'homme), un hoquet brutal, des nausées incoercibles isolées, une dyspnée isolée ou une douleur thoracique isolée.
  • Autre données distincte, qu'on oublie souvent, les hommes ayant statistiquement leur AVC 6 ans avant les femmes, ce sont elles qui lorsqu'elle sont en couple avec un homme se retrouvent le plus souvent comme aidantes principales. Avec les conséquences secondaires que cette activité de nursing représente pour leur propre santé. 
Si on s'intéresse maintenant à la thérapeutique :
  • Les traitements médicamenteux aigus ont la même efficacité chez l'homme et la femme. Cependant, si on regarde ce qui se passe à 3 mois, les femmes ont une récupération plus médiocre et ce même en tenant compte de l'âge (étude TrISP - Stroke 2017) 
  • En pratique le seul conseil que l'on peut donner est d'être particulièrement vigilent à ne pas négliger ces spécificités cliniques mal connues et donc mal enseignées. 

Troubles et Pathologies liées au sommeil.

Quelques faits :
  • Dans les études les femmes ont un sommeil de meilleur qualité que les hommes (sur des arguments de polysomnographie), cependant 46% se plaignent de troubles du sommeil presque chaque nuit conte 40% qui décrivent un sommeil de bonne qualité
  • Les cycles menstruels, la grossesse et la ménopause sont les principaux facteurs de risque de mauvais sommeil, "modifiables". Au cours de la grossesse 84% des femmes décrivent quelques nuits par semaine de mauvais sommeil.
  • Le syndrome d'apnée du sommeil atteint 10% des femmes enceintes, en particulier en cas d'obésité, avec un pic d'incidence au cours du troisième trimestre.
  • En post partum, 84% des femmes souffrent d'insomnie, 42% n'ont aucune nuit de nonne qualité et 19% ont des troubles dépressifs.
  • L'incidence du syndrome d'apnée du sommeil est plus importante chez les femmes ménopausée sans hormonothérapie substitutive (et rejoint celle des hommes). Le syndrome d'apnée du sommeil est un facteur de risque d'AVC plus important pour les femmes que pour les hommes sans que la physiopathologie ne soit comprise. Le ronflement en lui-même est un signe associé à un risque d'AVC plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Si on étudie uniquement les femmes avec un ronflement, le sur risque d'AVC est de 1,66 en cas de ronflement occasionnel et de 1,88 en cas de ronflement habituel.
  • Le lien qui commence à être mis en évidence entre syndrome d'apnée du sommeil et risque de prééclampsie permet un nouveau champs prophylactique.
  • Les étiologies du sommeil de mauvaise qualité lors de la ménopause sont multifactoriels et pas uniquement hormonaux. 
  • Il existe une prévalence plus élevée de syndrome des jambes sans repos, d'insomnie, de troubles alimentaires liées au sommeil chez les femmes. Ces troubles sont également plus intenses. 
  • Il existe une étude unique (donc à prendre avec du recul) qui associe un risque de néoplasie mammaire plus important chez les femmes qui occupent un travail posté avec des roulements et qui ne peuvent pas récupérer une partie de leur dette de sommeil lors de siestes. Le sur risque serait de 1,53 avec un effet protecteur de 0,57 en cas de sieste (mais je me répète, sur une seule étude). 
A partir de ces faits, et comme pour presque toutes les pathologies liées au sommeil, les solutions thérapeutiques sont à la fois peu nombreuses et peu efficaces (minable est un terme adéquat mais non scientifique).
  • La plupart des symptômes sont corrigés par…. Rien. Ou, pour être exact, par une hormonothérapie substitutive chez la femmes ménopausée avec tous les risques d'augmentation du risque néoplasique et vasculaire que ces thérapies provoquent. Du coup le bénéfice ne semble pas réellement supérieur au risque. 
  • En ce qui concerne le syndrome des jambes sans repose, à part les recommandations habituelles (pas de boissons excitantes etc…) et l'administration de fer pour maintenir la ferritinémie au-dessus de 50 ng/ml… rien ne marche (je ne vais pas écrire que le pramipexole et le ropinirole ont effet proche du placebo, mais on n'en est pas très loin). 
  • En ce qui concerne le syndrome d'apnée du sommeil, la mise en place d'une CPAP, ne modifie pas le sur risque de mortalité globale chez la femme (alors qu'il est important chez l'homme), là encore sans que l'origine de cette différence ne soit comprise. 
Autres pathologies neurologiques ayant des particularités chez les femmes (hors épilepsie qui fait l'objet d'un texte spécifique)

L'incidence de la Sclérose en plaque est deux fois plus importante chez les femmes par rapport aux hommes. Cette différence est également vraies pour les méningiomes et est encore plus marquée pour les méningiomes symptomatiques. Dans le cas de la migraine cette différence est de un à trois en défaveur des femmes. Pour l'instant ces différences sont rattachées aux effets des hormones sur le système immunitaire et sur les sécrétions de neurotransmetteurs. De même des études de 2001 2004 et 2009 montrent un lien entre ménopause précoce et maladie de Parkinson.

En pratique… les femmes sont plus souvent exposées à certaines pathologies neurologiques avec comme conséquence, selon leur âge et leur désire de grossesse, de moindre possibilités thérapeutiques.

Notez bien que contrairement aux études américaines, je n'ai abordé dans ce texte que les différences spécifiquement liées au sexe. Mais je n'ai pas abordé les conséquences sociales et environnementales liées au sexe qui ont un effet sur la pathologie neurologique. Je vais vous donner un exemple tout simple avant que ne cherchiez des illustrations complexes : l'AVC. Je vous ai dit que les hommes font leur AVC 6 ans plus tôt que les femmes et que par conséquent celle-ci se retrouvaient plus souvent que les hommes dans la situation d'aidantes principales. Mais qui dit 6 ans plus tôt pour les hommes par rapport aux femmes dit aussi 6 ans plus tard pour les femmes par rapport aux hommes. Dit comme ça ça n'a l'air de rien si ce n'est que les hommes ont une espérance de vie à la naissance de très exactement 6 ans inférieure à celle des femmes. Autrement dit, il est beaucoup plus probable pour une femme d'avoir un AVC et d'être veuve que pour un homme. Et dans cette situation il est inutile que je vous explique en quoi se retrouver seule représente un risque supplémentaire de mauvaise récupération. Quand je donne cet exemple on me répond souvent que ce risque rentre dans le cadre plus vaste de celui de la dépendance. C'est vrai. Mais il est cependant très peu abordé en consultation médicale et accepté par la population.

Je ne sais pas pour vous, mais quand je vois en consultation pour une femme seule (parce que ça arrive plus souvent qu'un homme seul), la partie :"madame vous avez eu un AIT et vous êtes veuve, avez-vous pensé à l'EHPAD alors que vous allez par ailleurs parfaitement bien et que vous êtes super autonome" n'est pas super facile à aborder (je caricature pour illustrer mon propos, inutile de me faire la liste des aides sociales possibles).