11.8.16

hypotension orthostatique




Quartier générale secret de l'APHP, salle de réunion B-12 au 666 éme sous-sol.

Sous la lumière crue d'un scialytique grésillant, un membre des services informatiques bardé de badges, explique à une assemblée en pleine sieste, que si le nouveau logiciel de prescription ORBIS ne fonctionne pas, c'est principalement en raison du faible taux sanguin de midichloriens chez les médecins prescripteurs (contrairement aux PU).

Dans un recoin de la salle, resplendissante dans sa blouse blanche amidonnée à la colle forte, une femme, le regard clair, lit le Lancet neurology 2016;15:954-66. A ses côtés, un homme engoncé dans une blouse à la fois trop grande et trop petite, fixe une stylo bille quatre couleurs. Il essaie de le déplacer par la seule force de la force depuis deux heures, avec comme seul succès perceptible, un hemispasme facial. Découragé par ses vains effort, l'homme, Pierre, se retourne vers sa voisine.




  • Que lisez-vous Maryse ? 
  • Un article 
  • [silence dépité] 
  • [silence appuyé] 
  • Et il parle de quoi votre article ? 
  • C'est un article papier Pierre. Il se lit. 
  • Et… 
  • Bien, je vois que vous avez décidé de communiquer avec moi contre mon gré, alors pour écourter ce moment pénible, sachez que c'est un article de revue de la littérature sur les traitements de l'hypotension orthostatique. 
  • Ah mais c'est super intéressant ça Maryse, faites voir ! 
Pierre se saisit de la revue, jette un coup d'œil rapide, et la rejette aussitôt.
  • Vous lisez de plus en plus vite Pierre ! 
  • Non c'est pas ça, c'est juste que vous avez, sans doute sous l'effet de l'enthousiasme qui vous caractérise, oublié de me dire que ça ne concernait que les patients Parkinsoniens. 
  • Pas du tout. Si vous aviez pris la peine de lire plus de dix secondes, vous auriez compris que cet article est valable pour toutes les hypotensions non iatrogènes, y compris celles compliquant ou s'associant à une hypertension artérielle. 
  • Ah ! 
  • Oui. Et parce que ce moment de partage avec vous commence à me procurer un sentiment d'inconfort croissant, je vais, avant que vous ne me le demandiez, vous résumer les point essentiels. 
Pierre ferme les yeux et s'affale confortablement sur son fauteuil réglementaire APHP couleur écrivisse malade (brevet APHP n°563-C-1966). Il se félicite de cette biblio pré mâchée par Maryse, qu'il a une nouvelle fois manipulée avec une facilité déconcertante en jouant sur son irrépressible besoin d'enseigner et de transmette son savoir.
  • Tout d'abord Pierre, un point de détail qui n'en est pas un : contrairement à l'hypertension artérielle, l'hypotension artérielle est dans plus de 90% des cas une pathologie neurologique du système nerveux autonome (hors iatrogénie et hypovolémie évidemment). Elle est fréquente et touche entre 6 et 35% de la population générale si on considère comme seuils diagnostics une perte de plus de 20 mmHg de systolique ou de 10 mmHg de diastolique, après 3 minutes en position débout après s'être relevé d'un décubitus dorsal. 
  • C'est précis dites-donc ! 
  • Oui mais c'est comme ça. Parce que figurez-vous qu'une petite sensation lipothymique juste après s'être levé d'un bain chaud ça ne compte pas, vous n'avez qu'à prendre des douches froides comme moi. 
  • … 
  • Mais si vous le permettez, je continue. 
  • En fait… 
  • Ce n'était pas une question Pierre. Notons au passage que cette hypotension est fréquemment associé à une hypertension nocturne. On estime que cette association est responsable d'un nombre d'évènements cardiovasculaires équivalents en nombre et conséquences à ceux de l'hypertension artérielle essentielle. 
  • Ça fait beaucoup ça ! Mais je vous vois venir, vous allez m'expliquer qu'il faut traiter, et dépister et être sérieux, et tout et tout. 
  • Pas du tout ! 
  • Faut pas être sérieux ? 
  • Si, mais je me garderais bien de vous donner un recette thérapeutique toute faite parce que le problème est légèrement plus compliqué que ceux auxquels vous êtes habitués. Tout d'abord, quand je vous dis que ce syndrome hypo et hyper tension provoque des complications semblables à l'hypertension, je ne vous ai pas dit que c'était la seule conséquence. 
  • Désolé je ne vous suis pas là ! 
  • C'est pourtant simple : non seulement ce syndrome est aussi grave sur le long terme que l'hypertension artérielle, mais en plus, il présente un risque spécifique sur le court terme en raison de l'augmentation du nombre de chutes (avec ou sans fractures), de syncopes, d'AVC sur bas débit, ou de crises convulsivantes. 
  • Mais c'est une vrai saleté votre tuc là ! 
  • Oui. Et ça l'est d'autant plus que bien évidemment il est difficile de soigner une des deux composantes du syndrome, sans aggraver l'autre. 
  • Ah ben oui tiens ! j'y avais pas pensé. 
  • Je sais c'est normal, c'est votre conditionnement de neurovasculaire. 
  • Ahah c'est drôle , quel humour ! Continuez plutôt à me donner des conseils de traitement. 
  • Il y'a de multiples approches cependant, le risque hypotensif étant plutôt sur le court terme, et celui hypertensif à long terme, une des façon de faire et d'abord d'essayer de traiter l'hypotension par des moyens non médicamenteux, et l'hypertension par des anti hypertenseurs classiques. 
  • Oui et donc concrètement ? 
  • Dans un premier temps, il faut proposer d'augmenter les apports de sel et d'eau quotidiens pour augmenter la volémie. 
  • Les néphrologues vont hurler ! 
  • Pas plus que lorsque vous mettes des AINS au long cours pour la moindre paresthésie fugace. Ensuite, vous faites dormir les patients avec le haut du corps surélevé de 6 à 9 inches (soit 15 à 23 centimètres). 
  • …. Eh…. Pour le risque de RGO ? 
  • Non, mais parce que ce symptôme est lié à une dysautonomie, et que le facteur déclenchant qui perturbe le système nerveux autonome est la détection du décubitus, il faut donc placer le corps dans une position que ce système nerveux autonome considérera comme étant une position debout. 
  • Et 25 centimètres suffisent ? 
  • Oui ! Et c'est pas 25 cm mais 23 cm. 
  • Vous rigolez là ? 
  • Oui. 
  • OK je le savais ! Et ensuite ? 
  • Ensuite, on passe à des traitements médicamenteux. Autant vous le dire tout de suite avant que ne me posiez la question, la FLUDROCORTISONE a un effet si modeste, que seul le détecteur de particules du CERN peut le mesurer. Alors autant continuer à utiliser la MIDODRINE ! 
  • Hein ? Nan mais vous en avez déjà utilisé du GUTRON ? Vous vous moquez de la FLUDRO et vous conseillez du GUTRON ? Vous êtes vendue au labo vous ! 
  • Non je suis sérieuse. Mais il faut l'utiliser à bonne dose, soit entre 30 et 40 mg par jour, c’est-à-dire 6 à 8 comprimés de 2,5 mg. 
  • Alors imaginons comme ça, que ça marche pas ! 
  • Et bien vous avez raison de l'imaginer parce que ça marche mal. Mais la suite est encore pire. 
  • Ah… 
  • En cas d'échec vous pouvez essayer l'ACARBOSE (GLUCOR) et avant que vous ne hurliez en m'expliquant que c'est un des antidiabétique le plus pourris de l'univers connu, figurez-vous que c'est une des rares molécules efficaces contre l'hypotension post prandiale . Est comme je sens que vous allez me demander ce qu'il reste comme possibilité en cas d'inefficacité persistante, si vous êtes acculé au mur, il vous reste la PYRIDOSTIGMINE (MESTINON) pour peu que votre patient ne soit pas asthmatique. 
  • D'accord, et si l'hypertension se majore de façon concomitante ? 
  • Dans ce cas il faut utiliser des antihypertenseur atypiques ! 
  • Ça existe ça ? 
  • Non, c'est une image. Il faut éviter les diurétique et les alpha bloquants et privilégier le LOSARTAN, le MINOXIDIL (LONOTEN), le NEBIVOLOL et le SIDENAFIL (REVATIO) ! Evidemment, le deuxième et le quatrième sont à utiliser avec l'avis du cardiologue (de toute façon en raison de leur modalité de prescription vous n'aurez pas le choix). 
  • Et avec ça ils seront poilus et libid… 
  • Hein ? 
  • Non rien je rigole tout seul. 
  • …. 
  • Donc pour vous résumer, c'est un syndrome fréquent… 
  • Oui ! 
  • Sous diagnostiqué et grave… 
  • Oui ! 
  • Qu'il faut traiter d'abord par de moyens non médicamenteux, puis par des molécules dont il ne faut pas hésiter à monter les doses… 
  • Oui ! 
  • Puis par des molécules atypiques réservées aux spécialistes de la spécialité… 
  • Oui ! 
  • Mais vous savez que vous être inhabituellement claire Maryse ! 
  • Merci Pierre. 
Et pendant que Pierre réfléchit à toutes ces données, Maryse se lève, et d'un geste souple et à peine perceptible de la main, fait voler le stylo bille quatre couleurs jusque dans sa poche, tout en murmurant à voix basse : "je ne sais pas de quels problèmes parle l'ingénieur informatique, avec moi ORBIS peut même faire le café."

Si vous voulez en savoir plus, cet article fait partie de la collection suivante :
Le système nerveux périphérique

et dans la collection
Pharmacologie et thérapeutique